Le privilège.

De toutes les foutaises qui s’échappaient du poste pour tournoyer dans l’habitacle avant de s’élancer à l’extérieur du véhicule par la vitre grande ouverte, les élections à venir tenaient le pompon. Une vraie bagarre de chiens en rut, jappant, bavant, surenchérissant autant que faire ce peu, comme des camelots à la foire d’empoigne. Mais Louis n’y prêtait que peu d’ attention , maintenant que la nuit était tombée il se hâtait lentement pour revenir chez lui. C’est à dire qu’il avait pris l’A7 en direction de Marseille, tout en prenant grand soin de ne pas dépasser le 90 km heure.

Un sourire de satisfaction s’affichait sur son visage fatigué lorsqu’il apercevait dans son rétro les bolides obligés de le doubler puis qui se rabattaient ensuite rageusement sans même daigner allumer leur clignotant.

Il alluma une Winfield et appuya le coude à la fenêtre tout en conduisant d’une main. La nuit était chaude et douce, et Louis nota avec satisfaction que les véhicules qui remontaient en sens inverse vers Lyon ne l’éblouissaient pas. L’opération avait été un succès. Désormais à 60 ans passés non seulement il y voyait plus clair, mais plus grand chose ne pouvait l’éblouir sur la route comme autrefois.

Il nota aussi l’absence totale de surprise lorsque l’accident se produisit. Et aussi la dilatation du temps lors de celui-ci. Lorsque le 15 tonnes rencontra l’arrière du véhicule pour s’y enfoncer comme dans du beurre mou, il se retrouva projeté quelque part au dessus de la scène sans éprouver d’émotion particulière. Il vit pourtant nettement son corps traverser le pare-brise et s’en aller bouler sur le bas-côté, puis il remarqua aussi la présence d’un parfum familier. Une odeur de vétiver qui ne l’étonna pas non plus. Le parfum dont s’aspergeait son père et dont l’empreinte olfactive lui revenait tout à coup.

Il y eut un carambolage sensationnel, des voitures qui n’avaient pas eu le temps de freiner et qui au ralenti s’emboitaient les unes dans les autres. Et Louis se tenait là quelque part à observer toute la scène comme spectateur. Puis la nuit envahit son champs de vision et il n’y eut plus rien.

Lorsqu’il reprit conscience le parfum de vétiver était encore plus présent et il vit son père naturellement. Sa mère aussi était là et tout un tas d’autres personnes dont les visages lui étaient vaguement familiers.

C’était difficile d’imaginer vraiment être là remarqua t’il encore. Il n’avait pas de corps vraiment, juste cette conscience qu’il était Louis et que toutes ces personnes étaient arrivées là tout autour de lui Dieu sait comment.

Ce qui ne collait pas c’était leurs sourires. Tout à fait le genre de sourires de faux-culs qu’il leur avait toujours connu et aussitôt il retrouva sa vigilance car pas de doute, un coup fourré se préparait.

Comme si toutes ces personnes avaient pu lire dans ses pensées elles s’écartèrent soudain pour laisser passer un nouveau personnage. Le type avait la trentaine environ est était habillé avec un rideau. Ses cheveux longs crasseux et sa barbe mal taillée contrastaient avec la limpidité de son regard gris bleu.

Un regard d’amour dans lequel Louis fut tenté un bref instant de se noyer complètement. C’est à cet instant qu’il se souvint qu’il avait déjà vu ce genre de regard plein d’amour chez les curés de son enfance juste avant qu’ils le malmènent et abusent de lui.

Au moment où toutes ces choses lui revinrent la répulsion lui apparu comme la plus réelle la plus authentique des forces à sa disposition. Une force sur laquelle s’appuyer pour résister à tout ce cinéma.

— Vous êtes morts, vous n’existez pas, vous n’êtes qu’une putain de fiction murmura alors Louis. Et les personnages se dissipèrent tous comme par magie.

Sauf un.

C’était un enfant blond aux yeux tristes qui lui souriait doucement et qui le prit par la main. Jusque là Louis n’aurait su dire s’il possédait des mains et c’est cette main tendue de l’enfant qui matérialisa la sienne une main qui lui appartenait il le sentait vraiment.

—Je ne suis pas sur d’être encore en vie ni d’être vraiment mort se dit Louis. Et cette incertitude ne l’effraya pas non plus. C’était même une sorte de vecteur fantastique qu’il découvrait en même temps qu’il en prenait conscience. Une lueur déchira doucement la nuit pour créer un passage qui les invitait à pénétrer l’enfant et lui.

C’était une pièce familière que Louis reconnut aussitôt, une chambre d’hôtel dans laquelle il avait passé quelques mois dans sa jeunesse. Sur la table ronde dont un des pieds était calé par un bouquin de Camus, trônait une vieille Remington et à coté d’elle un paquet de feuillets dactylographiés.

L’enfant alla s’asseoir sur le lit comme pour tester l’élasticité des ressorts du sommier. Il y eut effectivement ces fameux grincements que Louis connaissait par cœur. Ils se sourirent franchement tous les deux.

Puis il aperçut le transistor et machinalement tourna le bouton. Une voix de femme envahit la chambre. Une voix extraordinaire avec cette toute petite pointe d’humour qui aussitôt nous indiquait que l’on était sur FIP dans le temps. Ca tombait à pic, Louis se senti délicieusement bien des les premières mesures de "So What" , aux anges si on peut dire, quand la trompette de Miles envahit la chambre toute entière.

Il s’empara du paquet de feuillets juste à ce moment là, et entreprit de les relire encore une fois, calmement, comme si désormais un grand pont avait été construit quelque part reliant toutes ses incertitudes. Et ce pont le menait sans nul doute quelque part, n’importe où, et en fait peu lui importait c’était là son seul et unique privilège de s’en foutre totalement.

https://youtu.be/zqNTltOGh5c

Post-scriptum

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Comme

Comme la mer qui cavale vers le mont Saint-Michel comme si elle allait lui faire sa fête, l'engloutir tout entier en deux coups les gros. L'air du temps me rattrape et je me mettrais bien à courir comme un dératé dans l'espoir de trouver une hauteur. En vain. C'est comme Waterloo morne plaine dans le coin. Encore pire depuis qu'il fait beau. Le soleil ne rend pas le monde plus beau il nous aveugle c'est tout. Pire je courre mais je fais du sur-place. La poisse comme le sable, la poisse comme les sables mouvants. Et la mer monte bon sang comme elle monte vite et je m'enfonce lentement. Comme un ange passe en tutu qui joue de la trompette mais mal. La fausse note m'excite me fait dresser les poils. Ta gueule l'ange je dis et ça m'extrait d'un coup des sables. Me v'la qui lévite. Comme par enchantement. L'ange se marre. Genre t'inquiète j'ai toujours raison, le con. Que t'aies la foi ou pas n'a aucune espèce d'importance. Comment on en est arrivé là ? Aucune idée j'ai juste dit comme au début et puis ensuite j'ai laissé filé pour arriver à la fin.|couper{180}

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mai 2023 technique mixte 70x70 cm mai 2023|couper{180}

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La ramener

Il la ramenait sans arrêt. Pour un oui, un non. Sans qu’on ne lui demande quoi que ce soit. Pour passer le temps je l’imaginais aux toilettes pendant qu’il la ramenait. Son gros cul posé sur la lunette. Ou encore accroupi la tête rouge en train de pousser dans des turques. Il pouvait la ramener tant qu’il voulait. Je pouvais même le regarder dans le blanc des yeux sans ciller cependant . Il y avait même en chœur tout un raffut de sons foireux qui appuyait les images mentales. Quand il avait terminé, il disait — alors t’en pense quoi ? C’est un sale con n’est-ce pas, ou encore une belle salope tu trouve tu pas ? J’en pensais rien bien sûr, je le laissais avec sa question en suspens. Puis je me dépêchais de prétexter une course urgente avant que ça ne lui reprenne, qu’il la ramène encore sur un autre sujet. En gros toujours le même. Lui aux prises avec les dangers infinis du monde extérieur peuplé d’idiots, d’idiotes écervelées. Je me tirais au même moment où il commençait à entrouvrir la bouche de nouveau le laissant là planté comme un poisson en train d'étouffer C'était un miroir qui devait au moins faire sept mètre de long et qui faisait face au bar. Un jour qu'il la ramenait j'ai chopé un tabouret et je l'ai envoyé valdinguer dans le miroir. Il ne l'a plus ramené, c'était fini.|couper{180}

La ramener