Comme un chant

( suite de l’exercice d’écriture d’un atelier de FB à partir de l’adverbe Comme et de Marcelin Pleynet, de Lautréamont.)

comme j’allais à rebours, effeuillant page à page, feuille à feuille, la fausse mémoire de ma fausse vie, je découvris soudain un vide logé dans la reliure qui m’intrigua et dans lequel je pénétrai, non sans quelques difficultés, car j’avais, dans l’opération précédente déjà, perdu énormément de mon ancienne souplesse.

comme j’atteignais l’obscurité totale je n’avais aucune indication concernant la taille de l’excavation. Était-elle de la taille d’une boite à gâteaux, d’une tombe, d’un continent noir, cette question me servi un instant de béquille pour m’installer au calme dans la nuit.

comme j’étais là depuis un moment, était-ce des minutes, des heures, des siècles, difficile à dire, mes yeux peu à peu s’habituèrent et commencèrent à distinguer les contours d’une terre immense, sorte de paysage marin, peut-être une grande baie bordée de part et d’autres par de prodigieuses falaises.

Comme je m’interrogeais sur la hauteur de ces falaises j’aperçus soudain dans le ciel des milliers d’étoiles dont les lueurs brillaient faiblement mais suffisamment pour que je puisse me faire une idée assez juste de l’innombrable.

comme j’étais allongé sur le sol l’idée me pris de me relever et de me dégourdir les jambes, j’y voyais désormais suffisamment pour rejoindre une grande plage où la pâleur semblait indiquer qu’elle était constitué de sable clair.

comme j’étais entré pieds nus dans cet étrange pays, je fus heureux de constater que je retrouvais de vieilles sensations oubliées, comme celle de marcher sur une herbe mouillée, puis sur le sable, et même parfois de sentir sous la plante la dureté tout à fait agréable d’une pierre, d’un rocher.

comme je m’interrogeais sur le différence appréciable entre ces sensations que j’appelais nouvelles faute de mieux et celles habituelles quand dans la vie de tous les jours on marche pieds nus sur de l’herbe ou du sable ou des rochers, l’idée suivante et qui parut à ce moment éminemment logique était celle qu’en passant à travers la reliure du faux livre de ma fausse vie j’étais mort.

comme je réfléchissais à la nature de cette mort, et que je désirais pousser la logique vers ses extrémités les plus extrêmes je découvris soudain que j’étais encore plus vivant que jamais je ne l’avais jusque là été.

comme j’en étais content, j’ouvris la bouche et sans la moindre volonté de ma part quelque chose en sorti et qui réflexion faite, avait l’air d’être un chant.

NB. Il est possible de supprimer la toute première phrase, ou de la sauter, elle ne sert à rien sauf à commencer.

Carnets | mai 2023

Disparitions

Je relis de vieux articles, pas fameux. Tout en bas, une ou deux personnes semblent s’y être arrêtées. Je clique sur leur avatar, curieux de voir ce qu’ils font sur WordPress. Et je tombe sur : L’auteur a effacé son site. Évidemment, ça m’embarque dans les allées d’un vieux cimetière, peut-être celui du Père Lachaise. Il y a les tombes célèbres, les visites obligées. Mais ce que je garde en mémoire, c’est l’émotion particulière face à une sépulture anonyme. Une dalle fendue, un nom presque effacé. Parfois, juste une nuance de terre signale qu’un corps repose là. Voir un site “effacé par son auteur” provoque un trouble semblable. Je pense à septembre, au blog que je n’ai plus envie de renouveler. Trop cher pour ma modeste bourse. Comment quitter la table avec élégance ? J’ai tout sauvegardé, au cas où WordPress décide de tout effacer à l’échéance. Peut-être que je remettrai tout en ligne ailleurs, chez un hébergeur plus abordable. Ou peut-être qu’il faut accepter de tourner la dernière page, pour pouvoir en ouvrir une autre. Ou peut-être que je ne toucherai à rien. Et je verrai bien ce qui se passe. C’est plutôt ça, mon style : faire avec.|couper{180}

Carnets | mai 2023

31052023

Une chose est importante quand on veut raconter des histoires, c'est de ne pas perdre le fil de celle-ci. Tous les menteurs savent le risque de se couper ainsi qu'il est d'usage d'employer ce mot. Mais si l'on utilise ce risque comme ressort de l'histoire, que se passe t'il ? Admettons un écrivain qui perd la mémoire de son histoire, qui du jour au lendemain ne se souvienne plus du nom de ses personnages, de leurs biographies fictives et qui passe son temps à tout modifier... non par malice bien sûr, mais parce qu'il ne peut faire autrement désormais. Comme en peinture le doute et l'hésitation provoqueraient un flop à coup sur. Donc c'est en assumant totalement cette perte de mémoire, en y allant à fond que ça risque d'être vraiment attrayant. En tous cas au moins pour celui qui écrira cette histoire. A part ça je suis passé à la clinique hier, quelques coups de laser dans chaque œil et un éblouissement fameux à la sortie. Heureusement, mon épouse m'a prêté ses lunettes de soleil. Il y avait un protocole à suivre avant l'opération que j'ai complètement zappé évidemment. Il fallait prendre une série de gouttes quelques jours avant et je fus penaud d'avouer au toubib que j'avais fait l'impasse. A un moment j'ai cru qu'il allait reporter le RDV au moins suivant. Mais non, restez là je reviens, il m'a flanqué des gouttes à lui dans chaque œil j'ai eu l'impression de passer un portail. tout est devenu supersensible, y compris les défaillances d'un spot du plafond que je n'avais pas remarquées auparavant. Ensuite une vingtaine de minutes d'attente pour laisser le temps à la pupille de se dilater et hop. Aucune douleur. Juste des éblouissements répétés. Fixez mon oreille gauche me disait le toubib... je ne voyais rien du tout, il fallait inventer, estimer une distance, une tête, une oreille et fixer l'œil sur cette création parfaitement imaginaire. "— juste un peu plus bas si vous pouviez" ajoutait-il parfois.|couper{180}

Autofiction et Introspection

Carnets | mai 2023

Assemblage

Lire avec attention, mais en conservant du recul. Noter au fur et à mesure des groupes de mots qui paraissent déjà vus, bizarres, plats, comiques, illogiques. Et les mettre les uns derrière les autres à la queue leu leu. voir ensuite ce que ça fait. Grand mythe fondateur. Symbole de vie. Puissance magique. Dispensateur de bienfaits. Œuvre d'art comme telle. Savez-vous que. A travers. Vous apprendrez. Découvrez le lien. Découvrez enfin. Comment [...] pour mieux. Enregistrez ce produit. Partagez votre achat avec vos amis. A défaut de prétendre. Pour aller vers le réel. Les obstacles auxquels il se heurte. Dans le cadre de. Son vrai titre. Le garant du système. Conduire une politique. Représenter l'institution. A double-titre. Un organe de presse. Nombreux déplacements. Le côté professionnel. Inciter les citoyens. Lire la presse écrite. Corriger les inégalités. Un regard collectif. Nous ferons le nécessaire. Dans ce style qui le définit si bien. Un récit passionnant. Dont on ignore encore tant de choses. Accablé de chagrin. Il s'est retiré dans la solitude. Il commença à se dire qu'une nouvelle vie était possible. Retrouvant ses reflexes. Une tragique pollution. Protéger des malversations. En laissant courir les rumeurs. Une malédiction pèserait sur la ville. Une réalité objective. Commentaire autorisé et décryptage. Si l'on doit caractériser. Un angle mort. Un policier abat un jeune homme. Toute une population. Le contrôle au facies. Positiver le négatif. C'est une simple bavure. Un plan social. Une affaire de mœurs. La légitime défense. la tyrannie du politiquement correct. Un lynchage médiatique. Un quartier sensible. Coller à son époque. Des instances de médiation. La voix de son maître.|couper{180}

Autofiction et Introspection