Voir du dehors quand on est mort

(Exercice d’écriture, notes, brouillon)
Ce que l’on peut voir du dehors, depuis la mort est apaisant. Il ne sert strictement à rien de s’énerver. Il n’y a plus la moindre raison de s’énerver, ou d’avoir peur, ou de continuer à porter des œillères. Être vivant nécessite des œillères. L’illusion est à ce point totale du temps et de l’espace, que pour se diriger dans la vie il faut des œillères quand on est dans la vie. Quand on est mort plus d’espace-temps pour voir il suffit juste d’y penser, de vouloir voir. Et c’est instantané. La chose à voir nous est donnée aussitôt à voir. Comment voir une chose quand on est mort sans tous les outils, les sens qui nous permettaient, vivant , de la voir.
C’est simple il suffit de se détacher d’une ancienne vision subjective et donc fausse la plupart du temps. Encore que dans la mort les choses à voir ne soient pas plus justes que fausses. Ni agréables ou désagréables.
Les choses que l’on voit quand on est mort sont de la même neutralité que celui qui les voit. Et comment ne pourrait-on pas être neutre dans cet état là ? Comment pourrait on encore éprouver la plus petite préférence, le moindre engouement, de la déception, de l’aversion, ou on ne sait quoi encore qui ne cesse de casser les pieds des vivants.
Être mort et regarder les choses ainsi comme du dehors, mais c’est bien sûr une expression. Car mort la notion de dehors et de dedans disparaît elle-aussi.
La question est ensuite de savoir si le phénomène se produit de façon instantanée. Est-ce que l’on perd immédiatement toute subjectivité envers ce que l’on voit quand on pense à quelque chose. Est-ce que penser à quelque chose est encore possible durant un certain temps. Le temps de la décomposition du corps par exemple.
On pense tant qu’il a à bouffer pour les vers, ou les asticots, nos pensées transitent ainsi vers un monde d’invertébrés les nourrissent, comme nos pensées nourrissent la terre, équilibre les taux, le ph, fournit suffisamment d’acide ou d’alcalinité aux sols. Ce n’est pas si sot de songer que la chimie de nos pensées dans le phénomène de la décomposition rééquilibre l’argile, la glaise, la faune, la flore. Ce serait un minimum, la moindre des politesses.
Regarder n’est pas le bon mot. Contempler le monde du dehors. Peut-être que la décomposition mène à un certain “lâcher prise” authentique celui-là. Et une fois que tout nous sera parfaitement égal on pourra enfin contempler du dehors le monde.
Terminés les liens de filiation, les hiérarchies, la peur des fins de mois, l’avidité des soldes, la course à l’échalote. Enfin pas tout à fait. Ça continuera. Bien sur que tout ça continuera. Mais on pourra le voir sans y prendre part. En étant parfaitement détaché du pourquoi et du comment. Alors c’est certain on verra bien mieux tout ça du dehors que du dedans autrefois. Ce sera comme un ballet, un tableau, un film d’auteur, un spectacle incessant. Et qui durera le temps nécessaire, ou suffisant satisfaisant ce désir de voir. Car au bout d’un moment plus ou moins long quand le vent du désert soulèvera la poussière de nos os, nous n’aurons peut-être plus besoin de rien, pas même de voir. Il y aura une fête dans le dehors à ce moment là chez les vivants. Les oiseaux s’ébroueront dans les mares les étangs chanteront. Ce sera le signal. Le vent pourra nous soulever très haut dans le ciel, peut-être que durant un moment on sera oiseau. Peut-être que tout finira ainsi en trille, en spirale, en volutes. On verra encore une toute dernière fois la terre et les habitants de la terre, puis les champs rapetisseront comme des mouchoirs, un patchwork irlandais. On sortira de la stratosphère, on continuera ainsi à s’élever, puis à sortir du système solaire, de la galaxie, de la voie Lactée, on naviguera ainsi jusqu’aux confins de l’univers, puis on en sortira aussi définitivement. On ne verra plus rien mais on verra ça très bien, parfaitement, comme un nez au milieu d’une figure. Et ce sera fini vraiment une bonne fois pour toutes.
Post-scriptum
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Comme
Comme la mer qui cavale vers le mont Saint-Michel comme si elle allait lui faire sa fête, l'engloutir tout entier en deux coups les gros. L'air du temps me rattrape et je me mettrais bien à courir comme un dératé dans l'espoir de trouver une hauteur. En vain. C'est comme Waterloo morne plaine dans le coin. Encore pire depuis qu'il fait beau. Le soleil ne rend pas le monde plus beau il nous aveugle c'est tout. Pire je courre mais je fais du sur-place. La poisse comme le sable, la poisse comme les sables mouvants. Et la mer monte bon sang comme elle monte vite et je m'enfonce lentement. Comme un ange passe en tutu qui joue de la trompette mais mal. La fausse note m'excite me fait dresser les poils. Ta gueule l'ange je dis et ça m'extrait d'un coup des sables. Me v'la qui lévite. Comme par enchantement. L'ange se marre. Genre t'inquiète j'ai toujours raison, le con. Que t'aies la foi ou pas n'a aucune espèce d'importance. Comment on en est arrivé là ? Aucune idée j'ai juste dit comme au début et puis ensuite j'ai laissé filé pour arriver à la fin.|couper{180}
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technique mixte 70x70 cm
mai 2023 technique mixte 70x70 cm mai 2023|couper{180}
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La ramener
Il la ramenait sans arrêt. Pour un oui, un non. Sans qu’on ne lui demande quoi que ce soit. Pour passer le temps je l’imaginais aux toilettes pendant qu’il la ramenait. Son gros cul posé sur la lunette. Ou encore accroupi la tête rouge en train de pousser dans des turques. Il pouvait la ramener tant qu’il voulait. Je pouvais même le regarder dans le blanc des yeux sans ciller cependant . Il y avait même en chœur tout un raffut de sons foireux qui appuyait les images mentales. Quand il avait terminé, il disait — alors t’en pense quoi ? C’est un sale con n’est-ce pas, ou encore une belle salope tu trouve tu pas ? J’en pensais rien bien sûr, je le laissais avec sa question en suspens. Puis je me dépêchais de prétexter une course urgente avant que ça ne lui reprenne, qu’il la ramène encore sur un autre sujet. En gros toujours le même. Lui aux prises avec les dangers infinis du monde extérieur peuplé d’idiots, d’idiotes écervelées. Je me tirais au même moment où il commençait à entrouvrir la bouche de nouveau le laissant là planté comme un poisson en train d'étouffer C'était un miroir qui devait au moins faire sept mètre de long et qui faisait face au bar. Un jour qu'il la ramenait j'ai chopé un tabouret et je l'ai envoyé valdinguer dans le miroir. Il ne l'a plus ramené, c'était fini.|couper{180}