27052023

Écrire la date ainsi ressemble à l’inscription d’ un tatouage. Il n’y a qu’une seule journée qui porte ce tatouage. Chaque journée tatouée pourrait ainsi l’être, même les plus insignifiantes. Un matricule de la journée. Une succession de matricules pour faire une semaine, un mois, une année, une vie.

Dans quelle mesure l’imagination joue t’elle un rôle sur la perception de ces journées. Des phrases me reviennent. Celles où il est dit qu’on se ferait des idées, que l’on verrait les choses en noir. Celles aussi où serait évoqué le pire. Il pourrait y avoir pire. Ce pourrait être bien pire. Réjouissons nous que ce ne soit pas encore pire.

Ces phrases que l’on dit pour que l’autre revienne au bercail, revienne à des pensées moins toxiques, à je ne sais quelle vie normale. En général ça fonctionne. Un peu d’humour par là-dessus, ça peut le faire. Contre mauvaise fortune, bon cœur. Sauf quand ça ne le fait pas. Quand on se sent pris au piège. Qu’on aurait envie de hurler. Que l’on préfère se terrer plutôt que d’avoir à parler, à expliquer, à disserter. Quand les êtres que l’on a l’habitude de nommer nos proches sont à des années-lumière de ce qui se joue vraiment dans notre intériorité. Et toujours aussi cette honte tenace bien sur de ne pas savoir être heureux avec ce que l’on a. De ne pas savoir s’y contraindre. De ne pas savoir rendre l’autre heureux.

Comme s’il s’agissait d’un contrat tacite. Nous devrions nous rendre heureux, ce serait la moindre des choses. Et la fermeture soudaine de l’un envers l’autre quand ce contrat pour une raison ou une autre est rompu. Il faut toujours trouver la raison. L’inventer au besoin. L’affrontement rend créatif. Sauf quand cet affrontement n’est pas possible, car il coute trop d’énergie, une énergie qui n’est plus disponible.

—La déprime normalement ça vient en septembre. Tu ne vas pas te mettre aussi à te déprimer au printemps. Il y a dans ses mots une crainte bien sûr, une inquiétude. Comme si on n’avait pas déjà suffisamment d’empêchements comme ça pour que tu en rajoutes. Normalement je fais face, normalement. Mais ce mot, normalement , me semble être du chinois ces derniers jours. J’ai agi normalement toute ma vie. On me file des coups je tends l’autre joue. Enfin pas toujours, mais assez régulièrement je me plie à la coutume. Normalement c’est comme ça que ça fonctionne. Normalement, c’est bien là le jeu. Sauf que là non, pas envie de jouer.

On a bien le droit de ne pas jouer de temps en temps, de s’extraire du jeu, de botter en touche. Est-ce trop demander ? ça parait tellement insupportable et surtout tu te rends compte j’espère, au printemps.

Que devrions-nous choisir d’écrire dans un journal qui puisse être lu ensuite sans dommage. Que devrions-nous dissimuler dans l’idée, l’espoir la crainte d’être un jour lu. Cette peur que l’autre découvre à quel point nous lui sommes parfois étranger. Il est possible de l’écrire bien sur pour soi, pour se souvenir à quel point parfois on peut se sentir étranger à tout et à chacun. Avons nous tant besoin de le noter pour nous en souvenir. N’est-ce pas plutôt de l’ordre du testamentaire.

Je ne me suis jamais remis de la découverte des camps, à l’âge de 10 ans. Cela aura toujours paru tellement absurde. Comment le monde pouvait-il prétendre être joyeux après cela ? Comme pouvions nous oublier soit disant parce qu’il faut vivre. C’est que l’on a fait bien sûr, on a oublié autant qu’on le pouvait je crois. Jusqu’à ce que ça nous revienne soudain dans les relents lourds du jasmin, dans l’insignifiance des spots publicitaires, dans les paroles insipides des politiciens, dans l’horreur de s’apercevoir face à une banalisation des crimes, des scandales, des guerres ; dans les lettres de relance des créanciers. Dans l’abjection qui ne parvient plus à faire bonne figure. L’a t’elle jamais vraiment fait d’ailleurs ou bien évitions nous de la voir telle qu’elle est toujours ? Cette obsession de toujours vouloir relativiser l’horreur, l’ailleurs, repousser tout ça au loin.

—Tu exagères, tu ne peux pas prendre sur toi tous les malheurs du monde. Tu devrais ne t’occuper que de tes affaires, te boucher le nez les oreilles, les yeux.

—Oui c’est vrai, c’est comme ça que l’on vit normalement. Sauf certains jours où la coupe est pleine, qu’elle déborde, que l’’on ne parvient plus à stopper l’hémorragie. Mais n’aies pas trop d’inquiétude, je suis bien aussi lâche que n’importe qui d’autre. Sans doute plus. Ne t’inquiète pas trop. Demain, je penserai à autre chose bien sur. Demain j’aurais oublié. Demain il fera beau, j’arriverais à oublier tout cela, et peut-être à chantonner en découpant les oignons pourquoi pas. Je pleurerai en épluchant les oignons et ce sera tout à fait normal, les choses seront rentrées dans l’ordre.

Pour continuer

Carnets | mai 2023

Disparitions

Je relis de vieux articles, pas fameux. Tout en bas, une ou deux personnes semblent s’y être arrêtées. Je clique sur leur avatar, curieux de voir ce qu’ils font sur WordPress. Et je tombe sur : L’auteur a effacé son site. Évidemment, ça m’embarque dans les allées d’un vieux cimetière, peut-être celui du Père Lachaise. Il y a les tombes célèbres, les visites obligées. Mais ce que je garde en mémoire, c’est l’émotion particulière face à une sépulture anonyme. Une dalle fendue, un nom presque effacé. Parfois, juste une nuance de terre signale qu’un corps repose là. Voir un site “effacé par son auteur” provoque un trouble semblable. Je pense à septembre, au blog que je n’ai plus envie de renouveler. Trop cher pour ma modeste bourse. Comment quitter la table avec élégance ? J’ai tout sauvegardé, au cas où WordPress décide de tout effacer à l’échéance. Peut-être que je remettrai tout en ligne ailleurs, chez un hébergeur plus abordable. Ou peut-être qu’il faut accepter de tourner la dernière page, pour pouvoir en ouvrir une autre. Ou peut-être que je ne toucherai à rien. Et je verrai bien ce qui se passe. C’est plutôt ça, mon style : faire avec.|couper{180}

Carnets | mai 2023

31052023

Une chose est importante quand on veut raconter des histoires, c'est de ne pas perdre le fil de celle-ci. Tous les menteurs savent le risque de se couper ainsi qu'il est d'usage d'employer ce mot. Mais si l'on utilise ce risque comme ressort de l'histoire, que se passe t'il ? Admettons un écrivain qui perd la mémoire de son histoire, qui du jour au lendemain ne se souvienne plus du nom de ses personnages, de leurs biographies fictives et qui passe son temps à tout modifier... non par malice bien sûr, mais parce qu'il ne peut faire autrement désormais. Comme en peinture le doute et l'hésitation provoqueraient un flop à coup sur. Donc c'est en assumant totalement cette perte de mémoire, en y allant à fond que ça risque d'être vraiment attrayant. En tous cas au moins pour celui qui écrira cette histoire. A part ça je suis passé à la clinique hier, quelques coups de laser dans chaque œil et un éblouissement fameux à la sortie. Heureusement, mon épouse m'a prêté ses lunettes de soleil. Il y avait un protocole à suivre avant l'opération que j'ai complètement zappé évidemment. Il fallait prendre une série de gouttes quelques jours avant et je fus penaud d'avouer au toubib que j'avais fait l'impasse. A un moment j'ai cru qu'il allait reporter le RDV au moins suivant. Mais non, restez là je reviens, il m'a flanqué des gouttes à lui dans chaque œil j'ai eu l'impression de passer un portail. tout est devenu supersensible, y compris les défaillances d'un spot du plafond que je n'avais pas remarquées auparavant. Ensuite une vingtaine de minutes d'attente pour laisser le temps à la pupille de se dilater et hop. Aucune douleur. Juste des éblouissements répétés. Fixez mon oreille gauche me disait le toubib... je ne voyais rien du tout, il fallait inventer, estimer une distance, une tête, une oreille et fixer l'œil sur cette création parfaitement imaginaire. "— juste un peu plus bas si vous pouviez" ajoutait-il parfois.|couper{180}

Autofiction et Introspection

Carnets | mai 2023

Assemblage

Lire avec attention, mais en conservant du recul. Noter au fur et à mesure des groupes de mots qui paraissent déjà vus, bizarres, plats, comiques, illogiques. Et les mettre les uns derrière les autres à la queue leu leu. voir ensuite ce que ça fait. Grand mythe fondateur. Symbole de vie. Puissance magique. Dispensateur de bienfaits. Œuvre d'art comme telle. Savez-vous que. A travers. Vous apprendrez. Découvrez le lien. Découvrez enfin. Comment [...] pour mieux. Enregistrez ce produit. Partagez votre achat avec vos amis. A défaut de prétendre. Pour aller vers le réel. Les obstacles auxquels il se heurte. Dans le cadre de. Son vrai titre. Le garant du système. Conduire une politique. Représenter l'institution. A double-titre. Un organe de presse. Nombreux déplacements. Le côté professionnel. Inciter les citoyens. Lire la presse écrite. Corriger les inégalités. Un regard collectif. Nous ferons le nécessaire. Dans ce style qui le définit si bien. Un récit passionnant. Dont on ignore encore tant de choses. Accablé de chagrin. Il s'est retiré dans la solitude. Il commença à se dire qu'une nouvelle vie était possible. Retrouvant ses reflexes. Une tragique pollution. Protéger des malversations. En laissant courir les rumeurs. Une malédiction pèserait sur la ville. Une réalité objective. Commentaire autorisé et décryptage. Si l'on doit caractériser. Un angle mort. Un policier abat un jeune homme. Toute une population. Le contrôle au facies. Positiver le négatif. C'est une simple bavure. Un plan social. Une affaire de mœurs. La légitime défense. la tyrannie du politiquement correct. Un lynchage médiatique. Un quartier sensible. Coller à son époque. Des instances de médiation. La voix de son maître.|couper{180}

Autofiction et Introspection