La grâce ne suffit pas
Aucun tableau ne tombe du ciel et il y a fort à parier que ça n’arrivera jamais.Quand je traverse la cour pour me rendre à l’atelier c’est mon sas, j’abandonne l’inutile, le superflu, je fais le vide. Parfois je dois m’asseoir un peu sur le banc tant ces choses s’agrippent. J’allume une cigarette, je regarde le ciel, un oiseau passe et c’est ok l’essentiel me revient. Ce coté éphémère de la vie, du monde j’en ai besoin pour ouvrir la porte.M’y voici devant la grande table encombrée de pots de couleurs, de pinceaux , le long des murs en attente les tableaux commencés . Je ferme les yeux et les ré ouvre pour mieux les voir.Nettoyer le regard encore et encore comme si ce n’était pas moi qui avait peint tout cela mais un autre, disons un ami pour qui je resterais bienveillant mais sans grande indulgence tout de même.C’est que la nécessité de lumière prime. Un tableau qui n’éclaire pas est un tableau qui ne vaut rien. Alors l’indulgence n’a pas grand chose à voir avec la lumière dans ce cas là .Quand rien ne me parle rien ne m’appelle quand je ne sais plus quoi faire c’est le prémisse ! cet ennui particulier qui me tombe dessus je sais que c’est la bonne voie. Pas d’autre chose à faire alors que de prendre une toile au hasard et de m’y mettre, sans préférencejuste parce qu’il faut je sois là et elle la toile ici .Le plaisir physique vient , sortir la pâte des tubes, touiller, mélanger, à gratter la palette la main revit, l’oreille aussi en écoutant le son des pinceaux des couteaux et du lin qui répond, l’œil en dernier s’éveille comme si tous les autres sens s’écartaient pour le laisser avancer jusqu’à la surface de la toile. L’oeil et le coeur liés contractuellement par ce besoin quasi mystique de luminescence.Et en fait peu importe ce qui se peint, nature morte, paysage, visage, abstraction ou figuration tout n’est que prétexte, échafaudage, piège pour parvenir à capter cette lumière interne provenant du tableau.Il paraît que les nonnes qui s’enferment au Carmel doivent rencontrer l’ennui pour que la "gràce "leur tombe dessus.Moi j’ai trouvé la peinture et mon atelier est sans doute mon Carmel personnel, quant à la grâce elle tombe c’est sûr de temps en temps mais avec l’habitude on s’aperçoit que même la grâce ça ne suffit pas.
Post-scriptum
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Comme
Comme la mer qui cavale vers le mont Saint-Michel comme si elle allait lui faire sa fête, l'engloutir tout entier en deux coups les gros. L'air du temps me rattrape et je me mettrais bien à courir comme un dératé dans l'espoir de trouver une hauteur. En vain. C'est comme Waterloo morne plaine dans le coin. Encore pire depuis qu'il fait beau. Le soleil ne rend pas le monde plus beau il nous aveugle c'est tout. Pire je courre mais je fais du sur-place. La poisse comme le sable, la poisse comme les sables mouvants. Et la mer monte bon sang comme elle monte vite et je m'enfonce lentement. Comme un ange passe en tutu qui joue de la trompette mais mal. La fausse note m'excite me fait dresser les poils. Ta gueule l'ange je dis et ça m'extrait d'un coup des sables. Me v'la qui lévite. Comme par enchantement. L'ange se marre. Genre t'inquiète j'ai toujours raison, le con. Que t'aies la foi ou pas n'a aucune espèce d'importance. Comment on en est arrivé là ? Aucune idée j'ai juste dit comme au début et puis ensuite j'ai laissé filé pour arriver à la fin.|couper{180}
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technique mixte 70x70 cm
mai 2023 technique mixte 70x70 cm mai 2023|couper{180}
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La ramener
Il la ramenait sans arrêt. Pour un oui, un non. Sans qu’on ne lui demande quoi que ce soit. Pour passer le temps je l’imaginais aux toilettes pendant qu’il la ramenait. Son gros cul posé sur la lunette. Ou encore accroupi la tête rouge en train de pousser dans des turques. Il pouvait la ramener tant qu’il voulait. Je pouvais même le regarder dans le blanc des yeux sans ciller cependant . Il y avait même en chœur tout un raffut de sons foireux qui appuyait les images mentales. Quand il avait terminé, il disait — alors t’en pense quoi ? C’est un sale con n’est-ce pas, ou encore une belle salope tu trouve tu pas ? J’en pensais rien bien sûr, je le laissais avec sa question en suspens. Puis je me dépêchais de prétexter une course urgente avant que ça ne lui reprenne, qu’il la ramène encore sur un autre sujet. En gros toujours le même. Lui aux prises avec les dangers infinis du monde extérieur peuplé d’idiots, d’idiotes écervelées. Je me tirais au même moment où il commençait à entrouvrir la bouche de nouveau le laissant là planté comme un poisson en train d'étouffer C'était un miroir qui devait au moins faire sept mètre de long et qui faisait face au bar. Un jour qu'il la ramenait j'ai chopé un tabouret et je l'ai envoyé valdinguer dans le miroir. Il ne l'a plus ramené, c'était fini.|couper{180}