L’abondance, la mesure
Jan-Gossaert dit "Mabuse" 1478-1532-Madone-à -l’Enfant
Tout ça pourrait rendre cinglé. Peut-être est-il déjà trop tard. Cette profusion d’idées qui ne cesse de se déverser comme l’eau d’une fontaine de jardin, une fontaine qui s’autopompe en circuit clos. Les nains de jardin tout autour restent silencieux. Un merle moqueur se moque. Prisonnier de l’abondance, vilain condamné à la servilité pire qu’obéir , serf misérable. Le malgré-soi revient à fond de train. La victime. Un peu de mesure mon petit vieux. Tout à fait le genre de victime qui établit méticuleux le compte des lunettes, de dents en or, de cheveux dans les camps. On compte et puis on balance sur le tas, des montagnes se créent ainsi. Des concrétions infinies. Le malgré-soi capot. Mais quel petit salaud. Petit doigt sur la couture du pyjama rayé. Non mais tu te rends compte, toi qui voulais résister. Preuve qu’on ne change pas si facilement sa nature. Que pour certain la nécessité d’un maître va se loger dans la profondeur la plus débile de l’être. Être ainsi dominé par sa propre abondance, ne pas savoir comment lui résister. Une soumission terrifiante, quand on y pense.
Que la mesure jaillisse de ce tas de boue, en fabrique un golem, préserve les enfants prisonniers du ghetto. Tomber à genoux. Implorer la géométrie. Allumer des cierges au Nombre d’Or. Se mettre à plat ventre devant la moindre représentation d’un fantasme de simple, d’austérité.
Puis une fois la bonne conscience refaite, repartir ventre à terre. Se vautrer dans l’abondance de nouveau. Se réveiller la nuit pour mieux encore la servir. Des fois qu’on aurait eut malheur de laisser passer une idée. Des fois que la culpabilité nous tenaillerait d’avoir laisser sans contrôle la main mise sur la profusion. Des fois qu’on toucherait enfin la flamme, qu’elle nous liquiderait nous consumant comme il faut. Carbonisation totale de l’éphémère, fauché en plein vol. Combustion impeccable, petit tas de cendres choyant au sol, vite balayé par les grands vents, la pluie, avalé aussitôt par les terres, la rigole qui zigzag entre les limaces, les salades. Digéré par l’oubli.
Chaque jour c’est ainsi que Sisyphe vit. Et ça ne lui viendrait pas à l’idée de laisser tomber son caillou, de dire ça suffit comme ça les conneries. De prendre sa serviette de bain, de se rendre à la plage, de piquer une tête puis d’aller s’allonger sur le sable, se rôtir la couenne au soleil. De prendre du bon temps.
Un sacré manque d’imagination finalement.
—La mesure viendra d’elle-même ou bien ne viendra pas.
C’est ce que rumine Sisyphe comme but ou comme raison. Sans doute est-ce la seule possibilité d’imagination une fois que toutes les autres auront été dans l’ivresse, la fièvre, épuisées.
—Brûler l’abondance , la mesure, par les deux bouts.
Post-scriptum
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Comme
Comme la mer qui cavale vers le mont Saint-Michel comme si elle allait lui faire sa fête, l'engloutir tout entier en deux coups les gros. L'air du temps me rattrape et je me mettrais bien à courir comme un dératé dans l'espoir de trouver une hauteur. En vain. C'est comme Waterloo morne plaine dans le coin. Encore pire depuis qu'il fait beau. Le soleil ne rend pas le monde plus beau il nous aveugle c'est tout. Pire je courre mais je fais du sur-place. La poisse comme le sable, la poisse comme les sables mouvants. Et la mer monte bon sang comme elle monte vite et je m'enfonce lentement. Comme un ange passe en tutu qui joue de la trompette mais mal. La fausse note m'excite me fait dresser les poils. Ta gueule l'ange je dis et ça m'extrait d'un coup des sables. Me v'la qui lévite. Comme par enchantement. L'ange se marre. Genre t'inquiète j'ai toujours raison, le con. Que t'aies la foi ou pas n'a aucune espèce d'importance. Comment on en est arrivé là ? Aucune idée j'ai juste dit comme au début et puis ensuite j'ai laissé filé pour arriver à la fin.|couper{180}
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technique mixte 70x70 cm
mai 2023 technique mixte 70x70 cm mai 2023|couper{180}
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La ramener
Il la ramenait sans arrêt. Pour un oui, un non. Sans qu’on ne lui demande quoi que ce soit. Pour passer le temps je l’imaginais aux toilettes pendant qu’il la ramenait. Son gros cul posé sur la lunette. Ou encore accroupi la tête rouge en train de pousser dans des turques. Il pouvait la ramener tant qu’il voulait. Je pouvais même le regarder dans le blanc des yeux sans ciller cependant . Il y avait même en chœur tout un raffut de sons foireux qui appuyait les images mentales. Quand il avait terminé, il disait — alors t’en pense quoi ? C’est un sale con n’est-ce pas, ou encore une belle salope tu trouve tu pas ? J’en pensais rien bien sûr, je le laissais avec sa question en suspens. Puis je me dépêchais de prétexter une course urgente avant que ça ne lui reprenne, qu’il la ramène encore sur un autre sujet. En gros toujours le même. Lui aux prises avec les dangers infinis du monde extérieur peuplé d’idiots, d’idiotes écervelées. Je me tirais au même moment où il commençait à entrouvrir la bouche de nouveau le laissant là planté comme un poisson en train d'étouffer C'était un miroir qui devait au moins faire sept mètre de long et qui faisait face au bar. Un jour qu'il la ramenait j'ai chopé un tabouret et je l'ai envoyé valdinguer dans le miroir. Il ne l'a plus ramené, c'était fini.|couper{180}