Tourner autour du bref

Stephane Mallarmé par Pierre-Auguste Renoir

Moins de mots, moins d’idées, moins de digressions, la forme brève est exigence, tout comme le dessin. C’est la raison d’exister du dessin probablement que de savoir trouver des raccourcis, d’éluder, pour mieux rendre visible le visible. Pour qu’un dessin reste imprimé dans la mémoire du dessinateur et de celle ou celui qui regarde. Cela nécessite du talent ou du travail. Mais surtout une maturité afin de savoir trier le bon grain de l’ivraie. Cette maturité m’a toujours agacé d’autant que je me suis toujours refusé de vouloir y atteindre. En raison du solipsisme à laquelle elle conduit. Afin de ne pas perdre de vue le petit, le modeste, l’insignifiant. Rester en lien avec une impuissance environnementale. Pour ne pas être entièrement seul, irrémédiablement seul. Cela provient de l’orgueil et d’une part christique jamais avouée. Les deux entremêlés créant un noeud et une attente qui ne saurait avoir comme but qu’un dénouement. Jusqu’à ce que je comprenne qu’il ne peut y avoir que la mort comme dénouement. J’allais écrire magistral pour qualifier une telle fin et j’en ris. Parvenir à la maîtrise par la mort, pour qu’il n’y ait plus de doute possible. Risible, peut-être pas tant que ça. C’est sans doute le même fantasme que je partage avec plusieurs. Notamment Mallarmé qui pensait lui aussi que tout se résoudrait en étant complètement mort de son vivant. Tourner autour du bref, s’approcher de son centre fantasmé, c’est tourner autour de l’idée d’une disparition, d’une absence, de la mort. Alors évidemment en écrire des tartines, prendre le contrepied ce serait imaginer aller du côté de la vie. C’est d’une naïveté… Et pourtant toute cette profusion que propose la société de consommation, le capitalisme, se fondent sur cette même naïveté. Que vivre c’est profiter. Facile de créer la confusion en soi, dans le monde entier, puis de se retourner soudain et de ne voir qu’une immense décharge à ciel ouvert. Tourner autour de la forme brève ce serait aussi revenir vers la frugalité, l’ascèse, et non pour atteindre à une quelconque idée d’un Dieu, toute idée sur le sujet sera toujours quelconque, mais pour vivre. Vivre au plus près de ce qu’est la vie. C’est comme devenir immobile pour comprendre le mouvement.

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Comme

Comme la mer qui cavale vers le mont Saint-Michel comme si elle allait lui faire sa fête, l'engloutir tout entier en deux coups les gros. L'air du temps me rattrape et je me mettrais bien à courir comme un dératé dans l'espoir de trouver une hauteur. En vain. C'est comme Waterloo morne plaine dans le coin. Encore pire depuis qu'il fait beau. Le soleil ne rend pas le monde plus beau il nous aveugle c'est tout. Pire je courre mais je fais du sur-place. La poisse comme le sable, la poisse comme les sables mouvants. Et la mer monte bon sang comme elle monte vite et je m'enfonce lentement. Comme un ange passe en tutu qui joue de la trompette mais mal. La fausse note m'excite me fait dresser les poils. Ta gueule l'ange je dis et ça m'extrait d'un coup des sables. Me v'la qui lévite. Comme par enchantement. L'ange se marre. Genre t'inquiète j'ai toujours raison, le con. Que t'aies la foi ou pas n'a aucune espèce d'importance. Comment on en est arrivé là ? Aucune idée j'ai juste dit comme au début et puis ensuite j'ai laissé filé pour arriver à la fin.|couper{180}

Comme

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technique mixte 70x70 cm

mai 2023 technique mixte 70x70 cm mai 2023|couper{180}

technique mixte 70x70 cm

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La ramener

Il la ramenait sans arrêt. Pour un oui, un non. Sans qu’on ne lui demande quoi que ce soit. Pour passer le temps je l’imaginais aux toilettes pendant qu’il la ramenait. Son gros cul posé sur la lunette. Ou encore accroupi la tête rouge en train de pousser dans des turques. Il pouvait la ramener tant qu’il voulait. Je pouvais même le regarder dans le blanc des yeux sans ciller cependant . Il y avait même en chœur tout un raffut de sons foireux qui appuyait les images mentales. Quand il avait terminé, il disait — alors t’en pense quoi ? C’est un sale con n’est-ce pas, ou encore une belle salope tu trouve tu pas ? J’en pensais rien bien sûr, je le laissais avec sa question en suspens. Puis je me dépêchais de prétexter une course urgente avant que ça ne lui reprenne, qu’il la ramène encore sur un autre sujet. En gros toujours le même. Lui aux prises avec les dangers infinis du monde extérieur peuplé d’idiots, d’idiotes écervelées. Je me tirais au même moment où il commençait à entrouvrir la bouche de nouveau le laissant là planté comme un poisson en train d'étouffer C'était un miroir qui devait au moins faire sept mètre de long et qui faisait face au bar. Un jour qu'il la ramenait j'ai chopé un tabouret et je l'ai envoyé valdinguer dans le miroir. Il ne l'a plus ramené, c'était fini.|couper{180}

La ramener