un temps pour chaque chose

https://youtu.be/KyORfuSAa74

J’écoute François Bon lire son Rabelais, la généalogie des Géants. Derrière lui un chat se prélasse, ou se redresse tout à coup, comme s’il avait repéré un truc incongru ou inédit à l’intérieur de la maison de Ronsard, mais ça ne dure guère, soudain le voici qui fait sa petite toilette, se lèche le cul. Grand bonheur d’écouter ces textes lus en plein centre de l’œil du cyclone. Apaisant et en même temps inspirant. La généalogie des géants, tous ces sons qui vous dégringolent soudain dans l’oreille et qui vous rappelle autre chose. Non pas l’ancien testament, pas ça. Plutôt de l’eau qui s’écoule paisiblement, un ruisseau, une rivière, un fleuve pourquoi pas. Légèreté et puissance de cette musicalité des mots comme de l’eau et l’idée profonde d’une reliance, d’une alliance générale, d’un chant général à la manière de Pablo Neruda.
Mais l’Ancien Testament est tout de même là qu’on le veuille ou pas. L’œil pour œil et le dent pour dent. Et parmi ces réminiscences celle qui rappelle qu’il y a un temps pour chaque chose et qui se confond avec une place pour chaque chose.
Je pense à cela ce matin en me souvenant d’un commentaire reçu sur un de mes textes concernant les gros-mots et l’observation donnée que leur utilité serait mineure en poésie. Qu’avec des gros-mots on ne ferait que de petits poèmes. Et encore, qu’avec des mots simples de la grande. Si je suis d’accord avec la seconde assertion, elle coule de source, la première m’intrigue.
Pourquoi ne pourrait-on faire des odes bourrées de jurons, fleuries d’insultes, de belles Jérémiades constituée à partir d’une prosopopée laissant s’exprimer la politesse par sa totale absence.
Il y a un temps pour chaque chose, la poésie de Ronsard, la prose de Rabelais, les misères de Rutebeuf, de Nerval de Villon, les illuminations de Rimbaud ou Baudelaire et encore tant d’autres qu’un dictionnaire entier n’y suffirait pas - nous disent aussi cela
Je veux dire qu’on écrit on parle on s’exprime toujours peu ou prou avec son temps, qu’on n’est pas complètement détaché de celui-ci, ni singleton. Cela se fait sans même y penser. On est si imbibé, en immersion avec un son ambiant qu’on le restitue toujours plus ou moins à travers nos filtres.
A moins de n’être pas du temps, à moins de se créer une illusion d’éternité dans laquelle nous nous rapprochons de l’un ou de l’autre précités pour parler la même langue. Mais ce n’est pas tout à fait la même chose. Etre du temps, ne pas en être, s’obliger au simple de façon violente face au compliqué, à la politesse, face à l’insane, c’est créer des catégories, ou les renforcer encore, c’est établir des camps.

Il y a un temps pour chaque chose, cela me semble être une invitation plus qu’un sermon, une injonction.
Peut-être que ce qui relie Rabelais à l’aujourd’hui est un chaos semblable se situant dans ce que nous nommons le bons sens ou la raison, ou encore le savoir. En savons nous beaucoup plus aujourd’hui qu’au temps de Joachim du Bellay ? Avons nous progressé d’un pouce sur la compréhension du monde, ou de notre espèce ? C’est à voir mais grande chance qu’on n’y verra pas grand chose de nouveau.
Il y a un temps pour chaque chose et pas pour rien sans doute mais pour se rendre compte que l’eau comme la parole, l’écriture empruntent mille formes mais joue toujours la même musique malgré les apparences, l’harmonie, les dissonances, l’illusion de la diversité des paysages qu’elles traversent.

https://youtu.be/us8DrqldkaQ

Post-scriptum

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Comme

Comme la mer qui cavale vers le mont Saint-Michel comme si elle allait lui faire sa fête, l'engloutir tout entier en deux coups les gros. L'air du temps me rattrape et je me mettrais bien à courir comme un dératé dans l'espoir de trouver une hauteur. En vain. C'est comme Waterloo morne plaine dans le coin. Encore pire depuis qu'il fait beau. Le soleil ne rend pas le monde plus beau il nous aveugle c'est tout. Pire je courre mais je fais du sur-place. La poisse comme le sable, la poisse comme les sables mouvants. Et la mer monte bon sang comme elle monte vite et je m'enfonce lentement. Comme un ange passe en tutu qui joue de la trompette mais mal. La fausse note m'excite me fait dresser les poils. Ta gueule l'ange je dis et ça m'extrait d'un coup des sables. Me v'la qui lévite. Comme par enchantement. L'ange se marre. Genre t'inquiète j'ai toujours raison, le con. Que t'aies la foi ou pas n'a aucune espèce d'importance. Comment on en est arrivé là ? Aucune idée j'ai juste dit comme au début et puis ensuite j'ai laissé filé pour arriver à la fin.|couper{180}

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mai 2023 technique mixte 70x70 cm mai 2023|couper{180}

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La ramener

Il la ramenait sans arrêt. Pour un oui, un non. Sans qu’on ne lui demande quoi que ce soit. Pour passer le temps je l’imaginais aux toilettes pendant qu’il la ramenait. Son gros cul posé sur la lunette. Ou encore accroupi la tête rouge en train de pousser dans des turques. Il pouvait la ramener tant qu’il voulait. Je pouvais même le regarder dans le blanc des yeux sans ciller cependant . Il y avait même en chœur tout un raffut de sons foireux qui appuyait les images mentales. Quand il avait terminé, il disait — alors t’en pense quoi ? C’est un sale con n’est-ce pas, ou encore une belle salope tu trouve tu pas ? J’en pensais rien bien sûr, je le laissais avec sa question en suspens. Puis je me dépêchais de prétexter une course urgente avant que ça ne lui reprenne, qu’il la ramène encore sur un autre sujet. En gros toujours le même. Lui aux prises avec les dangers infinis du monde extérieur peuplé d’idiots, d’idiotes écervelées. Je me tirais au même moment où il commençait à entrouvrir la bouche de nouveau le laissant là planté comme un poisson en train d'étouffer C'était un miroir qui devait au moins faire sept mètre de long et qui faisait face au bar. Un jour qu'il la ramenait j'ai chopé un tabouret et je l'ai envoyé valdinguer dans le miroir. Il ne l'a plus ramené, c'était fini.|couper{180}

La ramener