notes sur #photofictions#07
Plus orienté fiction. Mais tout n’est-il pas fiction... surtout lorsqu’on imagine sincérité et vérité. Prendre une image de soi, et écrire une fiction à partir d’elle. Délimiter la frontière entre la sphère intime et ce qui est publiable. Le cœur de la difficulté. S’inspirer de Pierre Michon, notamment de son Rimbaud le frère ouvrage dans lequel le frère justement n’apparaît jamais. Lecture de quelques lignes, suffisante pour comprendre l’art de la prestidigitation. L’artifice et l’art, la frontière, aussi difficile de la déceler qu’entre fiction et réalité. Sauf si on connaît bien Rimbaud et qu’on perçoit justement ça et là son rythme et son souffle, des morceaux entiers, un plagiat habilement utilisé. J’avais repéré la filouterie de Pierre Michon plusieurs fois déjà. Lors d’entretiens sur YouTube. Cette grande fragilité derrière son langage admirable. Je n’osais le dire, mais voilà c’est fait. Ce qui ne signifie pas du tout que cette fragilité ou cette roublardise issue de celle-ci le déconsidère, tout au contraire. Peut-être même aura t’il joui d’un malin plaisir à exhiber cette roublardise en la dissimulant aux grenouilles de bénitier derrière une langue si choisie. Donc une constellation Rimbaldienne dont le topic est de parler d’un frère qui jamais ne vient sous la plume. Un bel attrape-mouche. La subversivité d’un tel ouvrage, au demeurant salutaire pour les plus jeunes. Alors que toujours je reste lié à l’intention première. Quel intérêt ? Et bien sûrement une commande et tous les empêchements qui vont avec. Puis l’urgence, la trouvaille et le job à livrer. Suffisamment habile, intelligent, c’est à dire flattant l’intelligence d’un éditeur qui s’imagine à son degré comprendre alors que possible rien. Qui a t’il donc comme solitude comme rage, comme haine de l’intelligence justement derrière tout cela ... la même que la mienne puisque je la reconnais. Puisqu’en miroir je ne fais toujours que de parler de moi. Parler de Rimbaud ou plutôt du frère absent dans l’ouvrage, un véritable exercice d’équilibriste. Qui peut en mettre plein la vue. Un nuage d’encre. Et hop je file.
Christian Botanlski ensuite, un peintre qui ne peignait plus guère. Connu pour ses accumulations photographiques, un des plus grands artistes contemporains. Il n’a pas écouté Breton « vous êtes gentil ne devenez pas artiste... » qu’un gentil s’efforce de vouloir devenir méchant aussi cela me parle. Mais devient- on artiste pour comprendre la méchanceté voilà une bonne question. Cette méchanceté on peut évidemment l’apprendre un peu partout, mais pourquoi atteint-elle ce degré via l’art. Sans doute parce qu’on finit par comprendre que la gentillesse repose sur la peur. Et que la méchanceté est une forme de libération. Pour autant la méchanceté peut prendre tant de formes lorsqu’elle se lie à l’intelligence, sans doute l’art est il le lieu et l’espace où elle peut enfin s’épanouir comme une fleur, à ce moment on ne dit plus méchanceté on dit génie, ou artiste puisque dans l’opinion des officionados c’est synonyme. Reste que Botanlski est d’origine juive ce qui aussitôt me ramène à l’enseignement de la Tora. Pour savoir ce que veux dire la Tora il faut lire la Tora. Ce qui a l’air d’être un poncif autant que la fiction ne se situerait que dans notre seule imagination. Qu’il puisse y avoir frontière entre imaginaire et réalité. Mais si mince vraiment qu’il faut vraiment lire la Tora pour la percevoir. Pour accepter en premier lieu que l’on croit savoir et qu’on ne sait rien. Que tout texte est probablement à plusieurs niveaux car issu d’une oralité perdue. Que la Tora fut écrite dans une époque appartenant à un mode de pensée prophétique et que nous pensons désormais chrétien qu’on l’accepte ou pas. Cette différence de mode de pensée et toutes les interprétations que l’on commet ainsi envers une pseudo réalité, elle ne cesse jamais de s’effectuer parce qu’il nous manque un mode d’emploi, des règles. Pour comprendre Botanlski il faut lire la Tora. Et saisir que la chronologie et l’ordre, ne sont pas la chronologie et l’ordre. Qu’ils sont autre chose. Qu’il s’agit de réparation et que nous sommes encore au septième jour, le fameux jour du repos et que c’est à chacun de nous d’agir, nous les créatures. Il y a donc une action chez Botanlski en faveur de cette réparation dont tout philosophe ou artiste est en charge, qu’il le sache ou pas. Interroger la sphère de l’intime en relation avec une autre qu’on ne peut contraindre au seul terme de publique. Une sphère métaphysique. C’est cela cette friction éprouvée lorsque je vois une œuvre de Botanlski. Sans doute parce que ma pensée est de complexion juive également. Je regarde une œuvre de Botanlski et ça me dépasse. Tout comme me dépasse à première lecture le tout premier verset du Bereshit de la Tora. Et le but n’est pas de comprendre en premier mieux mais de lire et ce faisant enfin accepter le fait de n’y comprendre goutte.
Admettons que je parte d’une photographie ancienne ou récente de moi-même comme la consigne le demande, la lecture sera aussi semblable au premier verset du Bereshit. Je devrais aussitôt appliquer cette règle première que je ne sais rien de ce que je vois. Qu’il me faut examiner chaque détail et l’interroger pour saisir son sens premier. Ce nœud papillon par exemple dont on m’a affublé, cette raie sur le côté, ce petit gilet de gamin propret... est-ce un vœu du photographe, de mes parents, les conditions d’une mode appartenant à une époque entre 1960 et 1965, que sais-je de toutes ces choses sinon qu’elles sont supputations, produites presqu’aussitôt par mon imagination comme ma mémoire, autant dire des choses vulgaires, séculaires, installées dans une temporalité bien précise. Rien à voir avec qui je suis à cette époque probablement, ni qui je suis actuellement. Juste des supputations. Il faut à nouveau ouvrir la Tora et ânonner chaque mot le laisser pénétrer dans la profondeur de l’être pour avoir une chance si mince soit-elle d’en distinguer un sens qui ne soit pas pure fiction. Une parole vraie.
Post-scriptum
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Comme
Comme la mer qui cavale vers le mont Saint-Michel comme si elle allait lui faire sa fête, l'engloutir tout entier en deux coups les gros. L'air du temps me rattrape et je me mettrais bien à courir comme un dératé dans l'espoir de trouver une hauteur. En vain. C'est comme Waterloo morne plaine dans le coin. Encore pire depuis qu'il fait beau. Le soleil ne rend pas le monde plus beau il nous aveugle c'est tout. Pire je courre mais je fais du sur-place. La poisse comme le sable, la poisse comme les sables mouvants. Et la mer monte bon sang comme elle monte vite et je m'enfonce lentement. Comme un ange passe en tutu qui joue de la trompette mais mal. La fausse note m'excite me fait dresser les poils. Ta gueule l'ange je dis et ça m'extrait d'un coup des sables. Me v'la qui lévite. Comme par enchantement. L'ange se marre. Genre t'inquiète j'ai toujours raison, le con. Que t'aies la foi ou pas n'a aucune espèce d'importance. Comment on en est arrivé là ? Aucune idée j'ai juste dit comme au début et puis ensuite j'ai laissé filé pour arriver à la fin.|couper{180}
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technique mixte 70x70 cm
mai 2023 technique mixte 70x70 cm mai 2023|couper{180}
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La ramener
Il la ramenait sans arrêt. Pour un oui, un non. Sans qu’on ne lui demande quoi que ce soit. Pour passer le temps je l’imaginais aux toilettes pendant qu’il la ramenait. Son gros cul posé sur la lunette. Ou encore accroupi la tête rouge en train de pousser dans des turques. Il pouvait la ramener tant qu’il voulait. Je pouvais même le regarder dans le blanc des yeux sans ciller cependant . Il y avait même en chœur tout un raffut de sons foireux qui appuyait les images mentales. Quand il avait terminé, il disait — alors t’en pense quoi ? C’est un sale con n’est-ce pas, ou encore une belle salope tu trouve tu pas ? J’en pensais rien bien sûr, je le laissais avec sa question en suspens. Puis je me dépêchais de prétexter une course urgente avant que ça ne lui reprenne, qu’il la ramène encore sur un autre sujet. En gros toujours le même. Lui aux prises avec les dangers infinis du monde extérieur peuplé d’idiots, d’idiotes écervelées. Je me tirais au même moment où il commençait à entrouvrir la bouche de nouveau le laissant là planté comme un poisson en train d'étouffer C'était un miroir qui devait au moins faire sept mètre de long et qui faisait face au bar. Un jour qu'il la ramenait j'ai chopé un tabouret et je l'ai envoyé valdinguer dans le miroir. Il ne l'a plus ramené, c'était fini.|couper{180}