Trouver sa voix

Ne pas la chercher, elle vient ainsi, à force de se dire sous tous les temps tous les tons tous les timbres. La ponctuation peut aider bien sûr, la conjugaison aussi, et bien sûr toute la kyrielle des pronoms. Mais ne pas confondre l’habit et la chair. Ne pas confondre la chair avec l’os. Ce qui fait qu’on trouve sa vraie voix tient autant du travail que du mystère. Que ce soit en peinture, en écriture, dans tout ce qui participe du crée. Cela se créer. La vraie voix, c’est peut être quand on ôte tous les filtres, tous les effets stylistiques, quand on se fout de toutes ces choses, et qu’on écrit comme ça. On peut imaginer cela facile, bien sûr, pourquoi pas. Tout ce qui est simple paraît tellement facile. A première vue. Et ce l’est. Bien sûr que ce l’est. Mais pour atteindre à cette simplicité que de complexité à abattre. Des montagnes entières, ou des forêts si on écrit encore à la main sur papier. Pour la peinture c’est la même chose. C’est pourquoi je propose des exercices sur papier, d’éviter les toiles. Et puis des papiers de moindre qualité c’est encore plus intéressant. Il ne faut pas que le support sous prétexte de préciosité, de coût, son aura « professionnelle » bloque le geste en quoi que ce soit. Une fois que la voix est trouvée on se fiche du support. Et qui a dit que peindre nécessite des toiles, qu’écrire nécessite du papier. Le support ne doit jamais servir à autre chose qu’à supporter. Il doit parvenir dans la tête à un certain degré d’indifférence, de silence. Après ce n’est qu’une affaire de marketing, du miel pour collectionneur éventuellement. Ce qui compte c’est ce qu’on inscrit sur le support, pas le support lui-même. La voix dans sa simplicité, paraît aussi insignifiante la première fois qu’on l’entend tant on est pollué par des voix se mélangeant dans l’oreille. Il faut vider l’oreille, vider l’œil, pour écouter voir vraiment.
Ce qui me gêne souvent c’est l’artificiel crée par l’habileté que ce soit en peinture comme dans l’écrit. Cela ne signifie pas que tout viendrait de la maladresse, non. Il s’agit d’un équilibre précaire entre habileté et maladresse. Un équilibre non voulu, non contrôlé, un équilibre inédit. C’est dans la précarité, la fragilité, et l’étonnement que se faufile le mieux ce que je nomme la vraie voix. Rien à voir avec la vérité générale, il s’agit d’une vérité de l’être. Les êtres peuvent d’ailleurs être différents, opposés, cela n’a pas d’importance. Le facteur commun est ce que charrie leur voix. Peut-être s’agit-il aussi d’une vraie écoute, d’une oreille véritable. Peut-être s’agit-il une alchimie due aux deux, conjointement. Ce qui est d’autant plus extraordinaire.
Post-scriptum
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Comme
Comme la mer qui cavale vers le mont Saint-Michel comme si elle allait lui faire sa fête, l'engloutir tout entier en deux coups les gros. L'air du temps me rattrape et je me mettrais bien à courir comme un dératé dans l'espoir de trouver une hauteur. En vain. C'est comme Waterloo morne plaine dans le coin. Encore pire depuis qu'il fait beau. Le soleil ne rend pas le monde plus beau il nous aveugle c'est tout. Pire je courre mais je fais du sur-place. La poisse comme le sable, la poisse comme les sables mouvants. Et la mer monte bon sang comme elle monte vite et je m'enfonce lentement. Comme un ange passe en tutu qui joue de la trompette mais mal. La fausse note m'excite me fait dresser les poils. Ta gueule l'ange je dis et ça m'extrait d'un coup des sables. Me v'la qui lévite. Comme par enchantement. L'ange se marre. Genre t'inquiète j'ai toujours raison, le con. Que t'aies la foi ou pas n'a aucune espèce d'importance. Comment on en est arrivé là ? Aucune idée j'ai juste dit comme au début et puis ensuite j'ai laissé filé pour arriver à la fin.|couper{180}
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technique mixte 70x70 cm
mai 2023 technique mixte 70x70 cm mai 2023|couper{180}
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La ramener
Il la ramenait sans arrêt. Pour un oui, un non. Sans qu’on ne lui demande quoi que ce soit. Pour passer le temps je l’imaginais aux toilettes pendant qu’il la ramenait. Son gros cul posé sur la lunette. Ou encore accroupi la tête rouge en train de pousser dans des turques. Il pouvait la ramener tant qu’il voulait. Je pouvais même le regarder dans le blanc des yeux sans ciller cependant . Il y avait même en chœur tout un raffut de sons foireux qui appuyait les images mentales. Quand il avait terminé, il disait — alors t’en pense quoi ? C’est un sale con n’est-ce pas, ou encore une belle salope tu trouve tu pas ? J’en pensais rien bien sûr, je le laissais avec sa question en suspens. Puis je me dépêchais de prétexter une course urgente avant que ça ne lui reprenne, qu’il la ramène encore sur un autre sujet. En gros toujours le même. Lui aux prises avec les dangers infinis du monde extérieur peuplé d’idiots, d’idiotes écervelées. Je me tirais au même moment où il commençait à entrouvrir la bouche de nouveau le laissant là planté comme un poisson en train d'étouffer C'était un miroir qui devait au moins faire sept mètre de long et qui faisait face au bar. Un jour qu'il la ramenait j'ai chopé un tabouret et je l'ai envoyé valdinguer dans le miroir. Il ne l'a plus ramené, c'était fini.|couper{180}