Encore une tentative de discours. ( note pour le vernissage de l’exposition)

En tant que peintre il faut que je me souvienne d’une chose importante, tout comme un commerçant devrait encore s’en souvenir aujourd’hui : Le public comme le client est roi !

C’est à dire qu’il peut régner un instant sur ma notoriété, mon prestige, et même pour me le prouver parfois m’acheter quelques œuvres comme cela s’est déjà produit , et j’espère bien que cela arrivera encore.

Mais tout roi qu’il est il ne règne pas sur la source de cette peinture, j’ai mis un certain temps à comprendre le mot liberté.

Je ne suis pas obsédé par la notoriété, pas plus que par le prestige, et mon travail de professeur me permettant de vivre je ne cours pas non plus outre mesure vers le "chaland"

Ce qui me préoccupe souvent en revanche c’est de trouver dans le particulier de ma propre vie, dans l’extraordinaire comme dans la banalité de ma propre vie quelque chose pouvant se décliner de façon universelle.

Dans une époque où l’humanisme n’a plus vraiment le vent en poupe c’est assez gonflé je vous l’accorde.

Ce soir c’est le vernissage de cette exposition que j’ai voulu nommer "voyage intérieur". Et si j’ai des doutes ils ne portent que sur la qualité de cette transmission du particulier vers l’universel, cet universel qui s’incarne en toi ( public chéri) venu malgré la pluie voir mes tableaux.

Peut-être parlera t’on d’esthétique, de composition, de beau et de laid, de force ou de faiblesse, ce ne sera comme d’habitude que le brouhaha naturel accompagnant tout vernissage.

Je ne me réjouis pas plus que je ne m’offusque . .et certainement j’essaierai de faire attention à la qualité de silence sous ce brouhaha, pour savoir si c’est un silence paisible ou autre chose. Car c’est à partir de ce silence que la musique, l’harmonie, peut naitre ou pas.

Que dire vraiment à haute voix d’un tableau ? Comment dire l’intime ? C’est pour cela que la plupart d’entre nous utilisions les termes j’aime ou je n’aime pas, c’est beau, c’est moche. Quelque chose nous touche en bien ou en mal et nous avons souvent du mal à l’exprimer autrement qu’ainsi.

Il n’est pas question pour moi de juger ce brouhaha, ni de me l’approprier en bien ou en mal, c’est l’émanation de cet universel tel qu’il arrive au monde par l’intermédiaire des personnes réunies dans une pièce face à un événement.

Car c’est un événement, en tous cas pour moi que de montrer mon travail ici, au centre culturel de Champvillard, à Irigny. C’est un événement pour moi de montrer quelques étapes de ce voyage intérieur qu’est ma vie de peintre, ma vie tout simplement.

Je prépare cette exposition depuis longtemps et je l’imaginais exhaustive comme une espèce de rétrospective tant cela me tient à cœur de partager enfin toutes ces découvertes , ces difficultés, ces écueils aussi. C’était évidemment exagéré.

C’est là un défaut majeur de cette volonté de partage et probablement aussi des mes doutes perpétuels que de vouloir tout expliquer dans le menu.

Ma compagne résume cela beaucoup plus simplement d’habitude , elle me donne un coup de coude discret accompagné d’un "arrête d’en faire des tonnes."

J’ai rédigé de nombreux textes depuis plus de deux ans désormais autour de ce moment sans pour autant parvenir à la satisfaction de toucher vraiment au but par les mots.

Et c’est normal finalement puisque je passe plus de temps à peindre qu’à écrire.

Parmi toutes ces tentatives qui forment à elles seules un voyage intérieur du même tonneau que ce travail de peinture, je retiens un moment tout particulier : les retrouvailles avec l’Estonie, les retrouvailles avec ma mère, les retrouvailles avec cette branche de la famille, maternelle, que je tais parce que je sens, et je ne sais pas si c’est à tort ou raison, que c’est une patate chaude qui arrive de très loin, de bien avant ma naissance.

Cette sensibilité exacerbée, l’effusion tout comme la profusion d’amabilité, de gentillesse, la gesticulation font partie de la culture de mes ancêtres baltes tels que je les imagine pour le meilleur et le pire à partir de bribes d’informations reçues dans l’enfance.

Sans doute auront ils exagéré en arrivant sur le sol français parce que l’exagération leur permettait à ce moment là de mieux estimer la distance à parcourir avec la langue française, tellement riche de sens, de subtilité, de précision pour accompagner la clarté dans le mouvement de la pensée.

Sans doute qu’à un moment donné en auront ils fait eux aussi des tonnes pour trouver leur place ici dans notre beau pays. Ce pays qui fait rêver tous ceux qui décident de voyager vers lui, de tout quitter pour aller vers lui. Ce pays qui se désigne encore comme le pays des droits de l’homme malgré tout ce que l’on peut en dire. Ce pays qui est une idée formidable tellement forte encore malgré le marasme qu’il traverserait et que l’on ne cesse de nous décrire.

C’est en ayant à nommer mes tableaux pour des raisons d’assurance, ici même, au centre culturel d’Irigny, que j’ai eu cette idée de trouver des titres en estonien.

Car d’ordinaire les titres que je donne à mes tableaux pour les classer sont arides, je n’éprouve pas la nécessité d’orienter vers un sens par un titre. je voudrais toujours que le tableau se suffise à lui-même.

Encore une vanité de peintre certainement.

Mais je me suis prêté à l’exercice de bonne volonté.

Et d’ailleurs lorsqu’en français il faut parfois quatre mots, une phrase pour dire quelque chose, je me suis aperçu grâce au traducteur de Google qu’en Estonien il n’en nécessitait que 1 ou 2.

Autant dire que tout à coup je suis tombé sur un paradoxe.

Comment un peuple qui réduit autant le nombre de mots pour dire une idée peut il être aussi extraverti ?

Puis je me suis souvenu que la seule véritablement extravertie était ma mère.

Ma grand mère que j’ai connue lorsque j’étais enfant était une taiseuse, elle avait beaucoup de difficultés à s’exprimer en français.

Par contre avait t’elle soudain l’occasion de s’exprimer en estonien elle possédait aussitôt le même débit qu’une italienne.

Elle devenait soudain intarissable. Une fois aussi je l’ai vue parler en allemand, et en russe, avec une aisance que je n’aurais jamais pu soupçonner.

Ce fut une question importante autrefois de comprendre pourquoi une femme ayant autant d’aptitudes à parler plusieurs langues était récalcitrante à s’exprimer dans la mienne. Je n’ai pas trouvé de réponse satisfaisante à cette question non plus. Peut-être parce que la question se suffit à elle-même, parce qu’elle m’aura entrainé à m’interroger sur cette grand-mère bizarre et c’est déjà formidable.

Il ne faut pas que mon discours soit trop long pour répondre aux règles de l’élégance à la française.

il faut que je conserve cette contrainte dans un petit coin de ma tête.

Mes tableaux parlent exactement de ça pour résumer, de cette question essentielle : comment dire quelque chose qui ne soit pas trop pesant, ou ridicule, ou qui ne soit pas seulement dans l’emphase, la séduction. Je veux dire quelque chose qui parte du cœur pour rejoindre le cœur et si possible simplement.

Il faudrait que je sois poète pour y parvenir ce qui est loin d’être le cas.

Parfois je trouvais ma grand-mère peu chaleureuse en comparaison de ma mère. Elle n’exprimait pas ses sentiments et je crois que j’ai mis un certain temps à saisir que ce n’était pas parce qu’elle n’en avait pas à notre égard mon frère et moi, mais parce que sans doute les dire en français, pour elle n’aurait pas signifié la même chose qu’en estonien. il devait y avoir quelque chose de l’ordre de l’à quoi bon pour elle à user du français pour parler de sentiment. Ce qui est aussi la preuve d’une grande intelligence de sa part envers notre langue.

Je n’ai pas pu tout mettre, le hasard qui fait toujours très bien les choses se sera servi d’une confusion pour que, dans l’urgence, j’ai encore à tout retrier le jour de l’accrochage.

Car une exposition c’est aussi un langage que l’on construit, c’est un choix de vocabulaire, de syntaxe, de conjugaison.

Je n’ai pas pu tout dire tout montrer j’ai du refaire un choix dans l’urgence et lorsque j’y pense c’est une chance. Une centaine de tableaux aurait été de trop, et même aujourd’hui que je revisite en pensée cette expo après avoir élagué la moitié c’est encore excessif. Je ne dis pas ça à la légère ou par effet de style.

J’écris ce discours comme je peins. D’une façon résolument brouillonne pour me venger des annotations dans la marge d’autrefois aussi.

Elève brouillon.

je peux bien en sourire aussi désormais que je comprends d’où provient la majeure partie de la confusion dans laquelle je résidais à l’école, notamment en Français.

J’ai donc résumé un résumé. Exercice difficile de par le renoncement et l’humilité qu’il faut dans la hâte réunir.

Dans ce que j’avais préparé je voulais montrer un parcours qui s’étend depuis cette immense confusion, ce besoin d’amour, de reconnaissance, qui n’appartiennent pas qu’à moi mais à ceux qui un jour dans ma famille ont du tout quitter pour essayer de se faire accepter ici.

Je voulais parler de mes débuts, de mes errances en usant de la séduction, de l’exagération comme de la performance en peinture, pour parvenir à la fin à quelque chose de plus brut mais de plus sincère. De plus humble aussi.

Quelque chose qui m’appartienne vraiment. Ce voyage intérieur parle aussi d’identité, pas seulement de la mienne, mais de ce que peut être l’identité en général, de façon universelle, et qui n’a rien à voir avec l’identique.

En même temps cette exposition n’est pas la première que je fais, j’allais sans doute refaire les mêmes erreurs qu’habituellement, parce qu’il est difficile d’exposer des œuvres, de les défendre lorsqu’elles ont été peintes il y a longtemps, que l’on est passé à autre chose. Le dédain ou la honte voilà aussi ce qui fabrique certaines habitudes par facilité.

Mais l’accident a du bon et grâce à celui-ci non seulement je renoue avec l’Estonie mais aussi je découvre toute une poétique associée à mon travail.

Ce voyage de peintre au travers la peinture je crois que chacun le vit dans son travail quel qu’il soit, j’en suis persuadé depuis toujours, depuis les murs que j’ai élevés sur les chantiers dans ma jeunesse, depuis la vie de bureau à laquelle j’ai participé. Mais tout cela s’évanouit presque aussitôt que c’est vécu, on en ressort souvent comme un étranger comme si cela avait été une sorte de rêve.

Le seul avantage c’est qu’avec la peinture on en garde une trace, on peut l’accrocher au mur.

On peut sentir la justesse et l’écart et avec l’expérience développer un instinct, une intuition et pourquoi pas au final de l’inspiration.

Ce n’est rien d’autre que cela ce voyage intérieur : un voyage qui démarre dans le cliché, ce que j’appelle la séduction, l’égotisme de tout individu qui se perd dans un miroir aux alouettes par instinct grégaire le plus souvent.

Puis qui fatigué se mettrait alors à glisser vers l’insolite, à s’éloigner des reflets pour parvenir à cet extérieur, ce dehors souvent par maladresse, par accident.

Le dépaysement.

Dont l’attention à la maladresse à l’accident comme au banal s’aiguiserait au fil du temps.

Ce voyage est un dépaysement finalement qui ramène au pays.

J’avais déjà compris cela il y a longtemps lorsque jeune homme j’étais parti avec mon appareil photo en Iran, puis au Pakistan, en Afghanistan, déjà en guerre à l’époque.

Ma peinture parle de ce dépaysement de cet écart par rapport au confort d’une habitude d’habiter de ce manque d’attention nécessaire pour s’engouffrer dans ce confort qui finit par couter cher, qui coute même parfois la vie toute entière.

Et à la fin j’ai de plus en plus la sensation que ce voyage intérieur, même réduit à sa plus simple expression constitue un pays, Le dépaysement aura été le ciment tout comme l’exploration de la maladresse de l’accident, et du hasard.

C’est désormais un pays tranquille, bienveillant , un pays où nous avons décidé qu’il faisait bon vivre.

Pour continuer

Carnets | octobre 2021

La plaie de vouloir plaire

Ce type était littéralement sanguinolent. Un écorché vif tout à fait conforme à ces moulages de la chapelle de Sansevero réalisés par Giuseppe Salerno, qui soulèvent les tripes. Et tout cela provenait, une fois l’embrouillamini des prétextes, des raisons et des fausses pistes dépassé, de son obsession de vouloir plaire. Même lorsqu’il se trouvait seul, il ne parvenait pas à échapper à cette malédiction logée au plus profond de lui-même. C’était encore pire qu’un sacerdoce. Un truc congénital, une maladie immune sur laquelle la science n’avait dédaigné se pencher, vu l’immense préjudice économique que sa résolution ne manquerait pas d’apporter. Car, dans le fond, cette affection, ainsi que la nomme le corps médical, peut se développer en tout un chacun sans prévenir et prendre des formes bénignes, généralement sans véritable gravité. Mais chez ce type elle était parvenue au dernier stade d’un cancer, par pure négligence, ou plutôt par cette étrange volonté qui oblige les autruches, en cas de peur soudaine, à se plonger la tête dans le sable. C’est donc ainsi qu’il se présenta devant moi, un jeudi, lorsque je donnais encore des cours ce jour-là, lorsque mon affaire était encore florissante et que l’on venait de tous les environs et même d’un peu plus loin pour profiter de mon enseignement du dessin et de la peinture. La crise ayant déjà fait des ravages, j’avais remisé mes prétentions, baissé les prix et ouvert mes portes au tout-venant. C’en était terminé des patientes sélections que j’effectuais afin de choisir parmi la cohorte des quidams de tout acabit qui affluait qui, parmi eux, mériteraient de s’asseoir dans mon atelier avec pour seul objectif qu’ils puissent en tirer du profit. J’éliminais les touristes, les prétentieux, les vaniteux, les fâcheux, parmi lesquels un grand nombre de ménagères entre 50 et 65 ans qui espéraient venir ici trouver non point un véritable enseignement artistique, mais un moment de détente, quelque chose d’amusant susceptible de tromper leur ennui, tentant de masquer plus ou moins convenablement leur vide qu’elles ne cherchaient qu’à combler d’un tas d’objets hétéroclites. Il y avait aussi quelques bonshommes perdus, cherchant vaguement à s’exprimer tout en étant poussés par le dégoût de s’inscrire sur des sites de rencontres en ligne, fatigués de la masturbation, la cervelle embrumée par leur mémoire adolescente à laquelle, vainement, dans la débine généralisée du monde, ils tentaient encore de s’accrocher. Je prenais un plaisir non dissimulé à foutre tout ce petit monde dehors, à leur dire : non, ce ne sera pas pour vous, désolé, ici c’est uniquement pour apprendre le dessin et la peinture, vous savez, vous risqueriez de vous ennuyer, c’est pour votre bien que je vous dis non, bonne journée ! Et le pire c’est que plus je refusais de monde, plus il se pressait à ma porte. Bref, les temps avaient donc changé et j’avais dû mettre de l’eau dans mon vin, et comme ce blasphème ne suffisait encore pas, j’avais réduit le montant de mes émoluments, j’étais au bord de proposer des cartes-cadeaux d’abonnement. C’est pour dire le marasme où nous nous étions progressivement enfoncés sans même nous en rendre compte. Du coup, veuillez excuser la digression, j’avais oublié ce pauvre type devant la porte. Bonjour, c’est pour quoi ? je demande. C’est pour apprendre la peinture. Très bien, et dans quel but ? Parce que je suis tout seul depuis je ne sais plus combien de temps et que je voudrais bien faire quelque chose de mes dix doigts qui puisse plaire au monde. Ce qui me permettrait, je l’imagine, d’exister, de ne plus être cet ectoplasme que je ne cesse d’apercevoir dans toutes les vitrines de la ville. On ne fait pas de peinture ici pour plaire, je réponds. Vous vous êtes gourré d’adresse, mon petit bonhomme. Il se mit à faire une drôle de moue, comme dans les films de science-fiction où l’on voit soudain un homme normal, ou une femme, se transformer en bestiole intergalactique avec des tentacules et des antennes qui lui sortent de partout. J’ai juste eu le temps de lui claquer la porte au nez en gueulant : merde, mon vieux, allez donc vous faire soigner avant qu’il ne m’explose au visage. Derrière la porte, qui n’était pas encore blindée avec six points de sécurité à cette époque, je pus encore l’entendre geindre : s’il vous plaît, je ne sais pas quoi faire pour vous plaire, aidez-moi. Il y eut quelques raclements de ce que j’imaginais être des griffes sur le panneau de bois puis sur le mur extérieur. Enfin tout fut silencieux. J’allumai une clope en revenant vers l’atelier en éprouvant un soulagement immense, le même probablement que peut éprouver un type qui vient de dire merde à son patron. Puis la journée s’étendit comme une immensité, un horizon sans borne devant moi.|couper{180}

Carnets | octobre 2021

L’art refuge, l’art ouverture.

7 milliards et demi d’individus et toutes les difficultés du monde pour accorder la chorale. Alors oui, l’art peut être un refuge pour s’éloigner un instant de la cacophonie générale, mais il peut être aussi, après cela, un diapason pour parfaire sa propre écoute et découvrir, sous l’apparent chaos, une harmonie poignante, souvent insupportable. Car ne vaut-il pas mieux travailler sur ce qui nous appartient vraiment plutôt que sur une vague impression que produit un mot ? Sans doute cette approche s’effectue-t-elle en deux temps pour celui qui veut exprimer la présence. Le refuge, le repli sur soi en quête de justesse en énumérant tous les couacs dans l’espoir de redresser le gouvernail. Le fantasme de parvenir à la note claire, à la justesse, au pur écho. L’exploration des reflets à la surface de l’eau à un point si extrême qu’on ait envie de se confondre en eux. Narcisse plongeant dans sa propre image ou dans l’image d’un monde créé à sa propre image, ce qui revient au même. Se coupant à jamais ainsi de l’autre. Ou bien, au contraire, s’extirper du reflet, regagner la rive et s’y hisser, puis se remettre debout et ouvrir grands les bras pour accueillir l’autre. C’est ainsi, sans doute, qu’après la retraite forcée, dans l’espérance des grâces des refuges, des salvations personnelles, on finit par comprendre l’égarement, ce puits sans fond que propose le refuge, et que l’on désire s’en éloigner. Avec un enthousiasme de chercheur d’or, bien souvent, comme quelqu’un qui aurait enfin été éclairé vers une « bonne direction », vers le profit à tirer d’une quelconque destination lui faisant miroiter encore cette inflation du moi. Il faut bien en passer encore par là avant de trébucher encore et encore, de se tapir sous une pierre, dans une caverne, sous un pont, pour remettre un peu d’ordre dans ses idées, jusqu’à comprendre que ce serait encore mieux si on n’en avait pas, d’idées. Reste le mystère de l’autre, insoluble par cette voie labyrinthique, par ce jeu de l’oie. Si la peinture, si l’art en général, ne permet pas d’être ouvert à l’autre, de lui offrir un lieu et un temps de repos, d’amitié, d’intelligence à partager gratuitement, peut-être alors vaut-il mieux se lancer dans la confection de pâté en croûte, de terrines, de bons plats à partager avec force blagues et autres saillies et billevesées sans importance. C’est cette sorte de magie que j’attends de l’art désormais. Non pas que, par sa fréquentation, je m’élève vers le génie pour imaginer naïvement m’y hisser à mon tour, mais tout le contraire : pour rencontrer des femmes et des hommes les plus « abordables » du monde. Abordables comme des îles en plein milieu des cités, abordables comme des armistices au beau milieu de la guerre. On nous a trop dupés et on s’est dupé tout seul par habitude de penser l’art comme appartenant à ce génie-là, celui de la rareté, de l’habileté et de la performance. Le génie créé par une élite qui ne cesse depuis des lustres de se mirer en celui-ci. On parle d’une nouvelle renaissance désormais, d’une Renaissance « sauvage ». Et sans doute en faudra-t-il un peu de la sauvagerie pour s’extirper du narcissisme afin de rejoindre le monde. D’ailleurs, pas seulement le monde des hommes, mais le monde en tant que terra incognita. Un monde que nul ne connaît encore. Un monde à créer tout simplement par l’art de se dire bonjour, comment vas-tu, de quoi pouvons-nous discuter ensemble sans nous étriper ? Si l’art ne sert pas à cela, à vivre ensemble entre nous, à vivre au monde tranquillement sans le détruire par peur ou par profit, je me demande bien à quoi il peut bien servir…|couper{180}

Carnets | octobre 2021

Nouvelle exposition dans le Haut-Jura

Du 30/10/2021 au 28/11/2021 exposition de peintures au Caveau des artistes à Saint-Claude (office de Tourisme) fermé le dimanche Exposition Patrick Blanchon au caveau des artistes de Saint-Claude, Jura|couper{180}

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