Envoûtement

J’ai cliqué sur la petite marque pour agrandir la fenêtre, à présent elle me paraissait plus proche encore, dans une intimité dont je n’aurais voulu m’évader pour rien au monde. Comment pourrais-je la décrire, une américaine qui parle français impeccablement avec un accent provençal. Une blonde genre oxygénée mais qui aurait emprunté des mimiques faciales de brune ou de rouquine. Tout un métalangage pour dire aimez-moi mais pas touche. Un énorme chat derrière elle se prélasse sur le parquet. Au fond de la pièce les stores sont baissés, éclairage tamisé ça et là, mais probable qu’un de ces anneaux lumineux à la mode face à elle, diffuse cette lumière qui gomme toutes les imperfections du visage. On ne voit guère que les yeux très bleus avec la pupille noire en tête d’épingle, soulignés de khôl et sa bouche. Une bouche rose bonbon. Elle parle mais je ne l’écoute pas je suis fasciné par cette bouche, comme une rose qui se mettrait soudain à parler, à parler provençal qui plus est. Je dis une rose pour ne pas dire autre chose naturellement. Puis je parviens à me détacher enfin et mon cerveau se remet en branle. De quoi parle t’elle. Sa chaîne s’intéresse aux mystères non résolus. Tous les dimanches une nouvelle vidéo. Je réduis la fenêtre sur le bas de l’écran à droite pour pouvoir jeter un œil aux autres vidéos. Les titres sont évocateurs. Extraterrestres, Atlantide, terre creuse, maisons hantées ... j’ai toujours été attiré par ces sujets je peux bien l’avouer. Cela fait aussi partie de l’imagination. Peut-être envie de me détendre, de regarder une connerie. De débrancher. La par exemple elle m’apprend que la population de la terre creuse à certainement dû faire appelle aux extraterrestres pour qu’ils viennent nous mettre sur la gueule sans distinction de gentil ou de méchants. La faute encore aux américains qui n’auraient pas respecté un traité établi de longue date. Pour le coup ce genre de raison me paraît tout à fait évidente. Tout ça pour continuer à developer le complexe militaro-industriel. Pire encore les américains seraient en ce moment en train de tourner leur veste pour les anéantir. Le grand raout serait prévu pour juillet 2022. Ce qui secrètement me réjouit, car fini les factures d’électricité de gaz, les huissiers et toute la clique des gêneurs ordinaires. Tout cela énoncé avec une voix charmante. De temps en temps elle relève une mèche de ses cheveux, je vois sa longue main aux ongles impeccables, de temps en temps elle appuie l’index sur une joue, à peine un millième de seconde. Je vais jusqu’au bout de la video de 30 minutes. Puis j’enchaîne avec une autre qui date de 4 ans. Son visage est plus jeune plus épais, moins sophistiqué, mais la bouche est toujours la même. Je me demande tout à coup si tous les abonnés ne font pas exactement ce que je suis en train de faire, c’est à dire de se laisser glisser dans cette sorte d’envoûtement à distance. J’ai dû trouver la faille pour m’en sortir à la quatrième vidéo vers la minute 00:08. Elle attaque le thème des amis imaginaires. Elle diffuse des vidéos de mauvaise qualité de gamins en train de parler tout seul. Et si ce n’était pas que de l’imagination elle dit... j’ai arrêté la car j’avais bien trop peur d’entendre la suite. Ou plutôt c’était l’heure du repas et j’ai rejoins mon épouse au salon. Soupe aux vermicelles j’ai proposé, soupe aux vermicelle elle a répondu en faisant mine d’être enchantée et sur ce ton festif que le lui connais si bien.

Post-scriptum

haut

Pour continuer

import

Comme

Comme la mer qui cavale vers le mont Saint-Michel comme si elle allait lui faire sa fête, l'engloutir tout entier en deux coups les gros. L'air du temps me rattrape et je me mettrais bien à courir comme un dératé dans l'espoir de trouver une hauteur. En vain. C'est comme Waterloo morne plaine dans le coin. Encore pire depuis qu'il fait beau. Le soleil ne rend pas le monde plus beau il nous aveugle c'est tout. Pire je courre mais je fais du sur-place. La poisse comme le sable, la poisse comme les sables mouvants. Et la mer monte bon sang comme elle monte vite et je m'enfonce lentement. Comme un ange passe en tutu qui joue de la trompette mais mal. La fausse note m'excite me fait dresser les poils. Ta gueule l'ange je dis et ça m'extrait d'un coup des sables. Me v'la qui lévite. Comme par enchantement. L'ange se marre. Genre t'inquiète j'ai toujours raison, le con. Que t'aies la foi ou pas n'a aucune espèce d'importance. Comment on en est arrivé là ? Aucune idée j'ai juste dit comme au début et puis ensuite j'ai laissé filé pour arriver à la fin.|couper{180}

Comme

import

technique mixte 70x70 cm

mai 2023 technique mixte 70x70 cm mai 2023|couper{180}

technique mixte 70x70 cm

import

La ramener

Il la ramenait sans arrêt. Pour un oui, un non. Sans qu’on ne lui demande quoi que ce soit. Pour passer le temps je l’imaginais aux toilettes pendant qu’il la ramenait. Son gros cul posé sur la lunette. Ou encore accroupi la tête rouge en train de pousser dans des turques. Il pouvait la ramener tant qu’il voulait. Je pouvais même le regarder dans le blanc des yeux sans ciller cependant . Il y avait même en chœur tout un raffut de sons foireux qui appuyait les images mentales. Quand il avait terminé, il disait — alors t’en pense quoi ? C’est un sale con n’est-ce pas, ou encore une belle salope tu trouve tu pas ? J’en pensais rien bien sûr, je le laissais avec sa question en suspens. Puis je me dépêchais de prétexter une course urgente avant que ça ne lui reprenne, qu’il la ramène encore sur un autre sujet. En gros toujours le même. Lui aux prises avec les dangers infinis du monde extérieur peuplé d’idiots, d’idiotes écervelées. Je me tirais au même moment où il commençait à entrouvrir la bouche de nouveau le laissant là planté comme un poisson en train d'étouffer C'était un miroir qui devait au moins faire sept mètre de long et qui faisait face au bar. Un jour qu'il la ramenait j'ai chopé un tabouret et je l'ai envoyé valdinguer dans le miroir. Il ne l'a plus ramené, c'était fini.|couper{180}

La ramener