#été 2023 #11 | Avant de parler de Jo

retarder volontairement une scène importante (déjà écrite/ébauchée, ou seulement pressentie) en écrivant en marche arrière façon Gertrude Stein : au lieu d’entrer dans la scène, tu en recul es l’accès à coups de chevilles du type « Avant que je vous parle de… » / « Mais revenons à… », et tu accumules 3 ou 4 “charrois amont” (blocs de matière) indépendants les uns des autres : souvenirs, détails concrets, personnages, objets, occurrences, mini-flashbacks… Tout converge vers la scène, mais sans jamais la raconter. Résultat : quand tu finiras par l’aborder, elle sera déjà chargée, épaissie, tendue, parce que le lecteur aura été “préparé” par cet empilement disjoint.

Avant que je vous parle de la mallette remplie de pognon, avant que je vous dise même comment elle s’est retrouvée là, entre Jo et Doris, et pourquoi, il faut que je dise un truc tout bête : on a toujours envie de finir proprement, de rentrer à l’heure, de faire comme si on maîtrisait la narration comme on maîtrise une bretelle d’autoroute. On arrive pile poil, on reçoit les petits-enfants, on offre un café, on sourit, on a l’air normal. C’est tentant, et c’est une vraie tentation morale : effacer ce qui dépasse, ce qui colle aux doigts, ce qui vous fait honte. Avant que je vous parle de cette aire d’autoroute un peu avant Turin, celle où tout aurait pu basculer ou, pire, ne pas basculer du tout, je veux revenir sur cette obsession idiote du temps, du quand, du verbe qui vous serre comme un collier. Je pense au grec ancien, à cette manière de regarder l’action sans l’empaler sur une date, et je sens monter un regret ridicule : parler le français sans avoir l’histoire des outils, comme si je conduisais sans savoir à quoi sert la pédale. On appelle “naturel” ce qu’on a cessé de questionner, et on appelle “profondeur” ce qui n’est parfois qu’un emballement, une couche puis une autre, parce qu’on a peur du silence. Avant que je vous parle de l’aire elle-même, de ce qu’elle a de spécifique, de ce qu’elle a d’anonyme, de ce qu’elle fait à votre corps quand vous y posez le pied, je dois dire aussi que la précision est un piège : je l’aime parce qu’elle donne l’illusion du contrôle, je la déteste pour la même raison. À force de vouloir être exact, on écrit des gestes au lieu d’écrire des choses, on se met à rédiger un mode d’emploi de soi-même, et on s’épuise. Avant que je vous parle de Jo, parce que tout retombe toujours sur lui, même quand je n’ai pas l’intention, je revois Beaubourg, je revois le Luxembourg, ces chaises vert d’eau au bord du bassin, et moi qui reste là des heures à regarder passer les gens comme si ça allait m’apprendre quelque chose d’essentiel. Jo appelait ça des expériences saugrenues. Jo, c’est à peu près le seul que je peux appeler un ami, et déjà rien que ça, “ami”, c’est un mot qui tremble. Je raconte ça parce qu’on croit toujours qu’on s’égare, alors qu’en réalité on fait des tours autour du même noyau, et le noyau, ici, c’est l’échange, le déséquilibre, celui qui se fait niquer et celui qui fait semblant de ne pas voir. Avant que je vous parle de la route du retour, de Turin, de l’autoroute qui avale tout et recrache des gens propres sur eux, je dois dire l’autre idée qui rôde derrière tout ça : la mémoire qui lâche, Alzheimer, la peur bleue d’y passer, et, collée dessus, la pensée plus trouble qui vient comme une tentation : oublier, n’être plus tenu par sa propre histoire, vivre dans un présent sans archives. Tout n’est pas tragique dans l’oubli si l’on retire la fierté, si l’on retire le roman qu’on se raconte, mais enfin, ça reste une peur, et les peurs, elles fabriquent des détours. Enfant, j’avais un aïeul qui me remplissait la tête : Charles Brunet, instituteur, gazé en 14, dictionnaire “par cœur”, ce qui ne veut rien dire et veut tout dire : l’homme avait les mots comme des outils, et à plus de quatre-vingt-cinq ans il faisait des mots croisés comme on taille une haie, sans états d’âme. Je me dis que le grec, le latin, ces langues-là, ça aide peut-être à vieillir, pas parce que c’est noble, mais parce que ça désamorce l’obsession du quand. Le français, lui, vous colle du temps partout, du temps précis, du temps qui vous serre, et plus il vous serre, plus vous cherchez à tricher, à accélérer, à sauter des étapes, à dire “on n’en parle plus”. Avant que je vous parle de la mallette, donc, je voudrais revenir au comment : comment on arrive à l’os sans planter des panneaux de signalisation dans la phrase, comment on raconte sans se donner le beau rôle, comment on admet qu’on ne sait pas ce qu’on veut, ou pire, qu’on sait trop bien ce qu’on veut et qu’on n’ose pas le dire. Et maintenant seulement je peux revenir à l’aire d’autoroute, un peu avant Turin : Jo gare la voiture comme on se met à l’abri, Doris ne dit rien, elle regarde droit devant, et il y a ce moment, très simple, où la vie ordinaire hésite, où elle pourrait vous reprendre tout de suite — “allez, on rentre, on sera à l’heure, on verra les petits-enfants” — ou bien vous laisser, une seconde de trop, avec ce qui dépasse. Jo ouvre le coffre. Il ne fait pas de commentaire. Il prend la mallette, ou plutôt il pose la main dessus, comme pour vérifier qu’elle existe vraiment, et moi, à cet instant précis, je me dis que si je vous raconte ce qui se passe ensuite, je vais forcément mentir un peu, arranger, moraliser, ou au contraire faire le malin, alors je reste là, sur le bord, à regarder sa main, la poignée, le cuir, et à me demander, sans le dire, combien pour l’ensemble.

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Carnets | été 2023

# été2023 #15 | Lyrisme

De ces régions du souvenir qui nous murmurent de rester sur leur seuil ressurgit une lecture d’Herman Broch : ce devait être La Mort de Virgile. Ce moment de lecture, semblable à aujourd’hui par sa luminosité automnale, les bruits étouffés de la rue, se mélange et se diffuse dans l’idée presque paisible du dimanche matin. Et du seuil où je me tenais — comme je m’y tiens en y songeant — l’idée d’écrire un texte lyrique à propos de ma mère m’était soudain venue. Le rideau de tulle bon marché, à la fenêtre entrouverte, en tremble encore et précise le décor de cette réminiscence. Il y a plus de dix ans, à cette époque, que nous ne nous étions vus ; et vingt ans ont passé depuis sa disparition, au moment où j’écris ces lignes. Entre les deux, nous nous sommes rencontrés quelques semaines : le temps d’apprendre qu’elle était malade, qu’une convalescence n’était plus à espérer. J’avais donc acheté, quelques semaines avant de renouer, un gros cahier d’écolier sur lequel j’avais noirci les pages d’un seul jet, emporté par cet élan pathétique qui avait pénétré en moi comme une tache d’encre traverse un épais buvard. Mais je n’étais pas satisfait. Évidemment que non. Le lyrisme y débordait tant que sa fausseté me creva presque aussitôt les yeux. Il faut préciser à quel point j’étais alors jeune, ignorant, et par conséquent prétentieux. Pas moins de cent cinquante pages de doléances, de rage, d’amour maladroit, avec pour seul fil rouge ce regard gris-bleu m’échappant obstinément. Une mère semblable à une ville, à demi interdite. L’air frais de ces prémices d’automne ne tempéra pas mon ardeur à me jeter dans l’ouvrage. Je crois avoir passé trois jours sans presque rien manger ni boire ni dormir, tant je redoutais de perdre en cours de route cette étrange énergie d’écrire. J’étais comme possédé par le fantôme de Broch tenant Virgile par le bras. Par le rythme, le souffle surtout de sa syntaxe, ses sonorités que, maladroitement, dans mon emportement, je plagiais. Il en fut presque toujours ainsi de mon rapport à la lecture, puis à l’écriture : une affaire d’envoûtement, un abandon à l’autre. Cela dura des années, presque toute une vie, en fait. La mort de ma mère me libéra temporairement de cette malédiction. Le fait qu’on l’incinérât eut une brutalité folle. Il paraît, d’après mon père, que c’était son souhait. Mais nous fîmes tout de même graver un petit marbre de quarante centimètres sur quarante, avec son prénom, son nom, sa date de naissance et de fin, en lettres d’or (en était-ce vraiment ? le doute me vient, car déjà mon épouse et moi étions assez légers d’argent). Cette plaque devint un lieu de pèlerinage, un lieu presque rassurant pour notre famille, si disloquée fût-elle. Mon père s’y rendait chaque jour après avoir baladé le chien et fait ses courses chez Lidl. Il déposait même, chaque semaine, des fleurs, pendant des mois. Puis les choses se tassèrent. Les visites s’espacèrent. La vie est ainsi faite. C’était le début de l’automne. C’est toujours, en ce début d’automne, que je repense à ma mère. Elle est née au début d’octobre. Je crois que le souvenir s’associe plus à la naissance qu’à la disparition — en février. Est-ce que l’automne est un terreau plus fertile au lyrisme que février ? Peut-être. En tout cas, j’ai retrouvé ce gros cahier, tout écrit à la main, sans espace, sans respiration, sans pause, sans chapitre, sans prologue ni fin : un long texte à l’encre qui dort dans un carton depuis presque vingt-cinq ans. Si j’approche mon nez des pages, je sens bien quelque chose, mais je n’ai nulle envie de le définir. C’est un gros cahier semblable au souvenir que je conserve de ma mère : un demi-mystère. Et l’ouvrir, ce serait prendre assurément en plein visage toute une insignifiance du monde et des êtres — probablement fictive, mais dont on se rassure souvent, par lâcheté, en la nommant la réalité.|couper{180}

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Carnets | été 2023

# été2023 #14 | Depuis la cuisine traversante

La chatte entre dans la cuisine au moment où j’appuie sur le bouton du volet électrique. Depuis que nous avons abattu le mur de séparation entre une salle à manger minable et une cuisine pas terrible, nous disposons d’une grande pièce, correcte et traversante. Pendant six ou sept ans, le sol est resté d’origine : des carreaux portugais, probablement. Puis nous avons profité d’un afflux intempestif de fonds pour refaire les sols, et d’une fuite d’eau à l’étage pour refaire les plafonds, via un dédommagement octroyé gracieusement par l’assurance de la maison. La maison, nous l’apprîmes au moment de signer chez le notaire, date de 1850, une année commune commençant un mardi. On peut noter aussi, à partir du 6 janvier, le début du voyage de Léopold Panet dans le Sahara occidental, ainsi que son arrivée, à Mogador au Maroc, un jour du mois de mai. Dans un panier sous l’escalier, on peut observer des courgettes datant du marché de dimanche passé. Elles auront bien résisté aux sept derniers jours passés là à végéter. On ne peut pas en dire autant des carottes, achetées le même jour dans une euphorie encore estivale et dépensière : elles paraissent désormais vidées de leur superbe, rabougries, inutilisables. Les poivrons posés ça et là, au hasard, dans le même panier ne valent guère mieux. Des rides ridicules à la surface de leur peau il y a peu si fraîche, si verte, si brillante : la ruine de leurs courbes anciennes, presque arrogantes, pétantes de bonne santé, renforce, par intermittence, tout ce week-end, l’affreuse sensation du temps qui passe et dont on ne sait jamais vraiment quoi faire. Entre le riz nature et les pâtes, j’hésite une bonne dizaine de minutes tout en observant les va-et-vient de la chatte. Puis je réagis en m’emparant de la tablette : je me précipite sur YouTube et sur les vidéos d’une influenceuse mexicaine dont les ongles violets mobilisent mon attention, tandis qu’elle tranche, dans un replay éternel, un oignon sur le teaser de sa chaîne. Pendant une bonne heure, je fais le compte de tout ce qui me manque pour pouvoir préparer des meal preps pour toute une semaine. Puis je me décide : ce sera les pâtes. Cependant, je verse du riz dans une casserole et le couvre abondamment d’eau froide afin qu’il cuise plus vite, quand ce sera le bon moment. Puis je me souviens des hauts de cuisse de poulet dans le réfrigérateur. Il y en a cinq bons morceaux. Difficile décision à prendre : vais-je en manger trois au déjeuner et deux au dîner, ou l’inverse ? J’évacue temporairement la question et parviens, sans difficulté majeure, à placer le plat au four, thermostat 180°, pour quarante-cinq minutes. J’allume ensuite la télévision et tombe sur la série Stargate SG-1 avec plaisir et culpabilité. Depuis mon canapé, je peux voir l’heure tourner à la pendule ronde accrochée par un clou au mur de la cuisine traversante. C’est la sonnerie du four qui me réveille quarante-cinq minutes plus tard. Il n’y a presque plus d’eau dans la casserole prévue pour les pâtes. Je reste stoïque : à quoi bon se lamenter ? Je la remplis d’eau à nouveau, résigné. Quand tout est prêt, bien sûr je n’ai plus faim. La lumière pénètre à flots dans le grand salon et redonne un peu de lustre à la patine des meubles. Par moments m’assaille gentiment l’idée d’une promenade à effectuer coûte que coûte vers un but quelconque, comme aller cueillir dans la forêt des champignons. Puis je songe à la jauge du véhicule dans l’orange, et refuse d’envisager la possibilité de m’y rendre à pied. L’idée me fatigue d’avance. Même changer de chaîne, allongé sur le canapé, me semble soudain un effort au-dessus de mes moyens. L’envie de faire l’amour, un instant, me traverse l’esprit, autour de 18 h, comme souvent au terme d’une journée désespérante. Ce qui, je l’ai compris avec le temps, n’est qu’une fuite que l’inconscient échafaude rapidement pour espérer me mouvoir dans une direction quelconque. Ce stratagème est éculé. Avec l’âge, je résiste facilement désormais : je ferme les yeux, je m’endors. Sur le coup de 20 h, j’ai faim, mais je ne bouge pas du canapé. Je ne cherche plus à zapper quand je me retrouve devant la télévision : j’accepte le destin, je le subis plutôt bravement. Quel que soit le programme, je reste coi. C’est un enseignement appris à la source même de ma vie. Autrefois, j’essayais de changer de chaîne pour tromper l’ennui, mais chassez le naturel, il revient au galop. À 20 h 30, nous échangeons quelques mots par téléphone, mon épouse et moi. Le silence ensuite n’en est que plus épais : je le note sur une page de mon carnet. C’est d’ailleurs la seule chose valant vraiment le coup d’être notée de tout le week-end. Il y a dix-sept épisodes dans la saison 7 de Stargate SG-1. Parfois certains se suivent, d’autres pas. À 21 h, profitant d’un passage aux toilettes, j’appuie sur le bouton du volet électrique des fenêtres donnant sur la rue, puis sur l’interrupteur du plafonnier. La cuisine immense s’éclaire brutalement, et je dois plisser les yeux. Une astuce pour que les épisodes défilent plus vite est l’avance rapide, si la télécommande est en bon état. Sinon on saute trop vite, cinq épisodes d’un coup. On éprouve alors une frustration qui provient à la fois du mauvais état des piles, de la médiocrité de construction de l’objet, et de la répétition métaphorique de l’échec : il suffit d’un objet dysfonctionnel pour que ça revienne. En gros. Un sursaut de résistance vers 21 h 45 : je m’empare de la tablette et je continue le récit intitulé « La salle de bain » de Jean-Philippe Toussaint, commencé la veille, samedi, vers la même heure, et bien sûr entraîné par la même velléité combattive. La mise à jour de l’iPad pour installer la dernière version d’iOS 17 brise mon élan littéraire. La chatte sort de la cuisine par la porte que je laisse ouverte sur la cour. Nous n’avons échangé aucun mot de toute la journée. Nous sommes seuls. La faim m’oblige à me lever du canapé. Je découpe un bon morceau pour l’offrir à la bête, qui ronronne et renifle la bidoche dans sa gamelle de fer-blanc. Je mange debout un morceau de haut de cuisse et quelques pâtes, le tout réchauffé brutalement au micro-ondes. J’entame la saison 8 de Stargate SG-1 en m’enfonçant assez calmement dans une sorte de désespérance dominicale.|couper{180}

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Carnets | été 2023

# été 2023 #13 | Points cardinaux de l’imaginaire

A l’Orient, la poussière d’or flotte dans l’air d’Anatolie. On peut presque distinguer, surgissant des brumes de chaleur, une caravane de roués levantins qui, au passage d’Erzurum, s’enfonce vers la Perse, un instant escortée de chiens. Et si l’on sait plisser les yeux en direction de l’Ararat, on devinera l’Arche échouée du dernier déluge. À la frontière, l’oreille se dresse à la rencontre des langues étranges, le farsi et l’ottoman, en quête de sonorités communes mais, hélas, en vain. Aucune ressemblance entre ce vocable ouralo-altaïque qui rassemble en son sein le turc, le hongrois et le japonais, et la langue persane, tout aussi indo-européenne que le français et le sanskrit. Au Sud, c’est la porte d’Orléans, la nationale 7, et bien sûr l’automobile qui file est une 2CV. On n’imagine pas avoir besoin de chauffage en empruntant la route en hiver. Le projet d’aller dans le Midi élude l’idée même d’une possibilité de froid. Mais c’est sans compter sur le principe de réalité, et les bouleversements climatiques. Et si, depuis Valence, on s’était arrêté sur le bas-côté pour s’emmitoufler d’un plaid, laissant passer les énormes camions qui éclaboussent de neige les vitres embuées. On tâtonne, on se plaint de la mauvaise fortune, on se désespère un peu que le froid nous surprenne aussi bêtement. Puis, à force de s’arrêter boire de petits cafés brûlants dans la chaleur des établissements routiers, on rencontre un homme savant qui dit que le véhicule possède un système de chauffage, bien sûr : qu’il faut juste positionner le petit levier comme il se doit — et il joint le geste à la parole. Avignon, à l’aube, est sertie dans une lumière d’or et d’ocres clairs. La vieille papauté dort encore ; on l’imitera bientôt dans un lit moelleux, on l’espère. Au Nord, l’Antarctique et ses solitudes glacées suent le mystère, provoquent une poussée d’exotisme. On imagine tous les possibles : des béances obscures, des tunnels s’enfonçant sous la banquise afin de rejoindre une terre creuse, et les innombrables poupées russes que sont tous ces mondes imbriqués les uns dans les autres, avec leurs races, leurs mœurs, leurs soleils. Jules Verne et Lovecraft sont emmitouflés de peaux d’élans, de caribou, d’ours blanc. L’un fume la pipe, l’autre mâchonne une allumette. Dans l’air pur, les aboiements sont nets : chiens de traîneau, malamutes, huskies de Sakhaline et leurs rejetons alaskans, greysters à poil court. À l’Ouest, Billy the Kid et Jesse James dévalisent des banques ; des billets virevoltent encore dans l’air poudreux sous les lourds nuages empâtés de blanc de plomb d’Eugène Boudin. Celui-ci croque une pomme, assis contre un tronc : son œil noir ne rate rien des ciels et, pendant qu’on y est, s’évade. L’Amérique, la Normandie, la Bretagne, l’Irlande. Des troupeaux de chevaux sauvages défilent à l’amble sur la lande, s’approchent dangereusement des falaises, par-dessus la mer d’Iroise. Puis arrive encore dix-sept heures : c’est l’heure du pub. La musique vous hèle, tout comme l’avant-goût des breuvages amers et moussus. Enfin, depuis la solitude des grandes étendues de tourbe noire, on entend claquer les semelles de ses propres godillots sur le gravier des chemins creux, pile poil au milieu d’une averse et d’un éblouissement solaire. Plaisir, dans ce crépuscule occidental, de rejoindre les humains, retrouver quelques mœurs ainsi qu’une tenue.|couper{180}

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