Quelques améliorations apportées au site — le nom de l’auteur retiré — on ajuste des détails pour que les textes soient plus explicites, surtout dans la rubrique « Fictions ». Des titres, des sous-titres, un chapeau — comme une invitation à la distance, à la révision. Reprendre ces fragments en les relisant avec un regard d’étranger, détaché, pour voir ce qui surgit quand on laisse l’autre en soi s’en emparer.

Un agenda installé sur le site en local, accompagné d’un plugin — tarteaucitron — pour la politique de confidentialité. Mais le script reste obscur, il faudra revoir. L’irritation monte, cette réflexion lancinante ne cesse de rôder : Tout cela ne sert à rien. Cela n’améliorera pas le monde. Alors on se raccroche à cette poétique enfantine, comme une vieille berceuse. Oublier le duel éculé entre nature et culture. Et si la vieille mobylette bleue dont je me souviens devenait plus qu’un objet ? Peut-être un être, au même titre que nous, que les arbres, les pierres, les idées confuses du bien et du mal, comme des éléments d’un tout qui nous dépasse.

Le mot « enfantin » revient, s’entête. Il questionne l’enfance et l’âge adulte en creux, comme une cicatrice. Pourquoi faudrait-il trancher ? On est tous responsables ou bien personne ne l’est vraiment. Comment écrire à partir de ce point de vue sans retomber dans l’usure de la dualité, du contraste facile ? Peut-être que la sagesse est d’accepter d’aller jusqu’au bout du personnage, sans changer de cap à chaque virage. Reconnaître qu’on a beaucoup erré, qu’on ne retrouvera probablement plus la maison d’origine. Il y a des choses liées au temps, aux actes commis, à ceux que nous avons été, et à ceux que nous serons encore avant de n’être plus que soupir ou ombre.

On ne revient pas en arrière impunément. Quelque chose en nous l’interdit, une loi obscure qui, si on l’enfreint, nous dévaste. Tout ce qui est contre-nature nous dévaste.

Nos marches, à S. et moi, s’étendent maintenant sur une heure quotidienne. On explore les alentours de Sablons, de Serrières, sur des chemins familiers et pourtant toujours nouveaux. Hier, l’étrange apparition d’un homme tirant un caddy encombré. Toute sa vie débordait de part et d’autre de l’engin brinquebalant. Sur un bon kilomètre le long du Rhône, nous l’avons suivi. Le caddy, ses roulettes indépendantes en désaccord, semblait résister, tirant l’homme plus qu’il ne le poussait.

Je l’observe, et une réplique de film ressurgit, comme une bouffée de mémoire : « Il faut que tu sois toujours prêt à tout quitter en moins de cinq minutes. » Cette phrase, sortie du néant, m’arrache à ma contemplation. Si je redevenais ce vagabond, me dis-je, je n’aurais besoin de presque rien. Pas de ce bazar pesant à traîner. Seulement l’essentiel, une poignée de souvenirs, les pensées qui tiennent chaud.

Le caddy devient plus qu’un simple accessoire de fortune ; il incarne un fardeau que l’on traîne et qui finit par nous guider, bien plus qu’on ne le maîtrise. Les objets emportés ne sont pas anodins ; ils portent les histoires accumulées, les poids invisibles de ce que l’on ne sait pas abandonner. Et moi, dans ce reflet, je revois ce vieux dilemme : tout quitter ou tout porter.

Marcher en suivant cet homme me renvoie à une autre époque, celle des routes ouvertes et de l’absence de racines. Mais aujourd’hui, ce caddy dépareillé, indocile, est une image parfaite de la difficulté à avancer sans trébucher sur ce qu’on emporte avec soi.