Trois verbes, trois intentions. Dans un ordre chronologique, à voir. Mais d’emblée cela parait juste de penser qu’écrire vienne en premier. Que raconter prenne ensuite appui sur ce premier chantier. Qu’un choix, une sélection, s’opère par la suite, rétrospectivement à partir de la matière première de l’écriture. Qu’un livre finalement n’est qu’un surgeon. Surtout si l’on considère toute la galaxie de textes dont il aura été extrait. Ce qui m’apparait libérateur finalement c’est que l’on peut écrire ce que l’on veut quand on le veut. Sans avoir besoin de se creuser la tête, sans établir de plan, sans idée de but. Ecrire pour rien, écrire avec rien, écrire en partant de rien. Et, ce qui est paradoxal, c’est que ce rien est inépuisable. La sélection s’opère à partir de quels critères ensuite. Avoir une idée et tenter de rassembler tout ce qui tourne autour de cette idée ? trop scolaire. Trop didactique. Personnellement j’irais vers la sensation. Une sensation d’étrangeté en priorité. Peut-on parvenir à classer l’étrange en catégories ? Le fantastique, l’horreur, l’épouvante, tout ça existe déjà bien sur. Est-ce que j’éprouve l’envie de réinventer la roue, non. Mais tout de même. Peut-être que la forme est à étudier surtout. Périlleux car tout ce qui aujourd’hui ne correspond pas à une norme est écarté. Ou ce qui est pareil finalement réservé à des petits groupes d’initiés, des chapelles. Pas envie de devenir curé ni grenouille. Peut-être qu’utiliser une forme traditionnelle ( roman, nouvelle, fiction en général, insister sur l’enseigne, la lanterne rouge) pour, à l’intérieur de celle-ci, poser des bombes. faire exploser une manière de raconter. Sans boucherie, sans barbarie, sans cruauté. Pas possible pour moi d’aller aussi loin qu’Artaud par exemple. Italo Calvino m’avait séduit autrefois, Borges également, mais cela me semble aujourd’hui si loin. Récemment j’ai relu quelques pages de si par une nuit d’hiver. Me suis endormi. Pareil pour Cortázar. Plus la même boulimie de lecture qu’autrefois. Et surtout je n’arrive plus à adhérer à la façon dont même ces chers amis d’autrefois me racontent des histoires. Je m’y ennuie, en gros je regarde seulement la machinerie, je ne peux plus être aussi bon public. C’est un vrai problème de découvrir que l’enthousiasme, la ferveur, peuvent ainsi disparaitre avec les années. Cela oblige aussi à reconsidérer leurs définitions. Car au fond pourquoi si enthousiaste, pourquoi sinon un filon d’or que je m’étais mis à piocher dans mon petit coin. Des textes comme Calvino, comme Borges, mais pas que, Miller, Carver, Jane Austin, Cendrars, Céline, pêlemêle. Des centaines dans des cartons au grenier. C’était mon apprentissage. Je n’y suis pas allé de mainmorte. Résultat des courses toujours à recherche d’une forme qui m’appartienne vraiment. Stopper la récitation.
Ecrire, raconter, réciter.
Post-scriptum
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Comme
Comme la mer qui cavale vers le mont Saint-Michel comme si elle allait lui faire sa fête, l'engloutir tout entier en deux coups les gros. L'air du temps me rattrape et je me mettrais bien à courir comme un dératé dans l'espoir de trouver une hauteur. En vain. C'est comme Waterloo morne plaine dans le coin. Encore pire depuis qu'il fait beau. Le soleil ne rend pas le monde plus beau il nous aveugle c'est tout. Pire je courre mais je fais du sur-place. La poisse comme le sable, la poisse comme les sables mouvants. Et la mer monte bon sang comme elle monte vite et je m'enfonce lentement. Comme un ange passe en tutu qui joue de la trompette mais mal. La fausse note m'excite me fait dresser les poils. Ta gueule l'ange je dis et ça m'extrait d'un coup des sables. Me v'la qui lévite. Comme par enchantement. L'ange se marre. Genre t'inquiète j'ai toujours raison, le con. Que t'aies la foi ou pas n'a aucune espèce d'importance. Comment on en est arrivé là ? Aucune idée j'ai juste dit comme au début et puis ensuite j'ai laissé filé pour arriver à la fin.|couper{180}
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technique mixte 70x70 cm
mai 2023 technique mixte 70x70 cm mai 2023|couper{180}
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La ramener
Il la ramenait sans arrêt. Pour un oui, un non. Sans qu’on ne lui demande quoi que ce soit. Pour passer le temps je l’imaginais aux toilettes pendant qu’il la ramenait. Son gros cul posé sur la lunette. Ou encore accroupi la tête rouge en train de pousser dans des turques. Il pouvait la ramener tant qu’il voulait. Je pouvais même le regarder dans le blanc des yeux sans ciller cependant . Il y avait même en chœur tout un raffut de sons foireux qui appuyait les images mentales. Quand il avait terminé, il disait — alors t’en pense quoi ? C’est un sale con n’est-ce pas, ou encore une belle salope tu trouve tu pas ? J’en pensais rien bien sûr, je le laissais avec sa question en suspens. Puis je me dépêchais de prétexter une course urgente avant que ça ne lui reprenne, qu’il la ramène encore sur un autre sujet. En gros toujours le même. Lui aux prises avec les dangers infinis du monde extérieur peuplé d’idiots, d’idiotes écervelées. Je me tirais au même moment où il commençait à entrouvrir la bouche de nouveau le laissant là planté comme un poisson en train d'étouffer C'était un miroir qui devait au moins faire sept mètre de long et qui faisait face au bar. Un jour qu'il la ramenait j'ai chopé un tabouret et je l'ai envoyé valdinguer dans le miroir. Il ne l'a plus ramené, c'était fini.|couper{180}