Carnet 33
" On aura dans ces 40 exercices des lignes verticales traversantes : les propositions du lundi, par exemple. Depuis quelques jours, on est résolument dans l’exploration mentale. Baudelaire, son « vieux meuble à tiroirs, encombré de vers, de billets doux, de romances... », laissons tomber billets doux et romances, gardons l’encombré, gardons le vieux meuble à tiroirs... On en a ouvert plusieurs. L’idée aujourd’hui serait de considérer plutôt ce qui nous reste d’espace, l’air ou le vide, la place nette sur le sol s’il en reste, ou un peu d’horizon loin. Le meuble et ses tiroirs, justement le laisser fermé. Procrastiner, repousser les problèmes et les factures à demain : pas forcément (encore que, justement, puisque c’est lundi). Même si tellement peu d’espace, même si zones d’ombre et du bruit, même si souffler ou respirer c’est si peu d’interstice. Construire le vide on fait comment. Construire la non-dépendance on fait comment. On travaille sur soi comment, pour arrêter le monde. C’est les yeux ? C’est cet exercice magique de laisser quelques secondes la langue au repos au fond de la bouche. C’est imaginer que les murs, le sol, le plafond et l’espace se distendent, que marcher jusqu’au mur serait impossible tellement il est loin ? Celles et ceux qui travaillent la méditation savent bien comme c’est une activité épuisante, qu’on doit apprendre de l’intérieur même de cette activité à s’offrir un temps ouvert, où l’attention pourra se suspendre, le corps s’alléger dans sa pleine conscience même. Mais pas question de déborder dans un domaine qui n’est pas le mien. Il y a ce temps particulier que connaissent les acteurs dans les minutes précédents que ça commence : certains dorment, allongés là bord de plateau, j’en ai connu. Il y a cela pour la musique aussi : les secondes d’avant jouer, voire dans le très léger changement d’équilibre ou de point de gravité du corps en franchissant ce mince espace des coulisses à la scène. Et en écriture, on se vide comment, pour qu’écrire soit libre ? Je cherche dans les livres qui m’entourent (j’ai fait le ménage par le vide, toute cette journée, plus moyen de poser les pieds par terre – je parle des pieds photo – dans ce bureau) : ceux qui me viennent les premiers sont plutôt les livres issus du théâtre, les notes aux acteurs d’Edward Bond, les textes de Tadeusz Kantor ou Jerzy Grotowsky, ou dans Le théâtre des paroles, de Valère Novarina : « C’est pour étouffer l’boucan des corps ». Et juste après : « Il entend la langue sans parole. Il danse ce qui n’est pas là. Il danse dans l’espacer qui n’est pas là. En chant muet, en langue sans parole, en danse immobile. » Et vous, comment faites-vous le vide en vous ? Comment vous vous y prenez en pleine journée, dans l’encombrement du jour ? Moi souvent c’est en promenant un livre, comme aujourd’hui Kamo No Chômei. Est-ce qu’on peut en parler, de cette construction du vide ? Ou du vide lui-même, si provisoire qu’on y atteigne ? " Proposition 33/40 Atelier d’écriture le grand carnet FB Tierslivre
Comme deux mains qui se rejoignent enfin, arrêter le monde. Devenir le monde. La toile et le roc une seule respiration. bruit et silence suspendus à la touche du pinceau. Un trait, ne pas revenir dessus. Laisser venir ce qui est.


trois visages imaginaires réalisations du jour
Post-scriptum
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Comme
Comme la mer qui cavale vers le mont Saint-Michel comme si elle allait lui faire sa fête, l'engloutir tout entier en deux coups les gros. L'air du temps me rattrape et je me mettrais bien à courir comme un dératé dans l'espoir de trouver une hauteur. En vain. C'est comme Waterloo morne plaine dans le coin. Encore pire depuis qu'il fait beau. Le soleil ne rend pas le monde plus beau il nous aveugle c'est tout. Pire je courre mais je fais du sur-place. La poisse comme le sable, la poisse comme les sables mouvants. Et la mer monte bon sang comme elle monte vite et je m'enfonce lentement. Comme un ange passe en tutu qui joue de la trompette mais mal. La fausse note m'excite me fait dresser les poils. Ta gueule l'ange je dis et ça m'extrait d'un coup des sables. Me v'la qui lévite. Comme par enchantement. L'ange se marre. Genre t'inquiète j'ai toujours raison, le con. Que t'aies la foi ou pas n'a aucune espèce d'importance. Comment on en est arrivé là ? Aucune idée j'ai juste dit comme au début et puis ensuite j'ai laissé filé pour arriver à la fin.|couper{180}
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technique mixte 70x70 cm
mai 2023 technique mixte 70x70 cm mai 2023|couper{180}
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La ramener
Il la ramenait sans arrêt. Pour un oui, un non. Sans qu’on ne lui demande quoi que ce soit. Pour passer le temps je l’imaginais aux toilettes pendant qu’il la ramenait. Son gros cul posé sur la lunette. Ou encore accroupi la tête rouge en train de pousser dans des turques. Il pouvait la ramener tant qu’il voulait. Je pouvais même le regarder dans le blanc des yeux sans ciller cependant . Il y avait même en chœur tout un raffut de sons foireux qui appuyait les images mentales. Quand il avait terminé, il disait — alors t’en pense quoi ? C’est un sale con n’est-ce pas, ou encore une belle salope tu trouve tu pas ? J’en pensais rien bien sûr, je le laissais avec sa question en suspens. Puis je me dépêchais de prétexter une course urgente avant que ça ne lui reprenne, qu’il la ramène encore sur un autre sujet. En gros toujours le même. Lui aux prises avec les dangers infinis du monde extérieur peuplé d’idiots, d’idiotes écervelées. Je me tirais au même moment où il commençait à entrouvrir la bouche de nouveau le laissant là planté comme un poisson en train d'étouffer C'était un miroir qui devait au moins faire sept mètre de long et qui faisait face au bar. Un jour qu'il la ramenait j'ai chopé un tabouret et je l'ai envoyé valdinguer dans le miroir. Il ne l'a plus ramené, c'était fini.|couper{180}