Bleu de céruléum
Les règles existent, même si de moins en moins de personnes s’en soucient, ou passent le plus clair de leur temps à les contourner par profit, par intérêt égoïste. En peinture aussi il y a quelques règles. On peut parfois les remette en question, ne pas les appliquer bêtement. Ainsi cette règle de ne pas appliquer directement sur la toile la couleur qui sort du tube. une règle que j’applique bêtement depuis des années. Je cherchais une ombre qui ne soit pas bouchée sur un tableau que je reprends presque 40 ans après… une toile que m’avait inspiré le souvenir de ma grand-mère maternelle. De mémoire, sans photographie. C’est d’ailleurs un stage que je propose parfois. Peindre un membre de sa famille, un proche, de mémoire uniquement. Bref. J’avais ce tube de bleu de céruléum, je l’ai pressé et j’ai directement pioché dans la couleur pure pour la placer sur les ombres de la toile. Je travaille toujours sans aucun médium avec mon petit pinceau ce qui m’oblige à prendre le temps, à tirer la peinture mais pas trop, il faut souvent recharger le pinceau. Et la soudain, l’émotion provoquée par la beauté du bleu pur sur les couches antérieures noires. J’ai pensé à Matisse, c’est dans mon esprit la même émotion que j’avais éprouvée en regardant ses toiles, le bleu de la danse notamment. Le jaune est venu ensuite, le contraste du jaune et du bleu. J’ai juste ajouté un peu de blanc dans le jaune pour qu’il n’envahisse pas toute la toile.
Il y a de nombreuses erreurs dans ce tableau, un aspect naïf. je ne sais pas encore si je les corrigerai. Pas bien important de corriger ça et là, un trait, une ombre, une lumière, pour que ce soit plus ressemblant. Le sujet est un prétexte au placement des couleurs. Que ce soit figuratif ou pas je reviens toujours à cela finalement. Créer une atmosphère, une ambiance par les couleurs essentiellement. Le fait de se diriger vers une économie de moyens de plus en plus serrée, d’essayer d’aller au plus simple après toutes les complications traversées. Dans les textes aussi probablement. Moins de choses. Des règles simples à appliquer parce qu’on sait pourquoi on les a crées.
Pourquoi reprendre cette toile soudain… sans doute le texte écrit sur Marengo y est-il pour quelque chose, et aussi le séjour de la petite dame, ma belle-mère, ces quelques jours à l’écouter ressasser ses souvenirs d’enfant. La fragilité, la vulnérabilité, novembre. Et aussi le décès de la mère d’une de mes élèves, 102 ans comme Soulages. J’ai été réparer une imprimante chez elle. Elle était à la fois triste et soulagée par cette disparition. Triste et soulagé de mon côté d’abandonner ces règles qui finalement proposent plus d’entraves de difficultés inutiles par rapport à ce que l’on veut vraiment faire ou dire. Faire avec ce que l’on a. Il y a des années que je tourne autour de cette idée, abandonnée plusieurs fois, en raison de tout un tas d’excuses que l’on se donne à soi-même pour justement ne pas rentrer dans le dur, dans le véritable travail. Sans doute en raison surtout de la peur d’y parvenir, mais parvenir à quoi finalement… une notoriété, plus d’argent, toutes ces choses que l’on connaît déjà plus ou moins et qui nous éloignent souvent de ce qui se produit entre la couleur et soi. Qui nous prive de l’aptitude surtout à creuser cette relation, de s’y enfouir totalement, quelqu’en soit le risque.
Grand-mère, huile sur toile en cours
Post-scriptum
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Comme
Comme la mer qui cavale vers le mont Saint-Michel comme si elle allait lui faire sa fête, l'engloutir tout entier en deux coups les gros. L'air du temps me rattrape et je me mettrais bien à courir comme un dératé dans l'espoir de trouver une hauteur. En vain. C'est comme Waterloo morne plaine dans le coin. Encore pire depuis qu'il fait beau. Le soleil ne rend pas le monde plus beau il nous aveugle c'est tout. Pire je courre mais je fais du sur-place. La poisse comme le sable, la poisse comme les sables mouvants. Et la mer monte bon sang comme elle monte vite et je m'enfonce lentement. Comme un ange passe en tutu qui joue de la trompette mais mal. La fausse note m'excite me fait dresser les poils. Ta gueule l'ange je dis et ça m'extrait d'un coup des sables. Me v'la qui lévite. Comme par enchantement. L'ange se marre. Genre t'inquiète j'ai toujours raison, le con. Que t'aies la foi ou pas n'a aucune espèce d'importance. Comment on en est arrivé là ? Aucune idée j'ai juste dit comme au début et puis ensuite j'ai laissé filé pour arriver à la fin.|couper{180}
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technique mixte 70x70 cm
mai 2023 technique mixte 70x70 cm mai 2023|couper{180}
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La ramener
Il la ramenait sans arrêt. Pour un oui, un non. Sans qu’on ne lui demande quoi que ce soit. Pour passer le temps je l’imaginais aux toilettes pendant qu’il la ramenait. Son gros cul posé sur la lunette. Ou encore accroupi la tête rouge en train de pousser dans des turques. Il pouvait la ramener tant qu’il voulait. Je pouvais même le regarder dans le blanc des yeux sans ciller cependant . Il y avait même en chœur tout un raffut de sons foireux qui appuyait les images mentales. Quand il avait terminé, il disait — alors t’en pense quoi ? C’est un sale con n’est-ce pas, ou encore une belle salope tu trouve tu pas ? J’en pensais rien bien sûr, je le laissais avec sa question en suspens. Puis je me dépêchais de prétexter une course urgente avant que ça ne lui reprenne, qu’il la ramène encore sur un autre sujet. En gros toujours le même. Lui aux prises avec les dangers infinis du monde extérieur peuplé d’idiots, d’idiotes écervelées. Je me tirais au même moment où il commençait à entrouvrir la bouche de nouveau le laissant là planté comme un poisson en train d'étouffer C'était un miroir qui devait au moins faire sept mètre de long et qui faisait face au bar. Un jour qu'il la ramenait j'ai chopé un tabouret et je l'ai envoyé valdinguer dans le miroir. Il ne l'a plus ramené, c'était fini.|couper{180}