Vers qui marche-tu vraiment

Cet autre, ces autres, c’est sans doute plus facile de dire ces autres que l’on ne connaît pas, vers qui l’on marche, vers qui on se dit que l’on marche, vers qui le prétexte d’un voyage. Mais était-ce bien un prétexte, en toute honnêteté tu n’y avais guère songé. Le voyage, l’idée de celui-ci était abstraite, des formes des masses des couleurs floues avant tout, un élan vers une autre possibilité de chaos que celle que tu connaissais déjà, à laquelle tu étais habitué, et dont tu étais déjà fatigué sans doute. Le voyage romprait l’ennui pour faire soudre de sa coquille brisée un espoir de renouveau. La jeunesse se fabrique de telles illusions et la vie ensuite l’entraîne à les pousser à leurs extrêmes, peut-être en raison d’un but tout à fait obscur au début mais qui devient clair avec le temps et les kilomètres effectués. En définitive la vérification d’une intuition fugace, de l’ordre de celles qu’on repousse le plus longtemps possible avant de pénétrer dans l’âge dit adulte. Et ces autres rencontrés en voyage au bout du compte qui sont-ils en auras- tu vraiment pris conscience, hormis ta propre définition posée sur ces autres, des possibilités différentes toujours de toi-même traversant l’ennui d’être la plupart du temps, c’est à dire cette relation figée avec le monde, un point de vue fixe, une même cause entraînant les mêmes conséquences. Et l’agacement surgit presque aussitôt que quelqu’un te relate ses rencontres, ses voyages car tu ne peux jamais être complètement dupe que ce ne sera toujours que de lui-même qu’il ou elle parleront, parfois bien mieux que toi tu ne seras désormais capable encore d’en parler, de t’enivrer naïvement à parler de toi de cette façon. Ce ne sont pas les voyages qui t’auront mené à ce silence, mais l’écriture qui, par son chemin souvent tortueux, t’aura conduit à cette évidence, des milliers de mots, des kilomètres de lignes ajoutées aux lignes, des pages et des pages, une masse, un corps vivant issu du tien de plus en plus mort. A un tel point mort que parfois tu imagines écrire depuis le fond de ton cercueil, depuis une tombe, comme pour passer l’éternité que continue à produire l’ennui sur tes os blancs.
Post-scriptum
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Comme
Comme la mer qui cavale vers le mont Saint-Michel comme si elle allait lui faire sa fête, l'engloutir tout entier en deux coups les gros. L'air du temps me rattrape et je me mettrais bien à courir comme un dératé dans l'espoir de trouver une hauteur. En vain. C'est comme Waterloo morne plaine dans le coin. Encore pire depuis qu'il fait beau. Le soleil ne rend pas le monde plus beau il nous aveugle c'est tout. Pire je courre mais je fais du sur-place. La poisse comme le sable, la poisse comme les sables mouvants. Et la mer monte bon sang comme elle monte vite et je m'enfonce lentement. Comme un ange passe en tutu qui joue de la trompette mais mal. La fausse note m'excite me fait dresser les poils. Ta gueule l'ange je dis et ça m'extrait d'un coup des sables. Me v'la qui lévite. Comme par enchantement. L'ange se marre. Genre t'inquiète j'ai toujours raison, le con. Que t'aies la foi ou pas n'a aucune espèce d'importance. Comment on en est arrivé là ? Aucune idée j'ai juste dit comme au début et puis ensuite j'ai laissé filé pour arriver à la fin.|couper{180}
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technique mixte 70x70 cm
mai 2023 technique mixte 70x70 cm mai 2023|couper{180}
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La ramener
Il la ramenait sans arrêt. Pour un oui, un non. Sans qu’on ne lui demande quoi que ce soit. Pour passer le temps je l’imaginais aux toilettes pendant qu’il la ramenait. Son gros cul posé sur la lunette. Ou encore accroupi la tête rouge en train de pousser dans des turques. Il pouvait la ramener tant qu’il voulait. Je pouvais même le regarder dans le blanc des yeux sans ciller cependant . Il y avait même en chœur tout un raffut de sons foireux qui appuyait les images mentales. Quand il avait terminé, il disait — alors t’en pense quoi ? C’est un sale con n’est-ce pas, ou encore une belle salope tu trouve tu pas ? J’en pensais rien bien sûr, je le laissais avec sa question en suspens. Puis je me dépêchais de prétexter une course urgente avant que ça ne lui reprenne, qu’il la ramène encore sur un autre sujet. En gros toujours le même. Lui aux prises avec les dangers infinis du monde extérieur peuplé d’idiots, d’idiotes écervelées. Je me tirais au même moment où il commençait à entrouvrir la bouche de nouveau le laissant là planté comme un poisson en train d'étouffer C'était un miroir qui devait au moins faire sept mètre de long et qui faisait face au bar. Un jour qu'il la ramenait j'ai chopé un tabouret et je l'ai envoyé valdinguer dans le miroir. Il ne l'a plus ramené, c'était fini.|couper{180}