le manque

Assoiffé, affamé, RIEN ne saurait cependant remplir le manque. Et si surgit l’impression d’une satiété, elle n’est jamais que passagère. Alors prendre la chose au sérieux. Tenter de combler le manque. Par l’excès. Étudier chaque possibilité d’excès l’une après l’autre, scientifiquement. Parvenir à la conclusion qu’il faudra rebrousser chemin tant la déception est vaste. Vaste comme ce gouffre toujours présent, intact. Déception et manque font bon ménage. Puis s’assoir un moment dans l’éternité. Pas trouvé de figuier, mais un vieux réverbère bouffé ça et là par du vert de gris. La Seine noire, les bateaux mouches irréels. Des étrangers me font un petit signe de la main. Peine à saisir leur joie, je ne réponds pas. Muré dans le manque la moindre joie est une écorchure. Même palper la peau nue, un corps qui frémit sous la caresse, un corps qui sera toujours un corps étranger. Le manque n’est-ce pas l’évidence de l’écart magistral. Qu’un sein même pétri ne sera jamais le sein, pire que chaque fois qu’on s’en saisit on l’éloigne encore plus loin. Rebrousser chemin, tête basse, épaules voûtées, s’intéresser au pas que l’on fait, uniquement à ça. Un pas après l’autre. Et tout à coup l’idée surgit, le manque est partagé. Tout le monde est en affaire avec lui. Le manque un dealer cosmique. S’agit ensuite de savoir si on veut continuer la drogue, si on veut se donner les moyens de se sevrer. Refuser la tétine. Bouder la cuillerée pour maman, pour papa, s’en foutre. Devenir buté face à toute possibilité de combler. Vomir à la simple idée de la satiété. Vomir c’est retrouver de l’énergie. Se débarrasser d’un paquet de toxines. S’appuyer seulement sur le corps, en apprendre le langage, les limites, elles sont toujours extrêmement singulières. Uniques. Les refus du corps pour se débarrasser des pensées d’avoir, d’obtenir. Désintoxication pénible mais salutaire. Puis la pauvreté comme une feuille d’automne qui arrive dans la paume sans prévenir. La douce caresse de l’abandon, ce frémissement, ce tremblement. N’est-t’on pas comblé par l’événement, comblé comme jamais. Le train s’arrête. Pauvreté à tous les étages. Un Disneyland a l’envers. Gratuité totale des attractions. La main d’un homme qui se pose sur les cheveux d’un enfant juste là, à quelques mètres devant vous... vous sentez. Vous êtes rassasié. La manque est parti faire un tour au diable vauvert .
Post-scriptum
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Comme
Comme la mer qui cavale vers le mont Saint-Michel comme si elle allait lui faire sa fête, l'engloutir tout entier en deux coups les gros. L'air du temps me rattrape et je me mettrais bien à courir comme un dératé dans l'espoir de trouver une hauteur. En vain. C'est comme Waterloo morne plaine dans le coin. Encore pire depuis qu'il fait beau. Le soleil ne rend pas le monde plus beau il nous aveugle c'est tout. Pire je courre mais je fais du sur-place. La poisse comme le sable, la poisse comme les sables mouvants. Et la mer monte bon sang comme elle monte vite et je m'enfonce lentement. Comme un ange passe en tutu qui joue de la trompette mais mal. La fausse note m'excite me fait dresser les poils. Ta gueule l'ange je dis et ça m'extrait d'un coup des sables. Me v'la qui lévite. Comme par enchantement. L'ange se marre. Genre t'inquiète j'ai toujours raison, le con. Que t'aies la foi ou pas n'a aucune espèce d'importance. Comment on en est arrivé là ? Aucune idée j'ai juste dit comme au début et puis ensuite j'ai laissé filé pour arriver à la fin.|couper{180}
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technique mixte 70x70 cm
mai 2023 technique mixte 70x70 cm mai 2023|couper{180}
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La ramener
Il la ramenait sans arrêt. Pour un oui, un non. Sans qu’on ne lui demande quoi que ce soit. Pour passer le temps je l’imaginais aux toilettes pendant qu’il la ramenait. Son gros cul posé sur la lunette. Ou encore accroupi la tête rouge en train de pousser dans des turques. Il pouvait la ramener tant qu’il voulait. Je pouvais même le regarder dans le blanc des yeux sans ciller cependant . Il y avait même en chœur tout un raffut de sons foireux qui appuyait les images mentales. Quand il avait terminé, il disait — alors t’en pense quoi ? C’est un sale con n’est-ce pas, ou encore une belle salope tu trouve tu pas ? J’en pensais rien bien sûr, je le laissais avec sa question en suspens. Puis je me dépêchais de prétexter une course urgente avant que ça ne lui reprenne, qu’il la ramène encore sur un autre sujet. En gros toujours le même. Lui aux prises avec les dangers infinis du monde extérieur peuplé d’idiots, d’idiotes écervelées. Je me tirais au même moment où il commençait à entrouvrir la bouche de nouveau le laissant là planté comme un poisson en train d'étouffer C'était un miroir qui devait au moins faire sept mètre de long et qui faisait face au bar. Un jour qu'il la ramenait j'ai chopé un tabouret et je l'ai envoyé valdinguer dans le miroir. Il ne l'a plus ramené, c'était fini.|couper{180}