Dans quelle mesure — peut-on le mesurer — pourquoi le mesurer — ce besoin perpétuel de mesure. L’expression s’associe au ruban souple et gradué — mètre de couturière dans la main de la mère — ou encore posé sur le plan de travail. Cela me fait penser aussitôt à un serpent : la tentation de la mesure.

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Si l’on sort de la mesure, entre-t-on dans la démesure, le délire, les déboires, la déroute ?

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Soudain ce nom oublié — Mesureur — un camarade de classe. Mais infichu de retrouver le lieu, l’époque, juste un brouillard et ce nom — Mesureur.

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La notion d’arpenter se rapproche de mesurer — un trajet, une distance, un certain nombre de pas — mesurer en perches (carrées) une superficie — si proche de la superficialité. Voici une association qu’on ne devrait pas faire, mais comment s’en défaire une fois que c’est fait ? Grande confusion, erreur de logique, qui ne reste pas sans conséquence.

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Comment mesurer la superficie de sa propre imbécilité ? Jusqu’où se loge le démon de la mesure ?

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Se repérer, s’orienter — mais où suis-je en même temps que qui suis-je — quel est le bon ordre des questions — Qui, que, quoi, donc où ?

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Impossible d’en mesurer la portée — rétif au solfège par ricochet — les ondes concentriques s’enfuient à partir de cette impossibilité — il apprend la musique à l’oreille, la fameuse méthode empirique — détestable entre toutes d’après le professeur de mathématiques.

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La démesure est toujours une proportion de l’idée de mesure — inversez la proposition, et il est possible que ce soit plausible — l’écrire noir sur blanc : L’idée de la mesure est toujours en proportion d’une démesure — comme le conscient est en rapport avec l’inconscient — la raison est en rapport avec la folie — être en rapport, c’est être en relation — souvent, cela n’a aucun rapport, lui dit-on, avec ce petit ton tout à fait ridicule et hautain que certains affectionnent — mais non, rien à voir, ça n’a aucun rapport !

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Tout bien pesé, il s’empêtre surtout dans ses scrupules — ce qui, au bout du compte, ne donne aucun poids à ses propos.

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Estimer une distance, un rapport, une proportion — l’accent mis sur cette qualité de l’œil pour bien dessiner — il y a aussi le mot accommoder — s’accommoder peu à peu à l’obscurité — on s’accommode toujours peu à peu, ce n’est jamais immédiat — cela prend du temps. S’accommoder ainsi d’une vie entière, s’accommoder d’une chaussure trop serrée — il faut que ça se fasse, comme si c’était une donnée incontournable.

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Hors la loi par ignorance, car nul n’est censé l’ignorer — puis, péniblement, on apprend que ceux qui font les lois les appliquent rarement — un malin plaisir à contourner la loi. Avec l’apprentissage de la mesure s’étend soudain toute l’iniquité qui nous entoure — creuser un sillon, marcher droit, porter des œillères pour ne pas dévier de la ligne droite — se concentrer sur une idée de rectitude — la tentation toujours de penser que cette rectitude est synonyme de ridicule — comme si l’on était soudain happé par l’esprit du siècle, qu’on ne puisse s’en débarrasser, s’en défaire.

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Le rapprochement intempestif entre plaisir, jouissance, joie, hystérie — confusion due à l’absence de proportion, de mesure, à l’ignorance.