Carnet 39
Pour l’antépénultième, un secret. Conversation entre Wittgenstein et Derrida « Ce qu’on ne peut pas dire, il ne faut surtout pas le taire, mais il faut l’écrire. » ( proposition complète à voir sur le site du Tierslivre.)
Dans cette proposition une phrase attire plus mon attention que toutes les autres.
"Le secret serait ce qui nous permet de rester vivant dans l’espace total que constituent nos relations et de résister à ce qu’elles accaparent de nous."
Drôle de phrase. J’aurais souvent pensé que c’était exactement le contraire. Que le secret entrainait la mort dans cet espace relationnel. Quant à la peur d’être accaparé par ces relations un simple non, formulé ou pas, suffit souvent pour y résister. Et puis que peut-il encore y avoir de secret à préserver de nos jours alors que toute notre vie est étalée, en pâture à des groupes des individus dont nous ignorons tout des intentions. Des secrets terriblement banals, ordinaires finalement. Des secrets de Polichinelles. Des routines de secrets, des algorithmes de secrets.
Cependant il y a un secret qui résiste à toutes les définitions habituelles du mot. Le cœur de l’oignon une fois qu’on aura ôté toutes les couches d’ épluchures. La plupart n’y verront qu’un simple germe, voire rien. C’est là le grand secret à partir de quoi un légume comme n’importe quel être vivant se constitue. Un germe ou un vide selon le point de vue que l’on voudra bien adopter.
Il faudrait faire l’inventaire de ces secrets de Polichinelle. Dépiauter toutes les couches de l’oignon. Observer toutes ces hontes, ces culpabilités , ces remords et regrets comme tous les actes minuscules de bravoure quotidiens dont on a oublié souvent de s’enorgueillir parce que l’on considérait cela comme normal, ordinaire, banal justement.
Le secret c’est que nous sommes chacun au fond de nous-mêmes : uniques. Ce secret exige de posséder une langue unique également. Une seule langue mais inutilisable et avec laquelle il nous est extrêmement difficile d’’échanger, c’est pourquoi nous devons sans relâche la traduire, ce qui n’est pas toujours heureux pour la plupart d’entre nous. D’autres encore préfèreront se taire à l’appui de l’à quoi bon.
Sans doute que l’écriture est ce domaine où s’élabore en continue le projet de dire ce secret, souvent en vain. Toujours en vain. On peut en faire des livres bien sur, des blogs, des articles de blog. Le secret du secret est que pour durer on ne puisse jamais être en mesure d’en parler réellement, mais qu’il est une impossibilité heureuse, nécessaire à toute construction du possible.
Aucune peur de dire l’ensemble de mes vices et vertus sous cet éclairage. Car cela ne regarde que le personnage obligé naviguant dans le social, produit en grande partie par celui-ci. Et puis je ne m’accroche pas tant aux relations que je doive leur plaire, les séduire, négocier, marchander. Avec l’âge on me prend comme je suis ou on ne me prend pas du tout, cela ne m’entame plus comme autrefois.
Sinon l’auteur reste secret par nature. Même "moi" n’entretiens avec lui que des relations d’usage, sans véritable intimité. D’ailleurs je ne lui demande pas ce copinage, cette familiarité, j’apprécie qu’il reste secret ce qui me permet à moi de ne pas l’être du tout.
Pour illustrer l’article et un peu l’état d’esprit du moment quelques images réalisées au crayon de couleur ou au pastel de tous petits formats avec un minimum de moyens alors que parallèlement je rêve d’un lieu immense où créer des femmes gigantesques ( rire )



Post-scriptum
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Comme
Comme la mer qui cavale vers le mont Saint-Michel comme si elle allait lui faire sa fête, l'engloutir tout entier en deux coups les gros. L'air du temps me rattrape et je me mettrais bien à courir comme un dératé dans l'espoir de trouver une hauteur. En vain. C'est comme Waterloo morne plaine dans le coin. Encore pire depuis qu'il fait beau. Le soleil ne rend pas le monde plus beau il nous aveugle c'est tout. Pire je courre mais je fais du sur-place. La poisse comme le sable, la poisse comme les sables mouvants. Et la mer monte bon sang comme elle monte vite et je m'enfonce lentement. Comme un ange passe en tutu qui joue de la trompette mais mal. La fausse note m'excite me fait dresser les poils. Ta gueule l'ange je dis et ça m'extrait d'un coup des sables. Me v'la qui lévite. Comme par enchantement. L'ange se marre. Genre t'inquiète j'ai toujours raison, le con. Que t'aies la foi ou pas n'a aucune espèce d'importance. Comment on en est arrivé là ? Aucune idée j'ai juste dit comme au début et puis ensuite j'ai laissé filé pour arriver à la fin.|couper{180}
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technique mixte 70x70 cm
mai 2023 technique mixte 70x70 cm mai 2023|couper{180}
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La ramener
Il la ramenait sans arrêt. Pour un oui, un non. Sans qu’on ne lui demande quoi que ce soit. Pour passer le temps je l’imaginais aux toilettes pendant qu’il la ramenait. Son gros cul posé sur la lunette. Ou encore accroupi la tête rouge en train de pousser dans des turques. Il pouvait la ramener tant qu’il voulait. Je pouvais même le regarder dans le blanc des yeux sans ciller cependant . Il y avait même en chœur tout un raffut de sons foireux qui appuyait les images mentales. Quand il avait terminé, il disait — alors t’en pense quoi ? C’est un sale con n’est-ce pas, ou encore une belle salope tu trouve tu pas ? J’en pensais rien bien sûr, je le laissais avec sa question en suspens. Puis je me dépêchais de prétexter une course urgente avant que ça ne lui reprenne, qu’il la ramène encore sur un autre sujet. En gros toujours le même. Lui aux prises avec les dangers infinis du monde extérieur peuplé d’idiots, d’idiotes écervelées. Je me tirais au même moment où il commençait à entrouvrir la bouche de nouveau le laissant là planté comme un poisson en train d'étouffer C'était un miroir qui devait au moins faire sept mètre de long et qui faisait face au bar. Un jour qu'il la ramenait j'ai chopé un tabouret et je l'ai envoyé valdinguer dans le miroir. Il ne l'a plus ramené, c'était fini.|couper{180}