Focalisation de l’attention

les tous premiers chefs d’œuvre

Deux petits enfants de 10 et 7 ans sont à la maison en ce moment, c’est donc un autre rythme que leur présence impulse à la journée. Une fois par jour je leur propose de me rejoindre à l’atelier pour peindre avec moi. Ils s’en réjouissent et moi itou. Je leur propose de travailler sur des petits formats et leur montre tout ce que l’on peut faire à condition de prendre le temps de bien le faire. Leur difficulté principale est dans la durée dans laquelle maintenir l’attention. Ils sont là depuis une semaine et je remarque que cette durée s’accroît au fur et à mesure des résultats qu’ils obtiennent. Sorte de preuve par neuf que plus on passe de temps, plus on prend soin de ce que l’on dessine ou peint, plus la satisfaction apportée par l’œuvre achevée est importante. Cette récompense passe cependant beaucoup par le regard des adultes à qui ils montrent ces petits tableaux. À commencer par moi qui ne me laisse pas séduire facilement et qui les encourage régulièrement à persévérer. Car au bout de quelques minutes déjà après le début de la séance ils me disent : j’ai fini. Ce qui, une fois le message décodé, signifie plutôt : je ne vois pas que faire de plus c’est peut-être suffisamment beau comme ça qu’en penses-tu... Et bien sûr je les encourage en battant des mains sans oublier de dire toutefois - oui c’est formidable et si tu remplissais un peu plus l’espace blanc que tu as laissé que pourrait-il arriver encore, ou bien et si on utilisait un de ces feutres fins de couleur noir pour rehausser le dessin n’aurait-on pas encore quelque chose de plus épatant... Et c’est ainsi qu’en quelques jours à peine, la séance s’est dilatée, de quelques minutes à désormais deux heures. Ce qui est déjà une sorte de recompense formidable. Le regard des autres membres adultes de la famille change aussi. Ce n’est plus ce regard condescendant que les adultes accordent généralement à la production d’œuvres enfantines, entre deux activités qui mobilisent l’attention. Non, ils sont véritablement surpris par la qualité inédite de ces petits chefs d’œuvre. Ce que ressentent clairement les enfants. Parvenir ainsi à focaliser l’attention d’un adulte est donc aussi une sorte de réussite. Et sans doute la plus importante car les enfants ne se rendent pas compte seuls de la qualité de leur travail. Pour eux, il disent simplement qu’ils on fait une peinture avec Pidou, ce qui signifie un bon moment passé ensemble car nous nous sommes accordé de l’attention les uns les autres. Puis une fois l’activité terminée ils retrouvent leurs tablettes, passent d’un jeu à l’autre, d’une vidéo à l’autre, et quand ils en ont assez demandent à regarder la télévision, la chaîne des dessins animés. Ils passent ainsi une grande partie de la journée devant des écrans -comme nous tous. Jusqu’à ce que notre attention soit enfin mobilisée par une chose un peu plus importante ou attrayante qu’à l’ordinaire. Personne n’échappe donc à la fascination des écrans et nous avons tous une excellente raison pour nous convaincre de continuer à nous enfouir dans cette hypnose. Mon épouse dit qu’elle travaille en cherchant de nouveaux lieux d’expositions ou des communes qui accepteront de recevoir la troupe de théâtre avec laquelle elle produit ses pièces. Quant à moi dans l’ atelier je ne peux guère passer beaucoup de temps sans me retrouver à un moment ou un autre en train de regarder une vidéo sur un peintre, un écrivain, de chercher la définition d’un mot, vérifier mes messages, ou de chercher une musique entraînante pour peindre. Sans compter les nombreuses fois où je note des phrases des bribes de textes qui me passent par la tête. Il résulte de tout cela une impression assez étrange comme si la plupart du temps nous étions dans une sorte de sommeil et que les rares fois où nous sentirions que nous sommes éveillés c’est lorsque une attention surgit suffisamment durable envers l’autre un objet ou une idée. La sensation d’être vivant quelques instants avant de replonger dans une confusion un chaos de sollicitations qui ne laisse au final que très peu de souvenirs, très peu de satisfaction. Ainsi peut-être est-ce une réaction de survie de vouloir tout couper, tout éteindre, s’éloigner de ces écrans afin de retrouver le silence. On évoque souvent le silence en pensant à une absence de son, mais je crois qu’ il existe aussi un silence visuel. Et cela fait du bien pendant un moment ne plus rien regarder de cette façon là qui est de voir sans voir. A moins que tout à coup on enfile ses chaussures, se couvre chaudement et referme la porte de la maison derrière soi pour aller faire quelques pas dans la campagne pas très loin. Ne plus voir les mêmes choses ou voir de "vraies" choses...

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Comme

Comme la mer qui cavale vers le mont Saint-Michel comme si elle allait lui faire sa fête, l'engloutir tout entier en deux coups les gros. L'air du temps me rattrape et je me mettrais bien à courir comme un dératé dans l'espoir de trouver une hauteur. En vain. C'est comme Waterloo morne plaine dans le coin. Encore pire depuis qu'il fait beau. Le soleil ne rend pas le monde plus beau il nous aveugle c'est tout. Pire je courre mais je fais du sur-place. La poisse comme le sable, la poisse comme les sables mouvants. Et la mer monte bon sang comme elle monte vite et je m'enfonce lentement. Comme un ange passe en tutu qui joue de la trompette mais mal. La fausse note m'excite me fait dresser les poils. Ta gueule l'ange je dis et ça m'extrait d'un coup des sables. Me v'la qui lévite. Comme par enchantement. L'ange se marre. Genre t'inquiète j'ai toujours raison, le con. Que t'aies la foi ou pas n'a aucune espèce d'importance. Comment on en est arrivé là ? Aucune idée j'ai juste dit comme au début et puis ensuite j'ai laissé filé pour arriver à la fin.|couper{180}

Comme

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technique mixte 70x70 cm

mai 2023 technique mixte 70x70 cm mai 2023|couper{180}

technique mixte 70x70 cm

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La ramener

Il la ramenait sans arrêt. Pour un oui, un non. Sans qu’on ne lui demande quoi que ce soit. Pour passer le temps je l’imaginais aux toilettes pendant qu’il la ramenait. Son gros cul posé sur la lunette. Ou encore accroupi la tête rouge en train de pousser dans des turques. Il pouvait la ramener tant qu’il voulait. Je pouvais même le regarder dans le blanc des yeux sans ciller cependant . Il y avait même en chœur tout un raffut de sons foireux qui appuyait les images mentales. Quand il avait terminé, il disait — alors t’en pense quoi ? C’est un sale con n’est-ce pas, ou encore une belle salope tu trouve tu pas ? J’en pensais rien bien sûr, je le laissais avec sa question en suspens. Puis je me dépêchais de prétexter une course urgente avant que ça ne lui reprenne, qu’il la ramène encore sur un autre sujet. En gros toujours le même. Lui aux prises avec les dangers infinis du monde extérieur peuplé d’idiots, d’idiotes écervelées. Je me tirais au même moment où il commençait à entrouvrir la bouche de nouveau le laissant là planté comme un poisson en train d'étouffer C'était un miroir qui devait au moins faire sept mètre de long et qui faisait face au bar. Un jour qu'il la ramenait j'ai chopé un tabouret et je l'ai envoyé valdinguer dans le miroir. Il ne l'a plus ramené, c'était fini.|couper{180}

La ramener