traversée

dessin sur tablette avec Procreate

une traversée de l’inutile commence en premier lieu par la prise de conscience sourde de tout de ce que tu croyais important, précieux, utile. Ce sont des écailles qui se détachent lentement des yeux pour glisser vers l’oubli ou le néant. Autrefois cela te paraissait insupportable et tu essayais constamment de recoller ces morceaux, plus ou moins avec soin, mais, tandis qu’un de ces fragments reprenait place, te recréait un peu bancal, un autre à nouveau se détachait pour glisser au loin.

Au bout du compte il en résulta une monstruosité sans nom, une créature à ranger dans la catégorie des films d’horreur, une reconstitution grossière, un amoncèlement des morceaux de cadavres unis par des coutures grossières.

enfin l’inutilité fut d’une intensité telle que tu dus lâcher ta besogne. Un espace gris t’avala tout entier, une sorte de no man’s land dans lequel tu erras des milliers de jours et de nuits, mais sans jamais savoir quand était la nuit quand était le jour . Tout avait perdu à ce point de son importance que tu ne parvenais plus à discerner et les choses et les êtres et leurs contours et l’espace entre eux. Tout ne fut plus que formes figées dans la roche froide, et tu fis encore des efforts débiles durant un temps indéfinissable. Tu rampas lentement sur des corps, sur des objets, sur des mots qui n’avaient plus aucune signification ni sens ni laideur ni beauté.

Et puis dans une anfractuosité de ce monde bizarre tu trouvas enfin une place. Tu ne fis plus alors que regretter d’antiques sensations, des sentiments appartenant à des âges antédiluviens, tu parvins ainsi à mi chemin du but que le destin avait depuis toujours fixé pour toi.

Tu commençais à prendre racine dans la roche, tu réinstallais l’idée du confort, quand celle-ci fut heurtée par un immense corps céleste qui pulvérisa tout ce que tu croyais encore être toi et ce lieu cet espace et tes minces espérances de devenir.

Éparpillées dans l’espace noir des bribes flottent tout autour de toi, tu n’es plus dans un corps précis, tu es dans chacune de ces bribes et pourtant tu es en même temps nulle part et partout. Tu es cette conscience qui parvient vaille que vaille, coûte que coûte encore à se faufiler, à traverser l’inutile, en empruntant parfois un peu d’utile si besoin est, si vraiment nécessité, pour voyager plus loin.

Post-scriptum

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Pour continuer

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Comme

Comme la mer qui cavale vers le mont Saint-Michel comme si elle allait lui faire sa fête, l'engloutir tout entier en deux coups les gros. L'air du temps me rattrape et je me mettrais bien à courir comme un dératé dans l'espoir de trouver une hauteur. En vain. C'est comme Waterloo morne plaine dans le coin. Encore pire depuis qu'il fait beau. Le soleil ne rend pas le monde plus beau il nous aveugle c'est tout. Pire je courre mais je fais du sur-place. La poisse comme le sable, la poisse comme les sables mouvants. Et la mer monte bon sang comme elle monte vite et je m'enfonce lentement. Comme un ange passe en tutu qui joue de la trompette mais mal. La fausse note m'excite me fait dresser les poils. Ta gueule l'ange je dis et ça m'extrait d'un coup des sables. Me v'la qui lévite. Comme par enchantement. L'ange se marre. Genre t'inquiète j'ai toujours raison, le con. Que t'aies la foi ou pas n'a aucune espèce d'importance. Comment on en est arrivé là ? Aucune idée j'ai juste dit comme au début et puis ensuite j'ai laissé filé pour arriver à la fin.|couper{180}

Comme

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technique mixte 70x70 cm

mai 2023 technique mixte 70x70 cm mai 2023|couper{180}

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La ramener

Il la ramenait sans arrêt. Pour un oui, un non. Sans qu’on ne lui demande quoi que ce soit. Pour passer le temps je l’imaginais aux toilettes pendant qu’il la ramenait. Son gros cul posé sur la lunette. Ou encore accroupi la tête rouge en train de pousser dans des turques. Il pouvait la ramener tant qu’il voulait. Je pouvais même le regarder dans le blanc des yeux sans ciller cependant . Il y avait même en chœur tout un raffut de sons foireux qui appuyait les images mentales. Quand il avait terminé, il disait — alors t’en pense quoi ? C’est un sale con n’est-ce pas, ou encore une belle salope tu trouve tu pas ? J’en pensais rien bien sûr, je le laissais avec sa question en suspens. Puis je me dépêchais de prétexter une course urgente avant que ça ne lui reprenne, qu’il la ramène encore sur un autre sujet. En gros toujours le même. Lui aux prises avec les dangers infinis du monde extérieur peuplé d’idiots, d’idiotes écervelées. Je me tirais au même moment où il commençait à entrouvrir la bouche de nouveau le laissant là planté comme un poisson en train d'étouffer C'était un miroir qui devait au moins faire sept mètre de long et qui faisait face au bar. Un jour qu'il la ramenait j'ai chopé un tabouret et je l'ai envoyé valdinguer dans le miroir. Il ne l'a plus ramené, c'était fini.|couper{180}

La ramener