Qu’est ce qui est réel

Je lis Suttree de Cormac MacCarthy, un long déploiement de phrases de paragraphes avec des mots, je ne vous dis pas les mots, pas de ceux qu’on emploie tous les jours en tous cas pas moi. Je me demandais si autant de descriptions et avec autant de mots choisis pouvaient aider le lecteur à prendre connaissance du réel, à trouver réel un tel récit. Et la conclusion à laquelle j’arrive c’est qu’il est réel en même temps qu’il ne l’est pas. On est bien avancé avec ça n’est-ce pas. Il est réel dans l’écriture, et cette réalité est aussi difficile d’accès que la réalité toute entière. C’est à dire que si tu veux comprendre la phrase tu dois en comprendre chaque mot, tu ne peux pas te contenter d’un à peu près. J’ai fait l’expérience avec les quelques vocables utilisés pour décrire une yole et ses environs. Et voici une liste de mots que je me suis forcé à rechercher dans le dictionnaire car leurs sens m’échappaient soudain, je n’en étais plus si sûr :

morte-eau, palis, strobes, pseudomorphe, trématode, tolet, erseaux, vandoise, sprue, grège.

Et ce ne sont que les mots de la courte lecture de ce matin.

Donc, qu’est-ce qui est réel, est-ce que ce sont les phrases que je n’arrive pas à lire parce que je ne connais pas les mots qui la composent ? est-ce mon ignorance de ces mots ? Et une fois la connaissance acquise de ceux-ci est-ce plus réel qu’avant ? Est-ce que j’ai la sensation d’en savoir un peu plus sur la réalité de cette écriture ? A quelle point elle se distingue d’une autre par exemple. Est-ce qu’une réalité peut se distinguer d’une autre réalité d’ailleurs ? Sans doute tant que l’on s’appuie sur un tel mot pour parler de la réalité. Je crois que ce sont plutôt des sous-réalités. Que l’indéfinissable restera l’apanage de ce qui se cache derrière ce mot de réalité.

Il y a un risque à prendre les vessies pour des lanternes que je connais par cœur et qui se nomme la confusion. Mais si on tient bon, si on continue à croire, (à espérer ? ) que l’indéfinissable caractérisera toujours la réalité sous le masque de ses apparences , il y a un grand soulagement et même une certaine clarté qui arrivent tous deux comme un applaudissement. Cela nous libère d’un doute si je puis dire, de celui là en tous cas car évidemment il y a toujours d’autres doutes qui attendent, tapis dans l’ombre, la moindre certitude à venir, pour se jeter sur elle.

Comme quoi lire peut parfois mener à un genre d’illumination- encore que ce mot ne soit qu’un mot bien évidemment.

Post-scriptum

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Comme

Comme la mer qui cavale vers le mont Saint-Michel comme si elle allait lui faire sa fête, l'engloutir tout entier en deux coups les gros. L'air du temps me rattrape et je me mettrais bien à courir comme un dératé dans l'espoir de trouver une hauteur. En vain. C'est comme Waterloo morne plaine dans le coin. Encore pire depuis qu'il fait beau. Le soleil ne rend pas le monde plus beau il nous aveugle c'est tout. Pire je courre mais je fais du sur-place. La poisse comme le sable, la poisse comme les sables mouvants. Et la mer monte bon sang comme elle monte vite et je m'enfonce lentement. Comme un ange passe en tutu qui joue de la trompette mais mal. La fausse note m'excite me fait dresser les poils. Ta gueule l'ange je dis et ça m'extrait d'un coup des sables. Me v'la qui lévite. Comme par enchantement. L'ange se marre. Genre t'inquiète j'ai toujours raison, le con. Que t'aies la foi ou pas n'a aucune espèce d'importance. Comment on en est arrivé là ? Aucune idée j'ai juste dit comme au début et puis ensuite j'ai laissé filé pour arriver à la fin.|couper{180}

Comme

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technique mixte 70x70 cm

mai 2023 technique mixte 70x70 cm mai 2023|couper{180}

technique mixte 70x70 cm

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La ramener

Il la ramenait sans arrêt. Pour un oui, un non. Sans qu’on ne lui demande quoi que ce soit. Pour passer le temps je l’imaginais aux toilettes pendant qu’il la ramenait. Son gros cul posé sur la lunette. Ou encore accroupi la tête rouge en train de pousser dans des turques. Il pouvait la ramener tant qu’il voulait. Je pouvais même le regarder dans le blanc des yeux sans ciller cependant . Il y avait même en chœur tout un raffut de sons foireux qui appuyait les images mentales. Quand il avait terminé, il disait — alors t’en pense quoi ? C’est un sale con n’est-ce pas, ou encore une belle salope tu trouve tu pas ? J’en pensais rien bien sûr, je le laissais avec sa question en suspens. Puis je me dépêchais de prétexter une course urgente avant que ça ne lui reprenne, qu’il la ramène encore sur un autre sujet. En gros toujours le même. Lui aux prises avec les dangers infinis du monde extérieur peuplé d’idiots, d’idiotes écervelées. Je me tirais au même moment où il commençait à entrouvrir la bouche de nouveau le laissant là planté comme un poisson en train d'étouffer C'était un miroir qui devait au moins faire sept mètre de long et qui faisait face au bar. Un jour qu'il la ramenait j'ai chopé un tabouret et je l'ai envoyé valdinguer dans le miroir. Il ne l'a plus ramené, c'était fini.|couper{180}

La ramener