À cet instant, il éprouva la désagréable sensation de tenir des propos décousus. Lui qui avait passé sa vie à marcher sur le fil du rasoir, veillant à ne jamais sombrer dans l’irrationnel ou le déraisonnable, s’écoutait parler. L’étonnement le captiva au point qu’il n’osa pas s’interrompre. Pour une fois, il décida de suivre cette pente.

Le paysage qui se dessinait devant lui ressemblait à une vallée traversée par un large fleuve. À l’ouest, la masse sombre des usines, à l’est, des montagnes. Peut-être était-ce la fin d’une belle journée ensoleillée, car les usines ne semblaient pas hostiles. Au contraire, il leur découvrit une beauté inédite. C’était exactement le genre de propos qu’il ne tenait jamais. Il venait de les dire à voix haute à la femme qui conduisait, mais n’avait obtenu aucune réponse.