30052023

Réception des ambassadeurs siamois par l’Empereur Napoléon III au palais de Fontainebleau, 27 juin 1861© RMN-GP (Château de Versailles) / Droits réservés

Ça y est mai se termine. Je n’ai pas compté le nombre de textes écrits ce mois-ci. Il doit y en avoir un bon paquet. Minimum deux par jour en moyenne. Et d’ailleurs quelle importance de compter. Tu ne vas pas t’y mettre aujourd’hui.
Lu hier soir un peu du Lautréamont de Marcelin Pleynet. Que de supputations de part et d’autre. Un peu étonné par les avis de Bachelard concernant la biographie du jeune Ducasse et surtout toutes ces interprétations qui seront extraites de si de peu de chose finalement.
Que la littérature soit le fruit d’un règlement de compte, d’une revanche, d’un complexe d’infériorité ou de supériorité la place dans le camp des psychologues et des universitaires qui cherchent toujours des raisons à tout. D’ailleurs ceux qui prendront Lautréamont pour un doux dingue sont souvent dans l’enseignement. Ce sont les serviteurs d’une certaine vision de la littérature au même titre qu’on retrouvera les mêmes en peinture. Chaque art institutionnalisé possède ses serviteurs zélés pour entretenir les échafaudages branlants de la culture telle qu’on veut nous l’imposer.
Il y a une gène à penser que Lautréamont ou Ducasse soit mort jeune. Et qu’on profite ainsi de sa disparition précoce. Qu’on l’élève ainsi à une position d’étoile presque naturellement. Car dans le fond, Que sait-on vraiment de l’existence à 25 ans ? Et surtout possible que nombre de vieux barbons ayant renoncé à la fulgurance du génie de leur jeunesse en soient non pas admiratifs chez l’autre mais fondamentalement jaloux. Cette jalousie se dissimulant dans de gros livres bourrés de propos prétendus sérieux ou savants.
Ce dont se moque éperdument le génie de la jeunesse qui d’ailleurs ne sait même pas qu’il est génie.

Est-il possible d’admirer qui que ce soit sans que cette admiration nous propose un reflet de nous-mêmes, de qui nous fûmes, de qui nous rêvions d’être dans le temps ?
C’est le fameux phénomène d’identification sur lequel on nous interroge avec inquiétude tout au long de notre scolarité.
“—Va t’il enfin pouvoir s’identifier à quelqu’un ? Ça nous soulagerait bien, et nous serions tranquilles un moment”
Comprendre ce phénomène de reflet trop jeune est une malédiction car on ne peut que se méfier alors de toute admiration.
Toute admiration prétendument spontanée fini par être polluée par l’introspection.
C’est un long processus de passer de l’admiration à l’amour. Et encore il faudra se farcir toutes les strates pour parvenir à s’anéantir proprement face à l’événement d’aimer, face à son authenticité surtout si on y accède après avoir ruminé longuement le mot authentique.

Pleynet débute son livre avec des témoignages concernant la jeunesse de Lautréamont ( je préfère dire Lautréamont que Ducasse finalement )
C’est toujours la même scène qui est reprise de témoignage en témoignage. Un jeune homme efflanqué assis devant un piano dans une chambre d’hôtel et qui, au fur et à mesure qu’il écrit plaque des accords au grand désespoir de ses voisins.

Sorte d’image refuge pour la plupart. De même que le récit de la vie scolaire est toujours celui d’un être qui semble perdu, dans sa bulle et qui n’est visiblement pas très doué pour la poésie voire qui la réfute telle qu’elle est enseignée.
On pourra dire ce que l’on voudra, étudier Lautréamont au lycée est une ineptie. Déjà parce que les enseignants ne font que répéter ce que d’autres leur ont appris de l’œuvre la plupart du temps et que de plus les phrases à rallonge n’offrent que peu d’intérêt aux étudiants de cet âge.

Ca les ennuie surtout. Encore que je ne fasse encore que parler de moi bien sur. De ce moi à l’âge des étudiants d’un lycée d’autrefois, dans les années 70. Alors qu’il y avait tant de choses à étudier d’autre, notamment cette liberté sexuelle, grande nouveauté s’il en est.

A moins que justement les têtes pensantes de l’Académie imaginent le placer dans le programme pour tenter de canaliser une libido débordante. Car un psychologue ne verrait dans ce texte des Chants qu’une resucée de ce que lui a enseigné Sigmund, que le sexe est à l’origine de tout, y compris des chants de Maldoror, surtout de ce genre de textes.

Alors que si l’on lit ce qu’en dit l’auteur c’est tout le contraire, c’est l’anéantissement par d’autres moyens, par tout autre moyen, notamment celui de l’exercice de la langue, une remontée à ses origines, à son incohérence fondamentale.

A l’incohérence fondamentale de l’égo tout autant que de tout narrateur, tout personnage et même de toute histoire, notamment celle littéraire.

En quoi tout cela m’intéresse t’il soudain ? Assez modestement quant à la rédaction de ce blog dont les enjeux sont à peu près les mêmes, y compris cette nécessité d’anéantissement.

Cet anéantissement ce n’est pas celui de l’être cependant mais de cet ensemble de couches mensongères que la notion d’avoir, de posséder ; de maîtriser, aura enseveli
Comment en finir avec ce mensonge, en le montrant, en le désignant sous toutes ses formes, en l’épuisant, ce qui n’est pas une mince affaire.

Parallèlement je reviens sur le fait d’avoir perdu ma voix il y a deux semaines et qui prend un sens symbolique tout à coup
Perdre sa voix ce n’est pas rien.
Je suis allé consulter et je m’en suis tiré avec une semaine d’antibiotique. Ma voix est revenue. Mais un petit doute subsiste. Si ma voix physique est revenue, quelque chose s’est produit dans l’invisible. Une mue.
Ce qui provoque un certain nombre de rêveries tout droit surgies de l’enfance, comme si perdre ma voix d’adulte me ramenait illico à une période de puberté. A cette charnière où l’on voit s’évanouir sa voix d’enfant, mais pas seulement, tout un monde que l’on porte en soi et dont l’abandon sonne le glas de cette enfance.
Comme si l’on se sentait poussé par des forces maléfiques à troquer son enfance ; et tout ce qui nous est de plus cher, contre des compromis médiocres afin de pénétrer dans l’âge adulte. Avec surtout cette obsession, cette obstination à être accepté comme tel.

Troquer une immaturité prétendue contre une autre avérée alors qu’on sait d’avance qu’avérée est synonyme d’imposée, c’est un supplice.

De là tous ces phénomènes d’identification, ce besoin de modèles, ces admirations etc etc.

Il y a aussi une envie de renoncement très forte à ce monde dit adulte mais que je considère totalement cinglé.

Bien sur je ne le peux pas. Je ne peux pas renoncer complètement.

Mais écrire une histoire féerique m’attire beaucoup. Revenir à des archétypes essentiels. A une relation binaire bien et mal serait reposant, voire même roboratif. Quand je repense aux textes d’Elie Faure sur la décadence de l’art chez les grecs, c’est, dit-il par l’excès de détails, de drapé surtout, par l’abondance de nuances que la décrépitude s’installe.

Et du coup si je poursuis ce raisonnement je ne peux pas faire l’impasse sur ce qui est en train de se produire en Espagne comme un peu partout désormais en Europe. La montée de l’extrême droite qui justement prétend proposer une vision binaire du monde, du bien et du mal, de revenir à des valeurs claires, bien tranchées dans le vif, rassurantes.


Et pour revenir à Lautréamont et à cette période sinistre dans laquelle il a vécu il est difficile de ne pas faire un rapprochement avec la notre. Napoléon III et la naissance du capitalisme, la naissance de l’horreur et puis cette période dans laquelle nous sommes, son agonie, ses sursauts effroyables encore à venir certainement du monstre qui sent bien qu’il est en train de crever. Possible que le désir d’ordre, de dictature soit l’accompagnement récurrent de l’anéantissement d’un phénomène économique défaillant.

Une sorte d’outrance comme on peut trouver dans les phrases à rallonge, bourrées d’images de métaphores en regard d’une autre outrance qui elle assène à coups de bottes et d’armes lourdes l’impératif de la sobriété.

Carnets | mai 2023

Disparitions

Je relis de vieux articles, pas fameux. Tout en bas, une ou deux personnes semblent s’y être arrêtées. Je clique sur leur avatar, curieux de voir ce qu’ils font sur WordPress. Et je tombe sur : L’auteur a effacé son site. Évidemment, ça m’embarque dans les allées d’un vieux cimetière, peut-être celui du Père Lachaise. Il y a les tombes célèbres, les visites obligées. Mais ce que je garde en mémoire, c’est l’émotion particulière face à une sépulture anonyme. Une dalle fendue, un nom presque effacé. Parfois, juste une nuance de terre signale qu’un corps repose là. Voir un site “effacé par son auteur” provoque un trouble semblable. Je pense à septembre, au blog que je n’ai plus envie de renouveler. Trop cher pour ma modeste bourse. Comment quitter la table avec élégance ? J’ai tout sauvegardé, au cas où WordPress décide de tout effacer à l’échéance. Peut-être que je remettrai tout en ligne ailleurs, chez un hébergeur plus abordable. Ou peut-être qu’il faut accepter de tourner la dernière page, pour pouvoir en ouvrir une autre. Ou peut-être que je ne toucherai à rien. Et je verrai bien ce qui se passe. C’est plutôt ça, mon style : faire avec.|couper{180}

Carnets | mai 2023

31052023

Une chose est importante quand on veut raconter des histoires, c'est de ne pas perdre le fil de celle-ci. Tous les menteurs savent le risque de se couper ainsi qu'il est d'usage d'employer ce mot. Mais si l'on utilise ce risque comme ressort de l'histoire, que se passe t'il ? Admettons un écrivain qui perd la mémoire de son histoire, qui du jour au lendemain ne se souvienne plus du nom de ses personnages, de leurs biographies fictives et qui passe son temps à tout modifier... non par malice bien sûr, mais parce qu'il ne peut faire autrement désormais. Comme en peinture le doute et l'hésitation provoqueraient un flop à coup sur. Donc c'est en assumant totalement cette perte de mémoire, en y allant à fond que ça risque d'être vraiment attrayant. En tous cas au moins pour celui qui écrira cette histoire. A part ça je suis passé à la clinique hier, quelques coups de laser dans chaque œil et un éblouissement fameux à la sortie. Heureusement, mon épouse m'a prêté ses lunettes de soleil. Il y avait un protocole à suivre avant l'opération que j'ai complètement zappé évidemment. Il fallait prendre une série de gouttes quelques jours avant et je fus penaud d'avouer au toubib que j'avais fait l'impasse. A un moment j'ai cru qu'il allait reporter le RDV au moins suivant. Mais non, restez là je reviens, il m'a flanqué des gouttes à lui dans chaque œil j'ai eu l'impression de passer un portail. tout est devenu supersensible, y compris les défaillances d'un spot du plafond que je n'avais pas remarquées auparavant. Ensuite une vingtaine de minutes d'attente pour laisser le temps à la pupille de se dilater et hop. Aucune douleur. Juste des éblouissements répétés. Fixez mon oreille gauche me disait le toubib... je ne voyais rien du tout, il fallait inventer, estimer une distance, une tête, une oreille et fixer l'œil sur cette création parfaitement imaginaire. "— juste un peu plus bas si vous pouviez" ajoutait-il parfois.|couper{180}

Autofiction et Introspection

Carnets | mai 2023

Assemblage

Lire avec attention, mais en conservant du recul. Noter au fur et à mesure des groupes de mots qui paraissent déjà vus, bizarres, plats, comiques, illogiques. Et les mettre les uns derrière les autres à la queue leu leu. voir ensuite ce que ça fait. Grand mythe fondateur. Symbole de vie. Puissance magique. Dispensateur de bienfaits. Œuvre d'art comme telle. Savez-vous que. A travers. Vous apprendrez. Découvrez le lien. Découvrez enfin. Comment [...] pour mieux. Enregistrez ce produit. Partagez votre achat avec vos amis. A défaut de prétendre. Pour aller vers le réel. Les obstacles auxquels il se heurte. Dans le cadre de. Son vrai titre. Le garant du système. Conduire une politique. Représenter l'institution. A double-titre. Un organe de presse. Nombreux déplacements. Le côté professionnel. Inciter les citoyens. Lire la presse écrite. Corriger les inégalités. Un regard collectif. Nous ferons le nécessaire. Dans ce style qui le définit si bien. Un récit passionnant. Dont on ignore encore tant de choses. Accablé de chagrin. Il s'est retiré dans la solitude. Il commença à se dire qu'une nouvelle vie était possible. Retrouvant ses reflexes. Une tragique pollution. Protéger des malversations. En laissant courir les rumeurs. Une malédiction pèserait sur la ville. Une réalité objective. Commentaire autorisé et décryptage. Si l'on doit caractériser. Un angle mort. Un policier abat un jeune homme. Toute une population. Le contrôle au facies. Positiver le négatif. C'est une simple bavure. Un plan social. Une affaire de mœurs. La légitime défense. la tyrannie du politiquement correct. Un lynchage médiatique. Un quartier sensible. Coller à son époque. Des instances de médiation. La voix de son maître.|couper{180}

Autofiction et Introspection