Bâcler le boulot

Est-ce que je peux ralentir le temps, le langage ce flux de mots si j’ai la sensation d’en être le prisonnier plus ou moins conscient et consentant et qui accepte son statut de prisonnier, car c’est un statut, le seul possible. J’éprouve toujours cette sensation désagréable de bâcler tout ce que je fais. Comme si bâcler était une tentative pour dépasser la fulgurance. Pour essayer en vain toujours d’en tenir les rennes, la diriger un pauvre instant. En vain et peut-être qu’il faut que ce soit vain justement. Pour pouvoir me dire sans relâche recommence. La vanité est ce moteur du recommencement. Sans elle je plongerais dans l’achèvement. C’est pourquoi j’ai toujours ce vecteur paradoxal, bâcler pour achever plus vite que l’achèvement véritable. tenter de battre tout achèvement de vitesse. Autrefois c’était la même sensation avec l’alcool, avec le sexe, c’est encore le cas avec le tabac. Une urgence pour vaincre une urgence. Une course effrénée comme un souvenir de la toute première cavalcade dans l’utérus pour atteindre absolument l’ovaire, pour crever en tant que simple spermatozoide effaré d’être déjà si seul dans la course à la vie à la mort. Et cet autre souvenir lié au moment enfin où l’ovaire m’ accueille salut champion tu as gagné le droit de disparaître pour que la chimie organique utilise tes cellules tes molécules pour fabriquer autre chose, ce fœtus. La suite ne serait alors qu’une répétition, on aurait simplement plus de temps en apparence pour se rendre compte. Il serait même demandé de suivre des protocoles, des règles, de mesurer son pas pour parvenir au trou, à un autre ovaire encore, devenir encore un matériau utilisé par l’univers pour créer de nouveaux monstres et ainsi de suite ad vitam aeternam , amen. Bâcler ce serait tenter de dire un peu quelque chose, s’opposer, ou dire bon aller ça suffit qu’on en finisse c’est vraiment trop chiant ce film dont on connaît déjà la fin. Bâcler ce serait comme une caricature de ce que tout le monde s’oblige justement à ne pas faire pour ne pas crever.
Post-scriptum
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Comme
Comme la mer qui cavale vers le mont Saint-Michel comme si elle allait lui faire sa fête, l'engloutir tout entier en deux coups les gros. L'air du temps me rattrape et je me mettrais bien à courir comme un dératé dans l'espoir de trouver une hauteur. En vain. C'est comme Waterloo morne plaine dans le coin. Encore pire depuis qu'il fait beau. Le soleil ne rend pas le monde plus beau il nous aveugle c'est tout. Pire je courre mais je fais du sur-place. La poisse comme le sable, la poisse comme les sables mouvants. Et la mer monte bon sang comme elle monte vite et je m'enfonce lentement. Comme un ange passe en tutu qui joue de la trompette mais mal. La fausse note m'excite me fait dresser les poils. Ta gueule l'ange je dis et ça m'extrait d'un coup des sables. Me v'la qui lévite. Comme par enchantement. L'ange se marre. Genre t'inquiète j'ai toujours raison, le con. Que t'aies la foi ou pas n'a aucune espèce d'importance. Comment on en est arrivé là ? Aucune idée j'ai juste dit comme au début et puis ensuite j'ai laissé filé pour arriver à la fin.|couper{180}
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technique mixte 70x70 cm
mai 2023 technique mixte 70x70 cm mai 2023|couper{180}
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La ramener
Il la ramenait sans arrêt. Pour un oui, un non. Sans qu’on ne lui demande quoi que ce soit. Pour passer le temps je l’imaginais aux toilettes pendant qu’il la ramenait. Son gros cul posé sur la lunette. Ou encore accroupi la tête rouge en train de pousser dans des turques. Il pouvait la ramener tant qu’il voulait. Je pouvais même le regarder dans le blanc des yeux sans ciller cependant . Il y avait même en chœur tout un raffut de sons foireux qui appuyait les images mentales. Quand il avait terminé, il disait — alors t’en pense quoi ? C’est un sale con n’est-ce pas, ou encore une belle salope tu trouve tu pas ? J’en pensais rien bien sûr, je le laissais avec sa question en suspens. Puis je me dépêchais de prétexter une course urgente avant que ça ne lui reprenne, qu’il la ramène encore sur un autre sujet. En gros toujours le même. Lui aux prises avec les dangers infinis du monde extérieur peuplé d’idiots, d’idiotes écervelées. Je me tirais au même moment où il commençait à entrouvrir la bouche de nouveau le laissant là planté comme un poisson en train d'étouffer C'était un miroir qui devait au moins faire sept mètre de long et qui faisait face au bar. Un jour qu'il la ramenait j'ai chopé un tabouret et je l'ai envoyé valdinguer dans le miroir. Il ne l'a plus ramené, c'était fini.|couper{180}