26052023
Ils ne voient pas les pièces d’or,
ils se souviennent de celles appartenant à d’autres,
qui eux-mêmes ne les voyaient déjà pas.
L’or est un rêve.
Il regarde la pièce dans la paume de la main. Il ne voit pas la pièce mais l’un de ses doubles, l’un de ses fantômes. Les mêmes fantômes de pièces d’or qui sillonnent les terres imaginaires de nos mondes intérieurs.
Le poids de la pièce d’or parvenant sur sa paume est infime au regard du poids des songes qui occupa son esprit durant la traversée.
La richesse est un rêve à portée de main parait-il.
Mais l’autre dit que la main n’a pas grand chose à voir dans cette affaire,
hormis pour perpétrer massacres et tueries
Que le Congo est d’abord un fleuve avant d’être un pays.
Il se tient devant la devanture de la boulangerie attiré par les pâtisseries
Des éclairs au chocolat luisant, des Paris-Brest bourrés de crème beurrée
Passe en arrière plan un corbillard tout noir
Dans la bouche le goût de mort évacue celui du sucre.
Dans la librairie sous cellophane les magazines tentant le chaland
Parution mensuelle, bis-mensuelle, hebdomadaires, bis-semestrielle
Avec des bonus, des CD, des DVD, des Décalcomanies, des pin’s.
Se concentrer sur le timbre-poste qu’on est venu ici acheter
Ne pas s’égarer, résister, dans la queue pas à pas ne pas flancher.
L’irréel du beau temps de plus en plus visible.
Le beau temps ne peut plus dissimuler cet aspect
De l’irréalité
Du coup le mauvais temps en devient presque rassurant
Du coup de gong explosant dans la pièce l’écho persiste encore au delà des murs
Au delà de la ville
Au delà des années
Il ne fut pas nonchalamment donné ce coup de gong
Il fut de maître libérant ses esclaves.
Dans Lausanne il y a des bas et des hauts puis le lac
Ou bien
Il y a d’abord le lac puis la ville est des bas et des hauts.
Dans quel ordre se décrit-on le désordre qui nous parvient
Quel ordre créons-nous pour que notre désordre soit compréhensible
À nous-mêmes
Aux autres
Par la fenêtre de la cuisine la chatte vaque, elle va et vient libre
Et je m’inquiète.
J’ai du mal à m’y faire
Puis je m’y fais,
ou j’apprends à faire avec l’inquiétude
Vivre avec cette inquiétude
Surmonter l’inquiétude
Ou se laisser dominer par celle-ci
viscéralement inquiet
Comme un bourdon incessant du foie et des tripes, les nerfs à vif, la rate au court-bouillon, l’intestin et son destin,
le ciboulot toujours au boulot.
L’odeur du jasmin est comme le poids de l’or dans la main
Fugace
Rien vraiment ne nous appartient.
Pourquoi ne pas s’en réjouir
Et honorer nos morts
Qui tout à fait comme nous pensons l’être
furent jadis, autrefois, naguère, des vivants
Lu quelques pages de Conte de fée de Stephen King, rondement mené. Simple à lire trompe l’insomnie. Derrière l’apparence simple du travail, beaucoup. Populaire ne signifie pas indigent, enfin pas encore tout à fait. Et il y a a apprendre partout, ce pourrait être une devise. Il est tout aussi intéressant de lire King que Michon ou Echenoz ou encore Harrison, sans que je ne puisse dire clairement pourquoi je trouve cela intéressant vraiment. Tout ce qui est écrit semble digne d’intérêt. Ce que l’on en attend ou plutôt n’attend plus peut-être un indice de cet intérêt ou de cette curiosité. Observer la machinerie, les rouages, le chant des sirènes, se laisser emporter juste ce qu’il faut pour se dire —tiens je me laisse emporter, comment donc est-ce possible.
Lire plusieurs ouvrages en parallèle permet de prendre une distance avec tous, et ce quelque soit l’intérêt qu’on y puisse trouver à chacun.
L’intérêt nous regarde en chien de faïence.
On ne lit pas par sympathie tel ou tel auteur. On ne lit plus ainsi. On lit pour ce qui est écrit sur la page blanche, on chasse le reflet, on parvient parfois à le débusquer. On le débusquera tôt ou tard.
Le rare reflet comme le grand cerf mythique, celui qui désarçonne et rend fou, par exemple Moby Dick.
On n’en est plus à lancer des harpons, à vouloir s’y accrocher, à visiter les profondeurs, à vouloir se mesurer en perdant toute mesure.
Lire tranquillement une phrase après l’autre. Considérer l’autonomie de chaque phrase, perdre au fur et à mesure l’idée d’une continuité fictive. C’est lire différemment. C’est lire comme si on écrivait.
Pour continuer
Carnets | mai 2023
Disparitions
Je relis de vieux articles, pas fameux. Tout en bas, une ou deux personnes semblent s’y être arrêtées. Je clique sur leur avatar, curieux de voir ce qu’ils font sur WordPress. Et je tombe sur : L’auteur a effacé son site. Évidemment, ça m’embarque dans les allées d’un vieux cimetière, peut-être celui du Père Lachaise. Il y a les tombes célèbres, les visites obligées. Mais ce que je garde en mémoire, c’est l’émotion particulière face à une sépulture anonyme. Une dalle fendue, un nom presque effacé. Parfois, juste une nuance de terre signale qu’un corps repose là. Voir un site “effacé par son auteur” provoque un trouble semblable. Je pense à septembre, au blog que je n’ai plus envie de renouveler. Trop cher pour ma modeste bourse. Comment quitter la table avec élégance ? J’ai tout sauvegardé, au cas où WordPress décide de tout effacer à l’échéance. Peut-être que je remettrai tout en ligne ailleurs, chez un hébergeur plus abordable. Ou peut-être qu’il faut accepter de tourner la dernière page, pour pouvoir en ouvrir une autre. Ou peut-être que je ne toucherai à rien. Et je verrai bien ce qui se passe. C’est plutôt ça, mon style : faire avec.|couper{180}
Carnets | mai 2023
31052023
Une chose est importante quand on veut raconter des histoires, c'est de ne pas perdre le fil de celle-ci. Tous les menteurs savent le risque de se couper ainsi qu'il est d'usage d'employer ce mot. Mais si l'on utilise ce risque comme ressort de l'histoire, que se passe t'il ? Admettons un écrivain qui perd la mémoire de son histoire, qui du jour au lendemain ne se souvienne plus du nom de ses personnages, de leurs biographies fictives et qui passe son temps à tout modifier... non par malice bien sûr, mais parce qu'il ne peut faire autrement désormais. Comme en peinture le doute et l'hésitation provoqueraient un flop à coup sur. Donc c'est en assumant totalement cette perte de mémoire, en y allant à fond que ça risque d'être vraiment attrayant. En tous cas au moins pour celui qui écrira cette histoire. A part ça je suis passé à la clinique hier, quelques coups de laser dans chaque œil et un éblouissement fameux à la sortie. Heureusement, mon épouse m'a prêté ses lunettes de soleil. Il y avait un protocole à suivre avant l'opération que j'ai complètement zappé évidemment. Il fallait prendre une série de gouttes quelques jours avant et je fus penaud d'avouer au toubib que j'avais fait l'impasse. A un moment j'ai cru qu'il allait reporter le RDV au moins suivant. Mais non, restez là je reviens, il m'a flanqué des gouttes à lui dans chaque œil j'ai eu l'impression de passer un portail. tout est devenu supersensible, y compris les défaillances d'un spot du plafond que je n'avais pas remarquées auparavant. Ensuite une vingtaine de minutes d'attente pour laisser le temps à la pupille de se dilater et hop. Aucune douleur. Juste des éblouissements répétés. Fixez mon oreille gauche me disait le toubib... je ne voyais rien du tout, il fallait inventer, estimer une distance, une tête, une oreille et fixer l'œil sur cette création parfaitement imaginaire. "— juste un peu plus bas si vous pouviez" ajoutait-il parfois.|couper{180}
Carnets | mai 2023
Assemblage
Lire avec attention, mais en conservant du recul. Noter au fur et à mesure des groupes de mots qui paraissent déjà vus, bizarres, plats, comiques, illogiques. Et les mettre les uns derrière les autres à la queue leu leu. voir ensuite ce que ça fait. Grand mythe fondateur. Symbole de vie. Puissance magique. Dispensateur de bienfaits. Œuvre d'art comme telle. Savez-vous que. A travers. Vous apprendrez. Découvrez le lien. Découvrez enfin. Comment [...] pour mieux. Enregistrez ce produit. Partagez votre achat avec vos amis. A défaut de prétendre. Pour aller vers le réel. Les obstacles auxquels il se heurte. Dans le cadre de. Son vrai titre. Le garant du système. Conduire une politique. Représenter l'institution. A double-titre. Un organe de presse. Nombreux déplacements. Le côté professionnel. Inciter les citoyens. Lire la presse écrite. Corriger les inégalités. Un regard collectif. Nous ferons le nécessaire. Dans ce style qui le définit si bien. Un récit passionnant. Dont on ignore encore tant de choses. Accablé de chagrin. Il s'est retiré dans la solitude. Il commença à se dire qu'une nouvelle vie était possible. Retrouvant ses reflexes. Une tragique pollution. Protéger des malversations. En laissant courir les rumeurs. Une malédiction pèserait sur la ville. Une réalité objective. Commentaire autorisé et décryptage. Si l'on doit caractériser. Un angle mort. Un policier abat un jeune homme. Toute une population. Le contrôle au facies. Positiver le négatif. C'est une simple bavure. Un plan social. Une affaire de mœurs. La légitime défense. la tyrannie du politiquement correct. Un lynchage médiatique. Un quartier sensible. Coller à son époque. Des instances de médiation. La voix de son maître.|couper{180}