Apprendre à boire

A classer dans le recueil pensées d’un idiot.

Parmi les souvenirs de beuverie de ma jeunesse, beaucoup de gueules de bois. L’ivresse se paie chère surtout si pour une raison ou une autre on désire en sortir. De plus il y a toujours quelqu’un d’Agen pour vous dire d’aller à Castres ou à Pétaouchnok, d’apprendre à boire.
Peut-on apprendre à boire. Grande question. Cela nécessiterait une assez longue explication sur le pourquoi du comment, sur l’innée et l’acquis, sur la multitude des chemins qui n’en fait somme toute aucun. Aucun et quelque chose. Ou encore quelque chose et rien. Sophocle déjà en parle non sans jouer d’ambiguïté à chaque vers.
—Je trouverai le criminel dit son Œdipe.
Tout et rien. Ce ne sont pas deux choses mais une. Et cette chose n’est pas grand chose au sens ou grand la distinguerait de rien.
—Boire pour oublier, disent certains. Boire parce qu’elle m’a quitté. Boire parce que je ne suis pas gai. Beaucoup de gens boivent à tort.
Boire pour boire c’est autre chose de plus franc. Boire en gaulois, Boire en Celte, en Gaélique, en Britannique.
Boire pour une identité linguistique. Si ça peut, faut essayer pour boire.
Boire pour esquiver la réalité comme un champion de boxe sur un ring. Jeu de jambes, on titube, on s’étale, on se relève, on tourne en rond dans un espace plutôt carré. Boire avec méthode. Boire de façon quasi mathématique. En mesurant la progression du taux l’alcool dans le sang comme passe temps. Être titubant mais attentif à la titubation.
Mais apprendre à boire, pas d’école connue, pas de formation.

C’est que boire est affaire si personnelle dans le fond qu’on serait bien en peine d’en tirer des règles, un manuel, un objet de transmission.
Se bourrer la gueule n’est pas boire comme souffler n’est pas jouer. C’est griller beaucoup d’étapes entre le matin et la fin de la journée.
Je vois quelques uns qui se vantent d’absorber en un clin d’œil l’équivalent d’un jour ou deux d’opiniâtreté et de patience. Pour s’écrouler lamentablement ensuite dans un sommeil sans rêve.
Ceux là boivent pour dormir.
Alors qu’on peut en buvant atteindre le contraire, s’éveiller à des réalités parallèles, et qui ne touchent jamais cette réalité-ci.
Même en cellule de dégrisement.

Boire pour naviguer sur une multitude de réalités parallèles est comme naviguer sur aucune. Il convient à un moment de s’en rendre compte.
Ce n’est pas apprendre à boire qu’il faudrait dire c’est tout ce qu’apprend le boire.
Être un ivrogne ordinaire rien de plus facile. Tout le monde peut y arriver. Mais atteindre à l’extraordinaire par la boisson c’est autre chose et d’ailleurs la boisson n’est qu’un outil, elle n’est pas une fin en soi.

L’important c’est l’ivresse. Et qu’importe le flacon dit-on, la bouteille ou le verre. Cultiver son ivresse est affaire si personnelle qu’il serait prétentieux et parfaitement inutile de vouloir l’enseigner à d’autres.

Peut-être en est-il de même de toute chose en ce monde une fois qu’on le découvre avec une.
Apprendre à écrire, à peindre, à aimer.
On peut aussi se demander à quoi sert l’éducation en général sinon maintenir la croyance qu’on peut tout apprendre des autres et rien de soi.

Post-scriptum

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Comme

Comme la mer qui cavale vers le mont Saint-Michel comme si elle allait lui faire sa fête, l'engloutir tout entier en deux coups les gros. L'air du temps me rattrape et je me mettrais bien à courir comme un dératé dans l'espoir de trouver une hauteur. En vain. C'est comme Waterloo morne plaine dans le coin. Encore pire depuis qu'il fait beau. Le soleil ne rend pas le monde plus beau il nous aveugle c'est tout. Pire je courre mais je fais du sur-place. La poisse comme le sable, la poisse comme les sables mouvants. Et la mer monte bon sang comme elle monte vite et je m'enfonce lentement. Comme un ange passe en tutu qui joue de la trompette mais mal. La fausse note m'excite me fait dresser les poils. Ta gueule l'ange je dis et ça m'extrait d'un coup des sables. Me v'la qui lévite. Comme par enchantement. L'ange se marre. Genre t'inquiète j'ai toujours raison, le con. Que t'aies la foi ou pas n'a aucune espèce d'importance. Comment on en est arrivé là ? Aucune idée j'ai juste dit comme au début et puis ensuite j'ai laissé filé pour arriver à la fin.|couper{180}

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mai 2023 technique mixte 70x70 cm mai 2023|couper{180}

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La ramener

Il la ramenait sans arrêt. Pour un oui, un non. Sans qu’on ne lui demande quoi que ce soit. Pour passer le temps je l’imaginais aux toilettes pendant qu’il la ramenait. Son gros cul posé sur la lunette. Ou encore accroupi la tête rouge en train de pousser dans des turques. Il pouvait la ramener tant qu’il voulait. Je pouvais même le regarder dans le blanc des yeux sans ciller cependant . Il y avait même en chœur tout un raffut de sons foireux qui appuyait les images mentales. Quand il avait terminé, il disait — alors t’en pense quoi ? C’est un sale con n’est-ce pas, ou encore une belle salope tu trouve tu pas ? J’en pensais rien bien sûr, je le laissais avec sa question en suspens. Puis je me dépêchais de prétexter une course urgente avant que ça ne lui reprenne, qu’il la ramène encore sur un autre sujet. En gros toujours le même. Lui aux prises avec les dangers infinis du monde extérieur peuplé d’idiots, d’idiotes écervelées. Je me tirais au même moment où il commençait à entrouvrir la bouche de nouveau le laissant là planté comme un poisson en train d'étouffer C'était un miroir qui devait au moins faire sept mètre de long et qui faisait face au bar. Un jour qu'il la ramenait j'ai chopé un tabouret et je l'ai envoyé valdinguer dans le miroir. Il ne l'a plus ramené, c'était fini.|couper{180}

La ramener