Talus et fossés.

Le chemin vers l’école. S’y retrouver de nouveau pour écarter la sensation familière. Toutes les images spontanées et qui n’abondent que pour dissimuler. Qui auraient pour raison d’être de dissimuler ce qui surgit par et dans la progression. Parce que l’on se sera laissé aller à la vraisemblance, à la ressemblance, au point ou au lieu commun. Ce qui serait décrit, narré, comme une récitation, s’effondre presque aussitôt que l’on creuse ces images, le familier. Et, ce qui reste alors, deux mots, talus et fossés. Rester sur le talus, ne pas tomber dans l’autre. De quoi le talus est-il constitué, qui rassure et intime l’instruction, l’ordre d’y rester. D’herbe la plupart du chemin. Disons avant le carrefour du Lichou, et peut-être un peu après, vers la scierie. La frontière avec le béton est assez floue. Ce qui se passe physiquement dans la progression de la marche d’une surface l’autre, comment on prend conscience du mou et du dur et qui sera toujours amorti cependant par la semelle d’une chaussure. Comment se raconter cela à soi-même déjà. Pourquoi cette nécessité, ce besoin, ce quelque chose d’impérieux de se le narrer, encore une fois, comme à voix haute cette fois ? L’attirance du fossé n’existe que par l’obligation endossée du talus. Les deux fonctionnent comme un rouage, une sorte d’engrenage. L’un ne peut pas aller sans l’autre. Même si à partir du pont qui enjambe le Cher, le fossé se réduit, finit par disparaître avec l’apparition des trottoirs. Il est tout de même conservé ailleurs dans l’imaginaire. Quelle serait la distance entre la maison familiale et le portail de l’école communale ? On l’évoque en kilomètres et en temps. Le temps de faire ce long chemin imposant de se réveiller avant le lever du jour. Peut-être pas immédiatement en septembre, il reste encore un peu de clarté sur ces débuts d’année scolaire, ces changements de classe. On peut encore y voir à peu près même si souvent le brouillard est là, qu’il est même tenace, au moins jusqu’au bourg. Cependant, on y voit un peu clair, mais peu loin. Enfin, le second pont. Au-dessus du canal du midi. On arrive au passage à niveau, à la hauteur de la gare. Puis, on atteint la grande rue du village. La vision s’élargit. Mais, pour être presque aussitôt contrainte par les façades, les murs des bâtiments. Magasins commerces, boutiques, banque, boulangerie, articles de sport et pêche, coiffeur pour hommes, tailleur, la coop, et évidemment les bistrots. Il y en a au moins trois ou quatre qui se suivent de près dans la grand-rue. Puis encore un, tu allais l’oublier, celui près de l’église. Quatre bistrots dans les années 60. Et, toi, enfant qui te rend à l’école, qui a pour instruction de rester sur talus et trottoirs. De ne surtout pas choir dans le fossé. Pour ne pas te salir. Se blesser n’a rien à voir avec l’origine d’une telle injonction. L’importance d’apparaître aux yeux des autres primant sur quantité de priorités délaissées. À moitié fils d’exilé d’un côté et de l’autre continuité de bougnat. Vendeur de charbon et de vin. Écartelé psychiquement déjà entre propre et sale. Projection facile, talus et fossés. Peut-être pas si simple que ça à saisir dans un esprit enfantin. Ou alors bien sûr que si. Tu saisis l’intention, mais tu ne saurais pas l’exprimer. De plus, elle ne surgit toujours que sous la forme d’un malaise. Ce chemin vers l’école, métaphore d’une vie. Et, ensuite, dans ce cas, le portail de l’école ouvrira-t-il sur le paradis ? Apercevras-tu devant l’école Saint-Pierre et son trousseau de clefs  ? Ou bien, devras-tu t’entretenir avec le diable, lui dire en toute sincérité tous les méfaits commis par amour et l’ignorance de la définition du mot. Devra-t-on alors aussi lui raconter toutes les fois où le fossé nous a tant attiré que l’on a quitté le talus pour s’y vautrer ? Puisse ensuite un grand rire salvateur en découler comme se rue l’eau dans les fossés après les pluies d’automne.

Post-scriptum

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Comme

Comme la mer qui cavale vers le mont Saint-Michel comme si elle allait lui faire sa fête, l'engloutir tout entier en deux coups les gros. L'air du temps me rattrape et je me mettrais bien à courir comme un dératé dans l'espoir de trouver une hauteur. En vain. C'est comme Waterloo morne plaine dans le coin. Encore pire depuis qu'il fait beau. Le soleil ne rend pas le monde plus beau il nous aveugle c'est tout. Pire je courre mais je fais du sur-place. La poisse comme le sable, la poisse comme les sables mouvants. Et la mer monte bon sang comme elle monte vite et je m'enfonce lentement. Comme un ange passe en tutu qui joue de la trompette mais mal. La fausse note m'excite me fait dresser les poils. Ta gueule l'ange je dis et ça m'extrait d'un coup des sables. Me v'la qui lévite. Comme par enchantement. L'ange se marre. Genre t'inquiète j'ai toujours raison, le con. Que t'aies la foi ou pas n'a aucune espèce d'importance. Comment on en est arrivé là ? Aucune idée j'ai juste dit comme au début et puis ensuite j'ai laissé filé pour arriver à la fin.|couper{180}

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mai 2023 technique mixte 70x70 cm mai 2023|couper{180}

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La ramener

Il la ramenait sans arrêt. Pour un oui, un non. Sans qu’on ne lui demande quoi que ce soit. Pour passer le temps je l’imaginais aux toilettes pendant qu’il la ramenait. Son gros cul posé sur la lunette. Ou encore accroupi la tête rouge en train de pousser dans des turques. Il pouvait la ramener tant qu’il voulait. Je pouvais même le regarder dans le blanc des yeux sans ciller cependant . Il y avait même en chœur tout un raffut de sons foireux qui appuyait les images mentales. Quand il avait terminé, il disait — alors t’en pense quoi ? C’est un sale con n’est-ce pas, ou encore une belle salope tu trouve tu pas ? J’en pensais rien bien sûr, je le laissais avec sa question en suspens. Puis je me dépêchais de prétexter une course urgente avant que ça ne lui reprenne, qu’il la ramène encore sur un autre sujet. En gros toujours le même. Lui aux prises avec les dangers infinis du monde extérieur peuplé d’idiots, d’idiotes écervelées. Je me tirais au même moment où il commençait à entrouvrir la bouche de nouveau le laissant là planté comme un poisson en train d'étouffer C'était un miroir qui devait au moins faire sept mètre de long et qui faisait face au bar. Un jour qu'il la ramenait j'ai chopé un tabouret et je l'ai envoyé valdinguer dans le miroir. Il ne l'a plus ramené, c'était fini.|couper{180}

La ramener