L’image
Peinture, ébauche de visage imaginaire Patrick Blanchon 2022.
Le visible possède-t-il un cœur, un centre, une raison, une vérité. Deux réponses possibles. Platon dit non. Pour le philosophe, le secret du visible n’est qu’une ombre, une illusion, un mensonge. Et, c’est en cela que cette illusion est condamnable. Second point de vue, La réponse chrétienne. Une sacrée trouvaille de proposer Dieu comme fondement du visible. Fut un temps où la peinture cherchait à rendre compte de cette vérité chrétienne. On peut penser à Saint-Bernardin de Sienne. Lorsqu’il peint l’Annonciation durant la période du Quattrocento. L’artiste et le croyant désirent représenter ce lieu, cet espace où Dieu vient dans l’homme, où ce qui ne peut être figuré devient figure, où ce qui n’a jamais été vu devient visible. De ce point de vue de peintre comme celui de la chrétienté, le cœur du visible est unique et il est Dieu. Le résultat est une révolution de l’esprit puisque désormais, c’est tout l’invisible qui trouve sa raison d’être. La foi remplace le doute, voire le mépris platonicien. Que l’on approuve ou pas cette solution, cela n’interférera que peu avec l’avalanche de mots d’ordre qui en découle. On peut imaginer tout un monde, le monde chrétien, basculer soudain dans cette croyance martelée sur tous les tons. L’injonction d’avoir la foi n’en est que la partie immergée. La morale occupe l’espace sous-jacent, une place prédominante déjà. Dont on peut facilement imaginer qu’elle sert surtout aux puissants pour asservir les plus faibles. Si souffrir au travail permet comme d’obtenir comme rétribution ultime une place au paradis, si la raison de la violence peut enfin s’associer à une cause divine, on souffre sans doute beaucoup plus silencieusement. Dans le calme. Pour ne pas gêner le confort des puissants. Que se passe-t-il alors dans l’inconscient collectif, l’idée que la lumière chasse l’ombre, qu’une guerre existe entre ces ombres et cette Lumière. En tout cas qu’une synergie ancienne, présocratique s’évanouisse à partir de l’appel de l’ange Gabriel. Qu’un nouveau-né engendré par l’invisible devienne un homme crucifié, la figure d’un carrefour entre deux mondes, celui de l’invisible et du visible. Mais pas seulement. Sous cette image d’Épinal, le monde de l’esclavage se distinguant du monde des salariés que dans une apparence. Comment on a tenu en laisse les travailleurs des champs et des fabriques en les invitant à se rendre chaque dimanche à la messe... vu de notre siècle cela semble extravagant. Pourtant, la chose continue sans même que l’on en prenne conscience. Encore aujourd’hui.
Cette habitude d’évoquer la vérité par l’entremise d’images pieuses. Y a-t-il une réelle différence avec les images visibles sur les réseaux sociaux ? La vérité divine est simplement remplacée par la vérité individuelle et de ce fait l’individu, l’influenceur, ne devient-il pas ainsi un avatar de l’invisible lui aussi ? Toute cette morale nommée désormais mindset oulivestylene sert-elle pas les mêmes intérêts que depuis toujours ? Et cette injonction qui chasse l’autre, cette fameuse nécessité d’avoir confiance en Soi. N’y aurait-il pas une translation de sens qui se serait effectuée, Soi-même étant devenu lui aussi cet invisible qu’il convient de nommer, mais d’affirmer, et pas pour rien bien sûr, pour réussirdans la vie. L’hésitation, de doute, les empêchements en général n’appartenant jamais qu’à la créature, rangés dans la catégorie des défaites contre les démons de tout temps.
Iconoclaste certainement. Un paradoxe supplémentaire. Être peintre et iconoclaste. Ainsi, sans doute que tout l’élan vers la peinture abstraite ne tient qu’à ce doute permanent entretenu avec l’idée de la figure, volonté de détruire la figure non. Pas réellement, mais d’en faire douter sûrement. Partager mes doutes quant à la figure telle qu’elle est installée désormais dans notre monde, dans nos vies. La figure ou l’image en général.
Post-scriptum
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Comme
Comme la mer qui cavale vers le mont Saint-Michel comme si elle allait lui faire sa fête, l'engloutir tout entier en deux coups les gros. L'air du temps me rattrape et je me mettrais bien à courir comme un dératé dans l'espoir de trouver une hauteur. En vain. C'est comme Waterloo morne plaine dans le coin. Encore pire depuis qu'il fait beau. Le soleil ne rend pas le monde plus beau il nous aveugle c'est tout. Pire je courre mais je fais du sur-place. La poisse comme le sable, la poisse comme les sables mouvants. Et la mer monte bon sang comme elle monte vite et je m'enfonce lentement. Comme un ange passe en tutu qui joue de la trompette mais mal. La fausse note m'excite me fait dresser les poils. Ta gueule l'ange je dis et ça m'extrait d'un coup des sables. Me v'la qui lévite. Comme par enchantement. L'ange se marre. Genre t'inquiète j'ai toujours raison, le con. Que t'aies la foi ou pas n'a aucune espèce d'importance. Comment on en est arrivé là ? Aucune idée j'ai juste dit comme au début et puis ensuite j'ai laissé filé pour arriver à la fin.|couper{180}
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technique mixte 70x70 cm
mai 2023 technique mixte 70x70 cm mai 2023|couper{180}
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La ramener
Il la ramenait sans arrêt. Pour un oui, un non. Sans qu’on ne lui demande quoi que ce soit. Pour passer le temps je l’imaginais aux toilettes pendant qu’il la ramenait. Son gros cul posé sur la lunette. Ou encore accroupi la tête rouge en train de pousser dans des turques. Il pouvait la ramener tant qu’il voulait. Je pouvais même le regarder dans le blanc des yeux sans ciller cependant . Il y avait même en chœur tout un raffut de sons foireux qui appuyait les images mentales. Quand il avait terminé, il disait — alors t’en pense quoi ? C’est un sale con n’est-ce pas, ou encore une belle salope tu trouve tu pas ? J’en pensais rien bien sûr, je le laissais avec sa question en suspens. Puis je me dépêchais de prétexter une course urgente avant que ça ne lui reprenne, qu’il la ramène encore sur un autre sujet. En gros toujours le même. Lui aux prises avec les dangers infinis du monde extérieur peuplé d’idiots, d’idiotes écervelées. Je me tirais au même moment où il commençait à entrouvrir la bouche de nouveau le laissant là planté comme un poisson en train d'étouffer C'était un miroir qui devait au moins faire sept mètre de long et qui faisait face au bar. Un jour qu'il la ramenait j'ai chopé un tabouret et je l'ai envoyé valdinguer dans le miroir. Il ne l'a plus ramené, c'était fini.|couper{180}