L’ai-je bien descendu. Elle se pencha pour voir s’il respirait encore. Ma foi oui. Elle lui écrabouilla la tronche avec le talon aiguille de son escarpin. Il souriait le con. C’était impossible qu’il calanche avec ce rictus de béatitude, n’est-ce pas, alors elle prit la lampe à sel et entreprit de lui refaire une beauté. Il y eut des craquements d’os, le corps émit quelques flatulences et tremblements, mais à son avis à elle c’était purement mécanique. Ensuite, elle s’essuya les mains sur sa jupe de coton avec un air satisfait puis elle s’approcha de la glace et se refit une beauté.
Il fallait d’urgence qu’elle baise. Alors elle prit ses clefs, claqua la porte, descendit les escaliers, parvint dans la rue. Il faisait beau comme hier mais un peu moins chaud. Elle se souvint qu’il fallait qu’elle baise de toute urgence. Elle avisa un homme assis à la terrasse d’un café, elle s’avança vers lui avec sa jupe en coton sanglante. Elle lui dit : « Je suis désolée de vous importuner, mais il faut que je baise d’urgence. » Le gonze la toisa on aurait dit une bédé les yeux lui sortaient de la tête ; puis il sortit de la menue monnaie d’une poche de sa veste, la déposa sur la table.Ensuite il se leva et s’enfuit à toute jambe.
Elle avança vers la chaise vide et s’assit. Merde alors. Pour une fois que je dis ce que je pense. Elle alluma une cigarette et se mit à réfléchir à sa vie. Le loufiat surgit et lui demanda : « Qu’est-ce qui vous ferait plaisir ? » Elle allait dire un truc, mais elle se reprit : « Une menthe à l’eau, je vous prie. » Elle imagina qu’elle se retrouvait à genoux en train de farfouiller dans l’entrejambe du type. Elle se reprit encore. « Avec des glaçons, s’il vous plaît. »
À 13h, elle se dit qu’elle n’avait plus vingt ans, et ça l’attrista. Elle entra dans un cinéma et choisit un film au hasard. C’était L’Empire des sens, ce vieux film japonais avec une geisha qui fait pénétrer un œuf dans sa vulve. Ça ne l’excita pas. Elle s’endormit. Quelqu’un la secoua par l’épaule à la fin du film. Décidément, les choses n’étaient plus comme autrefois. Le monde avait bien changé. On ne pouvait plus dormir tranquille l’après-midi, même en payant sa place. Et elle nota qu’aucune vendeuse ne s’était présentée avec caramels et esquimaux durant la séance. Ça l’attrista.
Le soir advint comme il advient toujours. Elle avait faim. Elle avisa un vendeur de hot-dogs. Elle observa la saucisse de Strasbourg s’agiter dans le bocal et ça lui coupa l’appétit. Elle rentra chez elle. La journée avait filé sans qu’elle ne s’en aperçoive. C’était une métaphore. Sa vie était pareille à cette journée. Elle se rappela vaguement que ce matin elle avait écrabouillé la figure d’un homme. C’était probablement son mari. Elle se dirigea vers la salle de bain. Il était là, affalé sur le carrelage. Elle avisa ses jambes maigres et poilues, elle eut un haut-le-cœur et vomit sur les jambes maigres et poilues. Puis elle se dirigea vers la chambre conjugale. Elle se dévêtit. Elle regarda sa poitrine. Ses seins n’étaient encore pas si mal. Elle éprouva une vague bouffée de désir, mais comme elle ne savait pas de quoi, elle alla se coucher. Il était 23h45. Elle s’endormit presque aussitôt.