Les silences de Beckett

Lu hier le petit livre de Charles Juliet qui relate ses entretiens avec Samuel Beckett. C’était comme si j’étais là. Silencieux, attablé avec eux deux. Grand moment. Et toute le nervosité de Monsieur Juliet était à boire comme du petit lait. Ces questions. Merveilleux. Surtout le profil de marbre de Monsieur Beckett. Une falaise irlandaise sous les assauts des déferlantes, des embruns, imperturbable. Magnifique paysage. De là où j’étais, le trou noir de son oreille bien visible, comme l’entrée d’une caverne. Il y faisait bon, ni trop froid ni trop chaud, l’hygrométrie ajustée avec une admirable précision. Aussi m’y attardant paresseusement je pu constater l’effort renouveler pour trouver la réponse. Pas la première venue, pas la plus spontanée, pas d’esquive. Non. La seule et unique réponse possible qu’il puisse formuler. C’est quelque chose d’assister à cela. Et on apprend énormément, à la fois sur les réponses toutes faites, et sur celles que l’on est en mesure d’inventer tout seul. Monsieur Juliet évoque les longs silences de Monsieur Beckett. Vu de l’extérieur on peut tout à fait comprendre ce qu’il dit. Mais si on pénètre dans le creux de l’oreille, non. Le seul silence est la réponse quand elle surgit.

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Comme

Comme la mer qui cavale vers le mont Saint-Michel comme si elle allait lui faire sa fête, l'engloutir tout entier en deux coups les gros. L'air du temps me rattrape et je me mettrais bien à courir comme un dératé dans l'espoir de trouver une hauteur. En vain. C'est comme Waterloo morne plaine dans le coin. Encore pire depuis qu'il fait beau. Le soleil ne rend pas le monde plus beau il nous aveugle c'est tout. Pire je courre mais je fais du sur-place. La poisse comme le sable, la poisse comme les sables mouvants. Et la mer monte bon sang comme elle monte vite et je m'enfonce lentement. Comme un ange passe en tutu qui joue de la trompette mais mal. La fausse note m'excite me fait dresser les poils. Ta gueule l'ange je dis et ça m'extrait d'un coup des sables. Me v'la qui lévite. Comme par enchantement. L'ange se marre. Genre t'inquiète j'ai toujours raison, le con. Que t'aies la foi ou pas n'a aucune espèce d'importance. Comment on en est arrivé là ? Aucune idée j'ai juste dit comme au début et puis ensuite j'ai laissé filé pour arriver à la fin.|couper{180}

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technique mixte 70x70 cm

mai 2023 technique mixte 70x70 cm mai 2023|couper{180}

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La ramener

Il la ramenait sans arrêt. Pour un oui, un non. Sans qu’on ne lui demande quoi que ce soit. Pour passer le temps je l’imaginais aux toilettes pendant qu’il la ramenait. Son gros cul posé sur la lunette. Ou encore accroupi la tête rouge en train de pousser dans des turques. Il pouvait la ramener tant qu’il voulait. Je pouvais même le regarder dans le blanc des yeux sans ciller cependant . Il y avait même en chœur tout un raffut de sons foireux qui appuyait les images mentales. Quand il avait terminé, il disait — alors t’en pense quoi ? C’est un sale con n’est-ce pas, ou encore une belle salope tu trouve tu pas ? J’en pensais rien bien sûr, je le laissais avec sa question en suspens. Puis je me dépêchais de prétexter une course urgente avant que ça ne lui reprenne, qu’il la ramène encore sur un autre sujet. En gros toujours le même. Lui aux prises avec les dangers infinis du monde extérieur peuplé d’idiots, d’idiotes écervelées. Je me tirais au même moment où il commençait à entrouvrir la bouche de nouveau le laissant là planté comme un poisson en train d'étouffer C'était un miroir qui devait au moins faire sept mètre de long et qui faisait face au bar. Un jour qu'il la ramenait j'ai chopé un tabouret et je l'ai envoyé valdinguer dans le miroir. Il ne l'a plus ramené, c'était fini.|couper{180}

La ramener