Que ce serait beau
Boutique en ruine à Rafina.
Que ce serait beau de s’en souvenir et d’arriver à l’aujourd’hui comme si cela avait été demain. Prêt pour la vie comme pour la mort et sans vouloir tirer profit. Sans calculer son intérêt. Et tout payer rubis sur l’ongle. Dans la traque tranquille d’un peu de besoin. Ou dans un rêve conscient de ses fragiles limites. Non pas être indifférent au monde mais le prendre tel qu’il est dans son indifférence. Parvenir même à s’en réjouir puisque cette indifférence est garante de cette paix nouvelle qui s’avance avec l’âge.
Que ce serait beau de s’en souvenir et dans l’instant celui-là même où on l’ oublie parce qu’on possède encore un but une opinion, tous ces bagages que l’on tire un peu partout et surtout lorsque l’on veut rester chez soi.
Que ce serait beau d’être là comme un arbre, rendre à la saison son fruit, à l’oiseau son nid, humble et noueux en un tronc planté profond en terre, donner de l’asile comme de l’ombre. Être arbre comme on est pierre ou mousse. Être là comme sont dans le fond toutes choses et êtres.
Que ce serait beau d’avoir l’ouïe fine l’œil perçant et la bouche close à savourer le spectacle incessant, éternel recommencement. Que ce serait beau d’apprécier à sa valeur juste tout recommencement.
Que ce serait beau d’y parvenir enfin, d’éprouver cette fierté d’y être enfin parvenu, sans perdre de vue la nuit noire sans étoile, que ce serait beau de se souvenir d’avoir peur encore une dernière fois, de retrouver toute la fragilité de l’instant, de se dire dans un murmure j’ai vécu tout cela et non rien que cela. Puis partir comme on part en voyage sans plus savoir d’où on vient ni où on va. Que ce serait beau, ce serait trop beau.
Post-scriptum
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Comme
Comme la mer qui cavale vers le mont Saint-Michel comme si elle allait lui faire sa fête, l'engloutir tout entier en deux coups les gros. L'air du temps me rattrape et je me mettrais bien à courir comme un dératé dans l'espoir de trouver une hauteur. En vain. C'est comme Waterloo morne plaine dans le coin. Encore pire depuis qu'il fait beau. Le soleil ne rend pas le monde plus beau il nous aveugle c'est tout. Pire je courre mais je fais du sur-place. La poisse comme le sable, la poisse comme les sables mouvants. Et la mer monte bon sang comme elle monte vite et je m'enfonce lentement. Comme un ange passe en tutu qui joue de la trompette mais mal. La fausse note m'excite me fait dresser les poils. Ta gueule l'ange je dis et ça m'extrait d'un coup des sables. Me v'la qui lévite. Comme par enchantement. L'ange se marre. Genre t'inquiète j'ai toujours raison, le con. Que t'aies la foi ou pas n'a aucune espèce d'importance. Comment on en est arrivé là ? Aucune idée j'ai juste dit comme au début et puis ensuite j'ai laissé filé pour arriver à la fin.|couper{180}
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technique mixte 70x70 cm
mai 2023 technique mixte 70x70 cm mai 2023|couper{180}
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La ramener
Il la ramenait sans arrêt. Pour un oui, un non. Sans qu’on ne lui demande quoi que ce soit. Pour passer le temps je l’imaginais aux toilettes pendant qu’il la ramenait. Son gros cul posé sur la lunette. Ou encore accroupi la tête rouge en train de pousser dans des turques. Il pouvait la ramener tant qu’il voulait. Je pouvais même le regarder dans le blanc des yeux sans ciller cependant . Il y avait même en chœur tout un raffut de sons foireux qui appuyait les images mentales. Quand il avait terminé, il disait — alors t’en pense quoi ? C’est un sale con n’est-ce pas, ou encore une belle salope tu trouve tu pas ? J’en pensais rien bien sûr, je le laissais avec sa question en suspens. Puis je me dépêchais de prétexter une course urgente avant que ça ne lui reprenne, qu’il la ramène encore sur un autre sujet. En gros toujours le même. Lui aux prises avec les dangers infinis du monde extérieur peuplé d’idiots, d’idiotes écervelées. Je me tirais au même moment où il commençait à entrouvrir la bouche de nouveau le laissant là planté comme un poisson en train d'étouffer C'était un miroir qui devait au moins faire sept mètre de long et qui faisait face au bar. Un jour qu'il la ramenait j'ai chopé un tabouret et je l'ai envoyé valdinguer dans le miroir. Il ne l'a plus ramené, c'était fini.|couper{180}