Un moment en suspens

Le fléau de la balance oscille encore un peu, mais la tare semble juste, peut-être s’agit-il de patienter quelques instants de plus pour que la pesée soit enfin lisible. C’est dans ce moment que tu regardes autour de toi les toiles accrochées aux murs de l’atelier. Elles sont dans une même attente de dénouement que toi. Parfois une impatience t’envahît et tu serait prêt à faire n’importe quoi pour t’en deliver. Prendre le plus gros de tes pinceaux et tout biffer, ou tout recouvrir de Gesso, tout recommencer encore et encore jusqu’à ce qu’une configuration magique achève enfin toute chose. Mais tu ne le fais pas, tu restes immobile au sein de l’impatience, tu fixes l’envahisseuse , la questionne sans relâche, comme un vieux sphinx mi grognon mi triste d’avoir laissé filer Oedipe. Tu pourrais aussi bien être une sirène après le passage d’Ulysse. Un dieu, une créature légendaire dépossédé de tout pouvoir. Comme si c’était cette voie exactement que tu avais voulu. suivre coûte que coûte pour voir, sentir, vivre, ce moment de suspens. Tu te souviens de Bernard Palissy, de son impatience, de ses meubles et tableaux brûlés, tu éprouves la sensation d’une petite victoire tout à coup, puis tu la répudies aussitôt.

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Comme

Comme la mer qui cavale vers le mont Saint-Michel comme si elle allait lui faire sa fête, l'engloutir tout entier en deux coups les gros. L'air du temps me rattrape et je me mettrais bien à courir comme un dératé dans l'espoir de trouver une hauteur. En vain. C'est comme Waterloo morne plaine dans le coin. Encore pire depuis qu'il fait beau. Le soleil ne rend pas le monde plus beau il nous aveugle c'est tout. Pire je courre mais je fais du sur-place. La poisse comme le sable, la poisse comme les sables mouvants. Et la mer monte bon sang comme elle monte vite et je m'enfonce lentement. Comme un ange passe en tutu qui joue de la trompette mais mal. La fausse note m'excite me fait dresser les poils. Ta gueule l'ange je dis et ça m'extrait d'un coup des sables. Me v'la qui lévite. Comme par enchantement. L'ange se marre. Genre t'inquiète j'ai toujours raison, le con. Que t'aies la foi ou pas n'a aucune espèce d'importance. Comment on en est arrivé là ? Aucune idée j'ai juste dit comme au début et puis ensuite j'ai laissé filé pour arriver à la fin.|couper{180}

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technique mixte 70x70 cm

mai 2023 technique mixte 70x70 cm mai 2023|couper{180}

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La ramener

Il la ramenait sans arrêt. Pour un oui, un non. Sans qu’on ne lui demande quoi que ce soit. Pour passer le temps je l’imaginais aux toilettes pendant qu’il la ramenait. Son gros cul posé sur la lunette. Ou encore accroupi la tête rouge en train de pousser dans des turques. Il pouvait la ramener tant qu’il voulait. Je pouvais même le regarder dans le blanc des yeux sans ciller cependant . Il y avait même en chœur tout un raffut de sons foireux qui appuyait les images mentales. Quand il avait terminé, il disait — alors t’en pense quoi ? C’est un sale con n’est-ce pas, ou encore une belle salope tu trouve tu pas ? J’en pensais rien bien sûr, je le laissais avec sa question en suspens. Puis je me dépêchais de prétexter une course urgente avant que ça ne lui reprenne, qu’il la ramène encore sur un autre sujet. En gros toujours le même. Lui aux prises avec les dangers infinis du monde extérieur peuplé d’idiots, d’idiotes écervelées. Je me tirais au même moment où il commençait à entrouvrir la bouche de nouveau le laissant là planté comme un poisson en train d'étouffer C'était un miroir qui devait au moins faire sept mètre de long et qui faisait face au bar. Un jour qu'il la ramenait j'ai chopé un tabouret et je l'ai envoyé valdinguer dans le miroir. Il ne l'a plus ramené, c'était fini.|couper{180}

La ramener