A quoi servent les guerres

En tant que sexagénaire je n’ai pas connu la guerre. Et je ne sais pas si ce n’est pas, au final, de la malchance. Je pense à cela notamment dans le cadre du fameux "savoir-vivre" et notamment en ce qui concerne l’art de la conversation. Car n’ayant jamais été confronté de visu autrement qu’à la télévision, au cinéma, par la rumeur, à l’horreur absolue et véritable, je ne cesse de la guetter un peu partout jusque dans les moindres fissures des relations humaines. Comment avoir la moindre conversation agréable avec les gens dans un tel cas de figure ?
La question de la surface et de la profondeur que je ne cesse de reposer de toile en toile en peinture est à mon avis totalement liée à cette interrogation.
Faut-il peindre des choses agréables à l’œil du premier péquin venu ou bien déverser ses angoisses les plus atroces pour essayer de s’en libérer ou tout du moins avoir un minimum de recul vis à vis d’elles. ?
C’est dans cette question que de nombreux chemins bifurquent aussi bien en art que dans la moindre conversation.
Le fait de craindre l’horreur, car on sait bien qu’il ne peut y avoir de fumée sans feu, n’épargne pas du danger de la voir surgir à n’importe quel instant.
Et comment savoir le comportement adéquat à tenir face à celle-ci si elle n’est que du domaine de l’imagination. Comment ne pas faire chier tout le monde avec cette angoisse omniprésente dans le moindre échange ?
Par la peinture il me semble parfois parvenir à résoudre l’équation en partant du chaos pour parvenir à une certain type d’ordre, ou d’harmonie, il en résulte souvent au final quelque chose de calme et d’agréable à l’œil, proche d’une élégance mathématique. Et ce sans trahir le moins du monde tout ce qui subsiste encore dans la profondeur des couches accumulées.
Avoir une conversation posée et calme comme un tableau achevé nécessite d’avoir refait toutes les guerres intérieurement, d’avoir toisé l’horreur comme l’effroi sans ciller. Mais aussi s’être carapaté mille fois, avoir déserté jusqu’au point d’en être rompu, crevé, pour ne plus avoir à résister à l’inéluctable.
Alors, à ce moment seulement, on pourrait tenir une conversation avec n’importe qui sur n’importe quoi exactement dans le lieu de la tranquillité, dans l’œil du cyclone.
— Bonjour, quel plaisir de vous rencontrer, cela faisait si longtemps, comment va la famille, les enfants, quelle belle journée ne trouvez-vous pas ?
Sans trop s’appesantir, trouver la durée sans forcer, quelques mots et hop filer.
Post-scriptum
hautPour continuer
import
Comme
Comme la mer qui cavale vers le mont Saint-Michel comme si elle allait lui faire sa fête, l'engloutir tout entier en deux coups les gros. L'air du temps me rattrape et je me mettrais bien à courir comme un dératé dans l'espoir de trouver une hauteur. En vain. C'est comme Waterloo morne plaine dans le coin. Encore pire depuis qu'il fait beau. Le soleil ne rend pas le monde plus beau il nous aveugle c'est tout. Pire je courre mais je fais du sur-place. La poisse comme le sable, la poisse comme les sables mouvants. Et la mer monte bon sang comme elle monte vite et je m'enfonce lentement. Comme un ange passe en tutu qui joue de la trompette mais mal. La fausse note m'excite me fait dresser les poils. Ta gueule l'ange je dis et ça m'extrait d'un coup des sables. Me v'la qui lévite. Comme par enchantement. L'ange se marre. Genre t'inquiète j'ai toujours raison, le con. Que t'aies la foi ou pas n'a aucune espèce d'importance. Comment on en est arrivé là ? Aucune idée j'ai juste dit comme au début et puis ensuite j'ai laissé filé pour arriver à la fin.|couper{180}
import
technique mixte 70x70 cm
mai 2023 technique mixte 70x70 cm mai 2023|couper{180}
import
La ramener
Il la ramenait sans arrêt. Pour un oui, un non. Sans qu’on ne lui demande quoi que ce soit. Pour passer le temps je l’imaginais aux toilettes pendant qu’il la ramenait. Son gros cul posé sur la lunette. Ou encore accroupi la tête rouge en train de pousser dans des turques. Il pouvait la ramener tant qu’il voulait. Je pouvais même le regarder dans le blanc des yeux sans ciller cependant . Il y avait même en chœur tout un raffut de sons foireux qui appuyait les images mentales. Quand il avait terminé, il disait — alors t’en pense quoi ? C’est un sale con n’est-ce pas, ou encore une belle salope tu trouve tu pas ? J’en pensais rien bien sûr, je le laissais avec sa question en suspens. Puis je me dépêchais de prétexter une course urgente avant que ça ne lui reprenne, qu’il la ramène encore sur un autre sujet. En gros toujours le même. Lui aux prises avec les dangers infinis du monde extérieur peuplé d’idiots, d’idiotes écervelées. Je me tirais au même moment où il commençait à entrouvrir la bouche de nouveau le laissant là planté comme un poisson en train d'étouffer C'était un miroir qui devait au moins faire sept mètre de long et qui faisait face au bar. Un jour qu'il la ramenait j'ai chopé un tabouret et je l'ai envoyé valdinguer dans le miroir. Il ne l'a plus ramené, c'était fini.|couper{180}