Ce que vous devriez savoir pour être moins con.

— Bienvenue à tous dans cette nouvelle formation, namasté, hello, salut, good morning, bon dia et caetera. Le temps que Catherine achève de préparer le café, le thé, je vais juste vérifier avec vous que vous avez bien tous réglé. Par exemple Simone, je vois que tu n’as pas envoyé de chèque avec ton formulaire d’inscription, et que toi Louis tu as oublié de signer le tien.
Il se lève, c’est un grand type d’une cinquantaine d’années aux tempes argentées doté d’une barbe de trois jours.
— Pas de soucis pour ceux qui ont choisi de payer en plusieurs fois sur internet, le premier versement ne sera effectif que la première semaine du mois prochain comme convenu. Avec cette période bizarre je sais que beaucoup d’entre vous traversent de grandes difficultés notamment sur le plan financier. C’est pourquoi l’association a décidé cette année de faire un effort conséquent, vous l’avez certainement remarqué.
-Voilà, Simone merci pour ta gentillesse, tu peux venir t’asseoir avec nous... Le petit déjeuner est prêt et ces petits tracas administratifs étant réglés, passons tout de suite au plan de cette nouvelle formation.
Il s’approche d’un paperboard et il tourne la première page pour laisser apparaitre le fameux plan.
Tout d’abord parlons des horaires, nous commençons à 9h et prendrons une pause de 12h à 13h puis nous enchainerons l’après-midi jusqu’à 17h. Je n’ai pas besoin de vous rappeler que la ponctualité est nécessaire évidemment, nous ne sommes plus à l’école, nous sommes tous responsables de nos actes n’est-ce pas.
—Qu’est-ce que la timidité ? vous le savez tous bien sur puisque vous êtes là. Il sourit en découvrant une dentition impeccable. Petite vague d’ébaubissement doublée de connivence dans la salle. Certaines semblent se détendre tandis que d’autres n’hésitent pas à se tripoter le menton, à se fourrer un doigt dans une oreille ou une narine.
— qu’est ce que la timidité martèle le gonze en attendant visiblement que quelqu’un lève le doigt pour lui répondre.
— C’est mon problème principal dans la vie dit une jeune femme au fond de la salle.
— non, attend... Brigitte c’est ça ?, ce n’est pas la bonne façon d’intervenir. Je te le dis à toi mais c’est valable pour tous. Si vous voulez intervenir, vous effectuez un petit signe de la main et vous vous levez ensuite quand c’est à vous de parler, vous ne restez pas assis sur votre chaise.
La jeune femme est cramoisie et se confond en excuses. Oui bien sur Philippe excusez, excuse moi... elle se rassoit et lève la main.
Sur quoi le Philippe en question enchaine sans plus la regarder. La timidité est donc un problème c’est ainsi que vous désirez la vivre n’est-ce pas ? comme un problème et il a une sorte de petit sourire entendu. Mais le saviez-vous ... votre timidité n’est rien d’autre que votre orgueil, cet orgueil que vous n’osez pas assumer vis à vis des autres....
Je crois que c’est à partir de ce moment là que j’ai commencé à décrocher. Dès le premier jour, dès la première heure. Encore une fois de plus je me suis retrouvé comme un con avec de nombreux regrets sur ma façon d’effectuer des choix.
C’est vrai que la timidité était une sacré gène dans ma vie de tous les jours, mais de là à m’avilir à un tel point, à payer tous ces charlatans pour imaginer trouver une solution, un remède... le ridicule venait tout juste de me sauter aux yeux.
Dans le fond j’aurais du choisir l’autre stage, celui intitulé " ce que vous devriez savoir pour être moins con". Du coup je m’apercevais clairement du cynisme dans lequel toutes ces formations avaient été conçues. Et évidemment en bon timide que j’étais, la colère commença à me monter au nez.
Je levais donc le doigt et lorsque le regard de Philippe se posa enfin sur moi, je me levais comme un diable surgit d’une boite, j’étais écumant de rage et je balbutiais
—La timidité c’est ne pas oser dire à un connard qui vient de nous baiser qu’il est un connard doublé d’un enfoiré. Mais merci Philippe, parce que grâce à toi, grâce aussi à ces 800 euros que j’ai désormais autour du cou jusqu’à Noël prochain, je crois que je touche du doigt la réalité comme jamais.
Sur quoi je pris mon blouson, l’enfilais puis me dirigeais jusqu’à la table où était posés les tasses et le pot de café, je m’en servi un que j’avalais tranquillement en tournant le dos à l’assemblée.
Enfin j’effectuais une volte-face pour toiser à nouveau tout ce beau monde. On aurait dit une photographie en noir et blanc extraite directement d’un film de Charlie Chaplin. Ils étaient tous en arrêt les yeux exorbités, même le Philippe en question était figé, le bras levé dans l’axe de son paperboard. Il était blanc comme un linge et je remarquais que ses lèvres avaient pris la couleur du vieux rose.
Puis sans plus attendre je me dirigeais vers la sortie. Dehors les nuages avaient disparu laissant la place à un immense et profond ciel bleu. Peut-être que finalement j’étais parvenu à faire avec une seule pierre deux coups. C’est sans doute ce jour là que j’ai perdu ma timidité et que je suis devenu un tout petit peu moins con.
Post-scriptum
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Comme
Comme la mer qui cavale vers le mont Saint-Michel comme si elle allait lui faire sa fête, l'engloutir tout entier en deux coups les gros. L'air du temps me rattrape et je me mettrais bien à courir comme un dératé dans l'espoir de trouver une hauteur. En vain. C'est comme Waterloo morne plaine dans le coin. Encore pire depuis qu'il fait beau. Le soleil ne rend pas le monde plus beau il nous aveugle c'est tout. Pire je courre mais je fais du sur-place. La poisse comme le sable, la poisse comme les sables mouvants. Et la mer monte bon sang comme elle monte vite et je m'enfonce lentement. Comme un ange passe en tutu qui joue de la trompette mais mal. La fausse note m'excite me fait dresser les poils. Ta gueule l'ange je dis et ça m'extrait d'un coup des sables. Me v'la qui lévite. Comme par enchantement. L'ange se marre. Genre t'inquiète j'ai toujours raison, le con. Que t'aies la foi ou pas n'a aucune espèce d'importance. Comment on en est arrivé là ? Aucune idée j'ai juste dit comme au début et puis ensuite j'ai laissé filé pour arriver à la fin.|couper{180}
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technique mixte 70x70 cm
mai 2023 technique mixte 70x70 cm mai 2023|couper{180}
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La ramener
Il la ramenait sans arrêt. Pour un oui, un non. Sans qu’on ne lui demande quoi que ce soit. Pour passer le temps je l’imaginais aux toilettes pendant qu’il la ramenait. Son gros cul posé sur la lunette. Ou encore accroupi la tête rouge en train de pousser dans des turques. Il pouvait la ramener tant qu’il voulait. Je pouvais même le regarder dans le blanc des yeux sans ciller cependant . Il y avait même en chœur tout un raffut de sons foireux qui appuyait les images mentales. Quand il avait terminé, il disait — alors t’en pense quoi ? C’est un sale con n’est-ce pas, ou encore une belle salope tu trouve tu pas ? J’en pensais rien bien sûr, je le laissais avec sa question en suspens. Puis je me dépêchais de prétexter une course urgente avant que ça ne lui reprenne, qu’il la ramène encore sur un autre sujet. En gros toujours le même. Lui aux prises avec les dangers infinis du monde extérieur peuplé d’idiots, d’idiotes écervelées. Je me tirais au même moment où il commençait à entrouvrir la bouche de nouveau le laissant là planté comme un poisson en train d'étouffer C'était un miroir qui devait au moins faire sept mètre de long et qui faisait face au bar. Un jour qu'il la ramenait j'ai chopé un tabouret et je l'ai envoyé valdinguer dans le miroir. Il ne l'a plus ramené, c'était fini.|couper{180}