Le cercle des mots

Penser les mots dont je dispose comme créant la figure d’un cercle. Être au centre d’un cercle dont je tenterais d’envisager le périmètre. Quels sont les mots les plus proches, ceux que j’utilise spontanément tous les jours. Quels sont les autres, plus rares, moins familiers. Ceux dont je connais sur le bout des doigts la définition et tous les autres dont elle n’est, tout bien pesé, qu’approximative. Parfois l’emploi d’un mot à la place d’un autre en raison d’une ressemblance de sens qu’on leur attribue sans y avoir réfléchi. Juste parce que sa sonorité à cet instant où on l’utilise, correspond sans doute à une idée d’harmonie ou au contraire pour briser une ritournelle. C’est justement à l’intérieur du cercle que s’opposent souvent la pensée et l’esthétique. Puis comme en peinture l’une prendra le pas sur l’autre. Créera ainsi une dominance. Il me semble que je sois toujours le cul entre deux chaises autant en peinture que dans l’écriture vis à vis de ce problème de dominance. Rien que le mot dominante je ne peux faire autrement que de le modifier en dominance. Le rendre encore plus féminin. Sans doute parce que lorsque je pense à la domination beaucoup d’images, de situations, dans lesquelles j’ai le dessous prédominent. Que ce schéma ne m’intéresse pas du tout. Que c’est une sorte d’habitude prise d’avoir le dessous pour obtenir la paix. Avoir le dessous en apparence donc. Mais à quel moment l’habitude devient-elle une sorte de compétence inconsciente, un réflexe... à quel moment s’oublie t’on, se perd t’on de vue, à quel moment n’avons nous plus de mot à dire concernant l’asservissement. Je dis les femmes, mais tout est comme ça, la torture imposée par le travail abrutissant, les transports en commun, les agglomérations, la campagne, jusqu’à ce reflet que l’on aperçoit dans la glace en se rasant le matin. Pourtant vendredi dernier en descendant de La Croix-rousse, par les rues qui serpentent, ce souvenir des petits matins où je me rendais au boulot. Une luminosité très particulière due à l’automne, aux gris des immeubles dont les façades commencent à être mangées par la lumière de l’aube. Ces reflets brillants doucement sur les pavés, et les bruits, les bruits du matin si reconnaissables entre tous. Chants d’oiseaux se mêlant à l’arrivée imminente du camion des éboueurs, poubelles que l’on sort ou qu’on rentre sous les porches, et la naissance de cette clameur à peine perceptible de la ville qui s’éveille. Et encore mon attention n’était pas dans sa meilleure forme puisque ma cheville me tensait, qu’une pensée sur deux était dirigée vers la douleur de marcher, d’avancer.

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Comme

Comme la mer qui cavale vers le mont Saint-Michel comme si elle allait lui faire sa fête, l'engloutir tout entier en deux coups les gros. L'air du temps me rattrape et je me mettrais bien à courir comme un dératé dans l'espoir de trouver une hauteur. En vain. C'est comme Waterloo morne plaine dans le coin. Encore pire depuis qu'il fait beau. Le soleil ne rend pas le monde plus beau il nous aveugle c'est tout. Pire je courre mais je fais du sur-place. La poisse comme le sable, la poisse comme les sables mouvants. Et la mer monte bon sang comme elle monte vite et je m'enfonce lentement. Comme un ange passe en tutu qui joue de la trompette mais mal. La fausse note m'excite me fait dresser les poils. Ta gueule l'ange je dis et ça m'extrait d'un coup des sables. Me v'la qui lévite. Comme par enchantement. L'ange se marre. Genre t'inquiète j'ai toujours raison, le con. Que t'aies la foi ou pas n'a aucune espèce d'importance. Comment on en est arrivé là ? Aucune idée j'ai juste dit comme au début et puis ensuite j'ai laissé filé pour arriver à la fin.|couper{180}

Comme

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technique mixte 70x70 cm

mai 2023 technique mixte 70x70 cm mai 2023|couper{180}

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La ramener

Il la ramenait sans arrêt. Pour un oui, un non. Sans qu’on ne lui demande quoi que ce soit. Pour passer le temps je l’imaginais aux toilettes pendant qu’il la ramenait. Son gros cul posé sur la lunette. Ou encore accroupi la tête rouge en train de pousser dans des turques. Il pouvait la ramener tant qu’il voulait. Je pouvais même le regarder dans le blanc des yeux sans ciller cependant . Il y avait même en chœur tout un raffut de sons foireux qui appuyait les images mentales. Quand il avait terminé, il disait — alors t’en pense quoi ? C’est un sale con n’est-ce pas, ou encore une belle salope tu trouve tu pas ? J’en pensais rien bien sûr, je le laissais avec sa question en suspens. Puis je me dépêchais de prétexter une course urgente avant que ça ne lui reprenne, qu’il la ramène encore sur un autre sujet. En gros toujours le même. Lui aux prises avec les dangers infinis du monde extérieur peuplé d’idiots, d’idiotes écervelées. Je me tirais au même moment où il commençait à entrouvrir la bouche de nouveau le laissant là planté comme un poisson en train d'étouffer C'était un miroir qui devait au moins faire sept mètre de long et qui faisait face au bar. Un jour qu'il la ramenait j'ai chopé un tabouret et je l'ai envoyé valdinguer dans le miroir. Il ne l'a plus ramené, c'était fini.|couper{180}

La ramener