Des gens s’avancent, mains tendues, tout sourire.

À priori, on dirait bien de la gentillesse.

Et puis vient soudain la pique qui s’insinue dans le cœur du cœur, la bévue, la maladresse des benêts ou l’habileté des âmes tortueuses.

Je me suis souvent dit que ces gentillesses-là portent tellement de préjudice à mon vieux rêve de gentillesse qu’il vaut mieux y renoncer. Surtout si je me surprends moi-même dans un reflet, une vitre, une glace, main tendue, tout sourire, mais que le cœur n’y est pas.

Donc, peut-être que croire à la gentillesse est révolu, et que pour s’en préserver il faille renouer avec un savoir-vivre presque oublié, quelque chose qu’autrefois on nommait la politesse.

Ce qui mériterait sûrement encore qu’on se penche sur le sujet.

Les gens polis excessivement m’emmerdent, évidemment, aussi.

Ils me rappellent simplement mes inaptitudes chroniques à lire le moindre mode d’emploi.

Car dans la vie de tous les jours, je suis souvent bien trop poli pour être honnête. Cependant, je ne dévalise personne, je cherche seulement à ne pas heurter, blesser, jusqu’à ce que cela me crève et que soudain j’explose en quelques bons vieux jurons de derrière les fagots.

Du coup, cela m’énerve évidemment, et je finis par ne plus voir quiconque. Je me cloître afin de me donner tranquillement et sans vergogne tout un tas de petits noms d’oiseaux.

Ma femme se moque, j’adore ça. Car c’est une réaction saine. Elle me désamorce comme ces démineurs de plages normandes, avec un timing d’une précision inouïe. Au millième de seconde, elle prévient tout bang et boum.

Du coup, elle rit, je ris à mon tour, et nous revenons à nos moutons le plus aimablement du monde.

À noter qu’être aimable n’a pas toujours grand-chose à voir avec la gentillesse ni, d’ailleurs, avec la politesse.