Ce qui ne sert à rien

Toujours cette tentation de vouloir se reprendre en main comme autrefois on disait se recueillir. En pratiquant une forme plus ou moins idiote d’ascétisme. Arrêter la cigarette, marcher deux heures dans la campagne, supprimer le pain, les écrans durant toute une plage horaire, arrêter de ruminer toute la sainte journée, écrire un plan annuel mensuel hebdomadaire et quotidien, boire deux litres d’eau, réaliser dix toiles en même temps, être aimable avec tout le monde, se forcer à téléphoner à voir une ou deux personnes choisies par ordre d’affinité dans le carnet d’adresses, lire un livre, remplacer le café par du thé, ne pas trop juger les inepties, respirer être totalement conscient de respirer. Et puis ce serait difficile mais il fallait s’obstiner : écouter ses cheveux pousser.

Est-ce que ça changerait quelque chose vraiment ? Il essayait de visualiser ce que cela pourrait donner de se reprendre en main de se recueillir ainsi et il fut secoué d’un grand rire.

Finalement il préféra s’attacher à une forme d’humilité étonnante qui un instant lui fit un clin d’œil avant de vouloir disparaître entre ses sempiternelles pensées. Il la rattrapa un extremis et la tenant entre le pouce et l’index il l’observa attentivement.

A quoi cela servirait il de vouloir changer désormais à son âge etait il encore si orgueilleux de vouloir imaginer changer , prétendait il sans rire vraiment posséder un tel pouvoir sur lui-même.

Le rire s’apaisa et il laissa la place à un sourire. Être qui on est tel qu’on est, transporter avec soi tout ce qu’on imagine utile comme l’inutile lui sembla soudain la plus loyale de toutes les positions qu’il n’avait jamais adoptées au cours de sa longue vie.

Il alla remplir à nouveau sa tasse de café, alluma une cigarette et regarda au dessus les toits les oiseaux s’ébattre comme rendus ivres par le bleu du ciel.

Post-scriptum

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Comme

Comme la mer qui cavale vers le mont Saint-Michel comme si elle allait lui faire sa fête, l'engloutir tout entier en deux coups les gros. L'air du temps me rattrape et je me mettrais bien à courir comme un dératé dans l'espoir de trouver une hauteur. En vain. C'est comme Waterloo morne plaine dans le coin. Encore pire depuis qu'il fait beau. Le soleil ne rend pas le monde plus beau il nous aveugle c'est tout. Pire je courre mais je fais du sur-place. La poisse comme le sable, la poisse comme les sables mouvants. Et la mer monte bon sang comme elle monte vite et je m'enfonce lentement. Comme un ange passe en tutu qui joue de la trompette mais mal. La fausse note m'excite me fait dresser les poils. Ta gueule l'ange je dis et ça m'extrait d'un coup des sables. Me v'la qui lévite. Comme par enchantement. L'ange se marre. Genre t'inquiète j'ai toujours raison, le con. Que t'aies la foi ou pas n'a aucune espèce d'importance. Comment on en est arrivé là ? Aucune idée j'ai juste dit comme au début et puis ensuite j'ai laissé filé pour arriver à la fin.|couper{180}

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mai 2023 technique mixte 70x70 cm mai 2023|couper{180}

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La ramener

Il la ramenait sans arrêt. Pour un oui, un non. Sans qu’on ne lui demande quoi que ce soit. Pour passer le temps je l’imaginais aux toilettes pendant qu’il la ramenait. Son gros cul posé sur la lunette. Ou encore accroupi la tête rouge en train de pousser dans des turques. Il pouvait la ramener tant qu’il voulait. Je pouvais même le regarder dans le blanc des yeux sans ciller cependant . Il y avait même en chœur tout un raffut de sons foireux qui appuyait les images mentales. Quand il avait terminé, il disait — alors t’en pense quoi ? C’est un sale con n’est-ce pas, ou encore une belle salope tu trouve tu pas ? J’en pensais rien bien sûr, je le laissais avec sa question en suspens. Puis je me dépêchais de prétexter une course urgente avant que ça ne lui reprenne, qu’il la ramène encore sur un autre sujet. En gros toujours le même. Lui aux prises avec les dangers infinis du monde extérieur peuplé d’idiots, d’idiotes écervelées. Je me tirais au même moment où il commençait à entrouvrir la bouche de nouveau le laissant là planté comme un poisson en train d'étouffer C'était un miroir qui devait au moins faire sept mètre de long et qui faisait face au bar. Un jour qu'il la ramenait j'ai chopé un tabouret et je l'ai envoyé valdinguer dans le miroir. Il ne l'a plus ramené, c'était fini.|couper{180}

La ramener