Extraction

Photographie d’une tête abîmée par l’érosion du temps. Musée archéologique d’Andros, Grèce.

Du mucilage visqueux du langage spontané, souvent proche de la poix à force de réduction dans la paresse, la durée, la répétition du même, la facilité cyclique de l’emploi des mêmes mots. Afin surtout ne pas s’aventurer dans l’inconfort. Extraire un esprit, une représentation, unique à la fois par la forme, la netteté, la brillance. Peindre, écrire, sont les moyens choisis pour comprendre cette volonté d’extraction. Au tout début, jeune, par un amour-haine des origines. Pour s’élever au-dessus d’une honte. Honte étant le sentiment premier, forme dévoyée du bel et inaccessible Amour, boiteux Dionysos, sentiment récurrent issu de toute confrontation avec les autres en général . Sans vraiment être vectorisé dans un sens ou dans un autre, peu importe riche ou pauvre, beau ou laid, intelligent ou benêt, mâle ou femelle.Mais la même gêne quelque soient les circonstances. Un malaise tout azimut. Peut-être un leg tellement précoce, congénital, comme si cette infamie se devait d’être tout de suite partagée dans l’urgence. Comme si famille et ignominie formait une nuit, un océan primordial, une soupe. Ce gluau qui te colle tout l’être dans un langage poisseux. Un mélange à la fois rassurant et effrayant par la totalité des apparences qu’évoque la sonorité des mots. Des mots comme des signaux, des alertes qui soudain sont hurlés quand justement l’apparence ne tient plus. Premières rencontres avec les mots d’ordre, ceux-ci servant de colle au silence des pierres, à l’écorce constituant l’arbre, la grotte, le foyer. Il serait sot d’imaginer encore que tout fut noir. La sonorité des mots, de tous les mots sans exception fut l’unique guide pour aller à la rencontre de l’Esprit. Esprit de la langue, esprit du monde, esprit de l’être, le Saint-Esprit. Comme un prisonnier s’en va à la promenade son boulet au pied. Ce n’était pas ambitieux, c’était inconscient alors. Mais c’est l’ambition de vouloir s’élever au- dessus d’une condition jugée misérable, honteuse, par les membres mêmes de cette famille toujours insatisfaite du moment présent, toujours se projetant dans une peur du lendemain. L’ambition les tenaillant tellement, elle ne pouvait être mon amie. Aussi au lieu de m’extraire peu à peu je marchais vers l’inverse, j’allais au contraire vers tout ce qui effrayait tant, la solitude, l’ennui, le manque. Une extraction à l’envers, pour tenter de sauver quelque chose. Mais alors incapable de poser un mot sonnant clair sur celle-ci. Cette incapacité me fut certainement d’un grand secours, comme les doutes, les hésitations, pour aller à la rencontre de mon propre langage mais encore fallut-il gagner en patience pour commencer à en extraire des connivences, une amitié.

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Comme

Comme la mer qui cavale vers le mont Saint-Michel comme si elle allait lui faire sa fête, l'engloutir tout entier en deux coups les gros. L'air du temps me rattrape et je me mettrais bien à courir comme un dératé dans l'espoir de trouver une hauteur. En vain. C'est comme Waterloo morne plaine dans le coin. Encore pire depuis qu'il fait beau. Le soleil ne rend pas le monde plus beau il nous aveugle c'est tout. Pire je courre mais je fais du sur-place. La poisse comme le sable, la poisse comme les sables mouvants. Et la mer monte bon sang comme elle monte vite et je m'enfonce lentement. Comme un ange passe en tutu qui joue de la trompette mais mal. La fausse note m'excite me fait dresser les poils. Ta gueule l'ange je dis et ça m'extrait d'un coup des sables. Me v'la qui lévite. Comme par enchantement. L'ange se marre. Genre t'inquiète j'ai toujours raison, le con. Que t'aies la foi ou pas n'a aucune espèce d'importance. Comment on en est arrivé là ? Aucune idée j'ai juste dit comme au début et puis ensuite j'ai laissé filé pour arriver à la fin.|couper{180}

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technique mixte 70x70 cm

mai 2023 technique mixte 70x70 cm mai 2023|couper{180}

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La ramener

Il la ramenait sans arrêt. Pour un oui, un non. Sans qu’on ne lui demande quoi que ce soit. Pour passer le temps je l’imaginais aux toilettes pendant qu’il la ramenait. Son gros cul posé sur la lunette. Ou encore accroupi la tête rouge en train de pousser dans des turques. Il pouvait la ramener tant qu’il voulait. Je pouvais même le regarder dans le blanc des yeux sans ciller cependant . Il y avait même en chœur tout un raffut de sons foireux qui appuyait les images mentales. Quand il avait terminé, il disait — alors t’en pense quoi ? C’est un sale con n’est-ce pas, ou encore une belle salope tu trouve tu pas ? J’en pensais rien bien sûr, je le laissais avec sa question en suspens. Puis je me dépêchais de prétexter une course urgente avant que ça ne lui reprenne, qu’il la ramène encore sur un autre sujet. En gros toujours le même. Lui aux prises avec les dangers infinis du monde extérieur peuplé d’idiots, d’idiotes écervelées. Je me tirais au même moment où il commençait à entrouvrir la bouche de nouveau le laissant là planté comme un poisson en train d'étouffer C'était un miroir qui devait au moins faire sept mètre de long et qui faisait face au bar. Un jour qu'il la ramenait j'ai chopé un tabouret et je l'ai envoyé valdinguer dans le miroir. Il ne l'a plus ramené, c'était fini.|couper{180}

La ramener