Refuge

Il n’y a que lorsque j’agis, lorsque je ne m’oppose pas à l’énergie qui monte du trou du cul, lorsque je ne la tartine pas de contrôle, de maîtrise, de pensée, que je suis en paix.
L’activité est le refuge.
Mais pas n’importe quelle activité. Le plus souvent ce qui est considéré par le groupe imaginaire qui m’envahit comme la plus inutile de toutes les activités : écrire ou peindre, qu’ils appellent branlette ou « faire de l’art » avec ce petit sourire entendu
Une pure perte de temps alors que je ferais bien mieux de faire mes « devoirs », de travailler dur pour obtenir de bonnes notes à l’école, de bons résultats en entreprise. Et en fermant ma bouche s’il vous plait, sans maugréer ni ricaner surtout. C’est à dire sans étaler de façon absolument inconvenante toute mon impuissance à la plus petite occasion.
Certains ont besoin des autres pour confectionner leur refuge. Ce qui correspond plutôt pour moi à un enfer.
Agir seul de préférence sans même moi, sans toute cette panoplie de simagrées humaines que constitue sans relâche ce moi, n’est-ce pas le plus beau de tous les refuges que je me serais inventé…
Comment parler de ce vernissage ? De cette solitude augmentée comme une note qu’on pousse à l’aide du petit doigt ?
Il y a là un vieux peintre dont l’atelier se situe à quelques pas de la librairie. Sympathique et presque jovial. Presque, car aussitôt je sens venir le coup fourré. Certains n’en loupent aucune, de ces occasions d’attirer l’attention, de la siphonner toute entière., c’était évident, prévu au premier coup d’œil.
Si je n’avais pas ce poids sur le cœur d’avoir perdu Lola, je pourrais sûrement en sourire. Mais ce n’est pas le cas, cette perte, cette absence me replace dans une vulnérabilité aiguë, une plaie à vif qui fait de chaque instant une possibilité de mort.
Ce vieux peintre n’y est pour rien sauf d’être ce qu’il est tout à fait en dehors de ma vision.
Et Georges qui s’en entiche, et qui les entraîne au restaurant où nous devions déjeuner pour fêter ensemble l’événement. Je me suis retrouvé en bout de table, quoique j’imagine bien, par dépit, avoir décidé par défaut de parvenir justement à ce bout de table. A bien me souvenir j’ai dit : allez-y , asseyez-vous , en attendant que tous aient choisi pour me contenter de la place restante.
Pendant tout le repas je n’ai pas cesser de me demander ce que je foutais là alors que ma chatte était quelque part, dans le froid, et à me dire : qu’à t’elle bu qu’à t’elle avalé depuis quatre jours ? Est-t’elle en vie encore ?
Rien ne tenait face à cela. Ma méchanceté seule me sert de béquille. C’est ce vieux peintre qui en prend pour son grade.
Et vas-y que je te montre mes grands formats sur New York quand j’étais sans le sou et que je peignais a même les quais du « subway » et là c’est moi aussi, c’est toujours moi au beau milieu d’un Caravage en noir et jaune et t’as vu j’ai fais fort je me suis fait la gueule de Raimbault… Georges biche, exulte, moi je sors pour fumer j’ai mon compte.
A la fin du repas il entraîne tout le monde dans son atelier qui, surprise prévisible, est justement en face.
Trévoux, joli village, une ballade en passant par la petite rue Casse-cou dont sans doute on a oublié par pudeur d’écrire la fin du mot.
Casse couille me dit mon épouse à l’oreille, on rentre ?
On a salué tout le monde en disant comme c’était bien, quel magnifique moment et cela aurait probablement été vrai si je ne portais pas un âne mort.
Post-scriptum
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Comme
Comme la mer qui cavale vers le mont Saint-Michel comme si elle allait lui faire sa fête, l'engloutir tout entier en deux coups les gros. L'air du temps me rattrape et je me mettrais bien à courir comme un dératé dans l'espoir de trouver une hauteur. En vain. C'est comme Waterloo morne plaine dans le coin. Encore pire depuis qu'il fait beau. Le soleil ne rend pas le monde plus beau il nous aveugle c'est tout. Pire je courre mais je fais du sur-place. La poisse comme le sable, la poisse comme les sables mouvants. Et la mer monte bon sang comme elle monte vite et je m'enfonce lentement. Comme un ange passe en tutu qui joue de la trompette mais mal. La fausse note m'excite me fait dresser les poils. Ta gueule l'ange je dis et ça m'extrait d'un coup des sables. Me v'la qui lévite. Comme par enchantement. L'ange se marre. Genre t'inquiète j'ai toujours raison, le con. Que t'aies la foi ou pas n'a aucune espèce d'importance. Comment on en est arrivé là ? Aucune idée j'ai juste dit comme au début et puis ensuite j'ai laissé filé pour arriver à la fin.|couper{180}
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technique mixte 70x70 cm
mai 2023 technique mixte 70x70 cm mai 2023|couper{180}
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La ramener
Il la ramenait sans arrêt. Pour un oui, un non. Sans qu’on ne lui demande quoi que ce soit. Pour passer le temps je l’imaginais aux toilettes pendant qu’il la ramenait. Son gros cul posé sur la lunette. Ou encore accroupi la tête rouge en train de pousser dans des turques. Il pouvait la ramener tant qu’il voulait. Je pouvais même le regarder dans le blanc des yeux sans ciller cependant . Il y avait même en chœur tout un raffut de sons foireux qui appuyait les images mentales. Quand il avait terminé, il disait — alors t’en pense quoi ? C’est un sale con n’est-ce pas, ou encore une belle salope tu trouve tu pas ? J’en pensais rien bien sûr, je le laissais avec sa question en suspens. Puis je me dépêchais de prétexter une course urgente avant que ça ne lui reprenne, qu’il la ramène encore sur un autre sujet. En gros toujours le même. Lui aux prises avec les dangers infinis du monde extérieur peuplé d’idiots, d’idiotes écervelées. Je me tirais au même moment où il commençait à entrouvrir la bouche de nouveau le laissant là planté comme un poisson en train d'étouffer C'était un miroir qui devait au moins faire sept mètre de long et qui faisait face au bar. Un jour qu'il la ramenait j'ai chopé un tabouret et je l'ai envoyé valdinguer dans le miroir. Il ne l'a plus ramené, c'était fini.|couper{180}