17 septembre 2024
Dans quelle mesure — peut-on le mesurer — pourquoi le mesurer — ce besoin perpétuel de mesure. L’expression s’associe au ruban souple et gradué — mètre de couturière dans la main de la mère — ou encore posé sur le plan de travail. Cela me fait penser aussitôt à un serpent : la tentation de la mesure.
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Si l’on sort de la mesure, entre-t-on dans la démesure, le délire, les déboires, la déroute ?
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Soudain ce nom oublié — Mesureur — un camarade de classe. Mais infichu de retrouver le lieu, l’époque, juste un brouillard et ce nom — Mesureur.
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La notion d’arpenter se rapproche de mesurer — un trajet, une distance, un certain nombre de pas — mesurer en perches (carrées) une superficie — si proche de la superficialité. Voici une association qu’on ne devrait pas faire, mais comment s’en défaire une fois que c’est fait ? Grande confusion, erreur de logique, qui ne reste pas sans conséquence.
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Comment mesurer la superficie de sa propre imbécilité ? Jusqu’où se loge le démon de la mesure ?
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Se repérer, s’orienter — mais où suis-je en même temps que qui suis-je — quel est le bon ordre des questions — Qui, que, quoi, donc où ?
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Impossible d’en mesurer la portée — rétif au solfège par ricochet — les ondes concentriques s’enfuient à partir de cette impossibilité — il apprend la musique à l’oreille, la fameuse méthode empirique — détestable entre toutes d’après le professeur de mathématiques.
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La démesure est toujours une proportion de l’idée de mesure — inversez la proposition, et il est possible que ce soit plausible — l’écrire noir sur blanc : L’idée de la mesure est toujours en proportion d’une démesure — comme le conscient est en rapport avec l’inconscient — la raison est en rapport avec la folie — être en rapport, c’est être en relation — souvent, cela n’a aucun rapport, lui dit-on, avec ce petit ton tout à fait ridicule et hautain que certains affectionnent — mais non, rien à voir, ça n’a aucun rapport !
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Tout bien pesé, il s’empêtre surtout dans ses scrupules — ce qui, au bout du compte, ne donne aucun poids à ses propos.
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Estimer une distance, un rapport, une proportion — l’accent mis sur cette qualité de l’œil pour bien dessiner — il y a aussi le mot accommoder — s’accommoder peu à peu à l’obscurité — on s’accommode toujours peu à peu, ce n’est jamais immédiat — cela prend du temps. S’accommoder ainsi d’une vie entière, s’accommoder d’une chaussure trop serrée — il faut que ça se fasse, comme si c’était une donnée incontournable.
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Hors la loi par ignorance, car nul n’est censé l’ignorer — puis, péniblement, on apprend que ceux qui font les lois les appliquent rarement — un malin plaisir à contourner la loi. Avec l’apprentissage de la mesure s’étend soudain toute l’iniquité qui nous entoure — creuser un sillon, marcher droit, porter des œillères pour ne pas dévier de la ligne droite — se concentrer sur une idée de rectitude — la tentation toujours de penser que cette rectitude est synonyme de ridicule — comme si l’on était soudain happé par l’esprit du siècle, qu’on ne puisse s’en débarrasser, s’en défaire.
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Le rapprochement intempestif entre plaisir, jouissance, joie, hystérie — confusion due à l’absence de proportion, de mesure, à l’ignorance.
Pour continuer
Carnets | septembre 2024
Habiter l’inhabitable
Des chambres d’hôtel. Trop de chambres. Barbès, Château Rouge, Goutte d’Or. Endroits fatigués. Draps humides. Odeur de moisi et de parfums sans nom. Des lieux de passage. Pas faits pour rester. Et pourtant, j’y reviens. L’habitude s’installe. Je reconnais le sol qui grince, les heures de lumière, les cris de la rue. Je sais où poser mes affaires. Ce qui m’avait semblé inhabitable devient vivable. Pas confortable. Vivable. Je me surprends à m’y sentir presque chez moi. L’inhabituel devient un décor. Une routine. Je ne cherche plus à décorer, juste à survivre. Et parfois, au petit matin, une lumière douce. Un silence rare. Quelques secondes d’apaisement. Suffisantes pour tenir. Je ne hais plus ces chambres. J’y dépose des souvenirs sans le vouloir. J’habite sans y croire. Mais j’habite quand même. Et c’est peut-être ça, habiter l’inhabitable. Ne plus fuir. S’adosser à ce qu’on a. Même si c’est gris, froid, temporaire. Parce que dans le pire, on finit par trouver un détail qui retient. Une lueur. Un appui.|couper{180}
Carnets | septembre 2024
24 septembre 2024
Le narrateur revient dans son village d’enfance, un lieu qui porte encore son nom mais a changé au point de devenir méconnaissable. Entre souvenirs enfouis et rencontres inattendues, il tente de comprendre ce qui a disparu.|couper{180}
Carnets | septembre 2024
22 septembre 2024
Alors que le site se construit, des pensées lancinantes s’invitent : à quoi bon ? Saisir la distance pour revisiter ces fragments comme écrits par un autre, un étranger. Des marches le long du Rhône, la rencontre avec un homme et son caddy brinquebalant, et une mobylette bleue qui ressurgit du passé… Dans ce carnet littéraire, la réalité se mêle à la fiction, explorant ce que l’on traîne en soi, et ce qu’il faudrait peut-être apprendre à lâcher.|couper{180}
