L’errance figurative
En tant que peintre, en tant que fou, j’ai besoin d’errer, j’en ai ce besoin viscéral. Me fixer dans quoique ce soit serait la mort, l’arrêt brutal d’un mouvement qui prend son origine dans un passé qui dépasse de très loin ma propre existence. Je pourrais parler d’un passé géologique, le passé de la roche en fusion qui cherche à s’enfuir de toute solidité de toute immobilité comme de toute fatalité.
C’est pourquoi je n’établis pas de frontière entre les genres en peinture, je ne comprends pas qu’on puisse diviser, séparer l’abstraction de la figuration par exemple.
Aussi il m’est nécessaire de me laisser libre de pouvoir passer de l’un à l’autre sans questionnement.
Je rampe dans un étroit couloir constitué de risques de doutes en permanence à propos de cette liberté que j’ai choisie, mais cela n’est rien à côté de ce qu’elle me fait vivre.
A côté de cette approche tectonique de la peinture comme de la vie.
Parfois je peux saisir comme un rythme lent et sourd qi accompagne mon geste au fusain, je sais que je suis dans cette errance, je le suis de façon consciente de plus en plus comme un danseur s’approche de la vérité de la justesse d’un mouvement.
Est-ce conscience le bon mot ? ça ne se passe pas que dans la tête, mais dans le corps tout entier.
A ce moment là mon petit doigt, ma nuque, mes orteils sont aussi doués de conscience que ma cervelle.
Et je me sens vivant tout en étant ici et dans l’ailleurs profond.
Vierge d’après Léonard De Vinci et main "sale".
Post-scriptum
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Comme
Comme la mer qui cavale vers le mont Saint-Michel comme si elle allait lui faire sa fête, l'engloutir tout entier en deux coups les gros. L'air du temps me rattrape et je me mettrais bien à courir comme un dératé dans l'espoir de trouver une hauteur. En vain. C'est comme Waterloo morne plaine dans le coin. Encore pire depuis qu'il fait beau. Le soleil ne rend pas le monde plus beau il nous aveugle c'est tout. Pire je courre mais je fais du sur-place. La poisse comme le sable, la poisse comme les sables mouvants. Et la mer monte bon sang comme elle monte vite et je m'enfonce lentement. Comme un ange passe en tutu qui joue de la trompette mais mal. La fausse note m'excite me fait dresser les poils. Ta gueule l'ange je dis et ça m'extrait d'un coup des sables. Me v'la qui lévite. Comme par enchantement. L'ange se marre. Genre t'inquiète j'ai toujours raison, le con. Que t'aies la foi ou pas n'a aucune espèce d'importance. Comment on en est arrivé là ? Aucune idée j'ai juste dit comme au début et puis ensuite j'ai laissé filé pour arriver à la fin.|couper{180}
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technique mixte 70x70 cm
mai 2023 technique mixte 70x70 cm mai 2023|couper{180}
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La ramener
Il la ramenait sans arrêt. Pour un oui, un non. Sans qu’on ne lui demande quoi que ce soit. Pour passer le temps je l’imaginais aux toilettes pendant qu’il la ramenait. Son gros cul posé sur la lunette. Ou encore accroupi la tête rouge en train de pousser dans des turques. Il pouvait la ramener tant qu’il voulait. Je pouvais même le regarder dans le blanc des yeux sans ciller cependant . Il y avait même en chœur tout un raffut de sons foireux qui appuyait les images mentales. Quand il avait terminé, il disait — alors t’en pense quoi ? C’est un sale con n’est-ce pas, ou encore une belle salope tu trouve tu pas ? J’en pensais rien bien sûr, je le laissais avec sa question en suspens. Puis je me dépêchais de prétexter une course urgente avant que ça ne lui reprenne, qu’il la ramène encore sur un autre sujet. En gros toujours le même. Lui aux prises avec les dangers infinis du monde extérieur peuplé d’idiots, d’idiotes écervelées. Je me tirais au même moment où il commençait à entrouvrir la bouche de nouveau le laissant là planté comme un poisson en train d'étouffer C'était un miroir qui devait au moins faire sept mètre de long et qui faisait face au bar. Un jour qu'il la ramenait j'ai chopé un tabouret et je l'ai envoyé valdinguer dans le miroir. Il ne l'a plus ramené, c'était fini.|couper{180}