Des livres lus au mauvais moment

Tu repenses à ce petit livre qui t’ébranla à l’adolescence, premier amour De Beckett qui se confond bizarrement encore avec celui du même titre de Tourgeniev. Pourtant tu n’as pas lu les deux livres dans la même période. En tous cas il te reste une sensation désagréable. Si désagréable qu’elle t’en rappelle une autre tout aussi désagréable à propos de la mort, une pensée fugace mais en même temps violente et douce paradoxalement, sur le néant. L’amour, la mort, le néant. Un néant affreux à première vue mais qui si on le fixe un tant soit peu se métamorphose en une étonnante consolation. Y a t’il des livres que l’on ne doit pas lire avant d’avoir atteint un âge certain, c’est à dire cet âge où les lire nous fera plus de bien que de mal... cette indécision qui surgit en même temps que cette pensée recèle sûrement un trésor. Le même que les autruches doivent chercher en enfouissant leurs têtes dans le sable. Ainsi cette sensation désagréable que l’on conserve d’un fait, ou de la lecture d’un livre il se peut qu’on ne la remette plus jamais par la suite en question. On continue sa trajectoire avec cette sensation - et elle pollue d’autres faits et ainsi de suite - et ensuite on plonge forcément dans l’erreur de dire oui oui je sais j’ai lu premier amour de Beckett, et de donner son opinion sur Tourgeniev ou autre chose encore à l’appui d’un simple mécanisme produit par la paresse et l’inquiétude. Parfois tu te demandes si tu n’as pas compris ce livre justement parfaitement au bon moment, seulement pour prolonger quelque chose, une sorte d’avarice, la jeunesse tu n’as pas fait exactement comme ces autruches.
Post-scriptum
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Comme
Comme la mer qui cavale vers le mont Saint-Michel comme si elle allait lui faire sa fête, l'engloutir tout entier en deux coups les gros. L'air du temps me rattrape et je me mettrais bien à courir comme un dératé dans l'espoir de trouver une hauteur. En vain. C'est comme Waterloo morne plaine dans le coin. Encore pire depuis qu'il fait beau. Le soleil ne rend pas le monde plus beau il nous aveugle c'est tout. Pire je courre mais je fais du sur-place. La poisse comme le sable, la poisse comme les sables mouvants. Et la mer monte bon sang comme elle monte vite et je m'enfonce lentement. Comme un ange passe en tutu qui joue de la trompette mais mal. La fausse note m'excite me fait dresser les poils. Ta gueule l'ange je dis et ça m'extrait d'un coup des sables. Me v'la qui lévite. Comme par enchantement. L'ange se marre. Genre t'inquiète j'ai toujours raison, le con. Que t'aies la foi ou pas n'a aucune espèce d'importance. Comment on en est arrivé là ? Aucune idée j'ai juste dit comme au début et puis ensuite j'ai laissé filé pour arriver à la fin.|couper{180}
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technique mixte 70x70 cm
mai 2023 technique mixte 70x70 cm mai 2023|couper{180}
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La ramener
Il la ramenait sans arrêt. Pour un oui, un non. Sans qu’on ne lui demande quoi que ce soit. Pour passer le temps je l’imaginais aux toilettes pendant qu’il la ramenait. Son gros cul posé sur la lunette. Ou encore accroupi la tête rouge en train de pousser dans des turques. Il pouvait la ramener tant qu’il voulait. Je pouvais même le regarder dans le blanc des yeux sans ciller cependant . Il y avait même en chœur tout un raffut de sons foireux qui appuyait les images mentales. Quand il avait terminé, il disait — alors t’en pense quoi ? C’est un sale con n’est-ce pas, ou encore une belle salope tu trouve tu pas ? J’en pensais rien bien sûr, je le laissais avec sa question en suspens. Puis je me dépêchais de prétexter une course urgente avant que ça ne lui reprenne, qu’il la ramène encore sur un autre sujet. En gros toujours le même. Lui aux prises avec les dangers infinis du monde extérieur peuplé d’idiots, d’idiotes écervelées. Je me tirais au même moment où il commençait à entrouvrir la bouche de nouveau le laissant là planté comme un poisson en train d'étouffer C'était un miroir qui devait au moins faire sept mètre de long et qui faisait face au bar. Un jour qu'il la ramenait j'ai chopé un tabouret et je l'ai envoyé valdinguer dans le miroir. Il ne l'a plus ramené, c'était fini.|couper{180}