Immortel

Tout ce qui a pour unique fonction d’arrêter le temps, de rendre exactement semblables chacune de ces journées, et cette inertie posée ainsi pour ne jamais rien en vouloir modifier, n’est-ce pas là le but dissimulé d’une volonté maladive d’être immortel. Ce serait drôle alors que je ne cherche jamais que tout moyen possible pour crever. Tellement drôle et ridicule qu’il doit y avoir au fond de tout ça une belle évidence A moins que justement cette obsession ne soit qu’un élément compris dans le paquet, vouloir en finir avec cette vie là ne signifie nullement qu’on n’en désire pas- en secret- une toute autre. Et dans ce cas tous ces textes brefs, comme ces petits formats que tu réalises ne sont que les symptômes d’un mal à respirer, d’une carence du souffle. Un halètement. Et soudain ce souvenir revient, c’est la nuit, une nuit d’hiver particulièrement froide lorsque vous habitiez à la sortie de ce virage, en contrebas de la route, à Parmain dans le Val d’oise, ce chien qui s’était fait heurté par un véhicule. Il y avait eut un cri déchirant que tu avais entendu de la chambre, tu étais descendu en pantoufles, tu étais allé voir. Le chien haletait, ses yeux dans les tiens au moment de l’agonie, un échange d’une intimité si troublante, tu étais le chien tout à coup que la violence du monde avait heurté blessé à mort et tu haletais toi aussi. Exactement comme aujourd’hui. Peut-être parce qu’au fond de toi se précise de plus en plus l’abomination d’être immortel.
Post-scriptum
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Comme
Comme la mer qui cavale vers le mont Saint-Michel comme si elle allait lui faire sa fête, l'engloutir tout entier en deux coups les gros. L'air du temps me rattrape et je me mettrais bien à courir comme un dératé dans l'espoir de trouver une hauteur. En vain. C'est comme Waterloo morne plaine dans le coin. Encore pire depuis qu'il fait beau. Le soleil ne rend pas le monde plus beau il nous aveugle c'est tout. Pire je courre mais je fais du sur-place. La poisse comme le sable, la poisse comme les sables mouvants. Et la mer monte bon sang comme elle monte vite et je m'enfonce lentement. Comme un ange passe en tutu qui joue de la trompette mais mal. La fausse note m'excite me fait dresser les poils. Ta gueule l'ange je dis et ça m'extrait d'un coup des sables. Me v'la qui lévite. Comme par enchantement. L'ange se marre. Genre t'inquiète j'ai toujours raison, le con. Que t'aies la foi ou pas n'a aucune espèce d'importance. Comment on en est arrivé là ? Aucune idée j'ai juste dit comme au début et puis ensuite j'ai laissé filé pour arriver à la fin.|couper{180}
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technique mixte 70x70 cm
mai 2023 technique mixte 70x70 cm mai 2023|couper{180}
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La ramener
Il la ramenait sans arrêt. Pour un oui, un non. Sans qu’on ne lui demande quoi que ce soit. Pour passer le temps je l’imaginais aux toilettes pendant qu’il la ramenait. Son gros cul posé sur la lunette. Ou encore accroupi la tête rouge en train de pousser dans des turques. Il pouvait la ramener tant qu’il voulait. Je pouvais même le regarder dans le blanc des yeux sans ciller cependant . Il y avait même en chœur tout un raffut de sons foireux qui appuyait les images mentales. Quand il avait terminé, il disait — alors t’en pense quoi ? C’est un sale con n’est-ce pas, ou encore une belle salope tu trouve tu pas ? J’en pensais rien bien sûr, je le laissais avec sa question en suspens. Puis je me dépêchais de prétexter une course urgente avant que ça ne lui reprenne, qu’il la ramène encore sur un autre sujet. En gros toujours le même. Lui aux prises avec les dangers infinis du monde extérieur peuplé d’idiots, d’idiotes écervelées. Je me tirais au même moment où il commençait à entrouvrir la bouche de nouveau le laissant là planté comme un poisson en train d'étouffer C'était un miroir qui devait au moins faire sept mètre de long et qui faisait face au bar. Un jour qu'il la ramenait j'ai chopé un tabouret et je l'ai envoyé valdinguer dans le miroir. Il ne l'a plus ramené, c'était fini.|couper{180}