Effondrement

Les jours passent, les dates d’exposition se rapprochent et je reste bras ballants, comme si j’opposais d’une façon farouche, butée une inertie à tout projet auquel j’aurais donné mon accord il y a longtemps dans le temps, et que ce temps justement ne soit plus du tout le même. Qu’il ne soit plus constitué des mêmes intentions, espoirs, intérêts etc. Je retrouve là ma détestation des agendas ; ces perpétuels aller-retour qu’ils obligent à effectuer d’un temps à l’autre, autant passé présent que futur et qui me réduisent à une girouette tournicotant sur un axe, au sommet d’un clocher d’église. L’église serait en l’occurrence cette carrière de peintre. Quelque chose s’est effondré ou continue de s’effondrer lentement mais inexorablement. Sensation parfois peu agréable de ne plus habiter quoique ce soit d’autre que l’écriture, exactement comme autrefois quand j’écrivais mes petits récits au jour le jour dans mes innombrables chambres d’hôtel. Impression que tout me fuit ou que je fuis tout sauf écrire. Il n’y a que cela qui me tient en haleine, qui me procure l’illusion certainement d’être encore vivant. Mon épouse ne comprend pas. Elle ne cesse de me dire que désormais les lieux d’exposition qui font appel à nous sont de plus en plus prestigieux. Et peut-être que c’est justement ce mot- prestigieux- qui m’agace autant qu’il m’effraie. Toujours cette idée que tout prestige d’une part ne peut venir que trop tard, et que de l’autre il faille souvent être complètement mort pour avoir accès vraiment à sa réalité. Or je suis encore vivant merde, plus tout à fait comme avant - mais vivant tout de même. En attendant je marche sur des œufs, impression d’être en suspension au dessus d’un gouffre d’une immense béance qu’auront formé mes illusions perdues. Cette inertie demande un acharnement sans pareil pour être maintenue dans cet univers qui oblige au mouvement, à enchaîner action après action sans réfléchir puisque une décision autrefois fut prise en amont. Cela requiert aussi une illusion d’unité envers soi, une parole gravée dans le marbre qu’on ne peut sans en subir les conséquences extrêmes, modifier ou totalement gommer.

Post-scriptum

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Comme

Comme la mer qui cavale vers le mont Saint-Michel comme si elle allait lui faire sa fête, l'engloutir tout entier en deux coups les gros. L'air du temps me rattrape et je me mettrais bien à courir comme un dératé dans l'espoir de trouver une hauteur. En vain. C'est comme Waterloo morne plaine dans le coin. Encore pire depuis qu'il fait beau. Le soleil ne rend pas le monde plus beau il nous aveugle c'est tout. Pire je courre mais je fais du sur-place. La poisse comme le sable, la poisse comme les sables mouvants. Et la mer monte bon sang comme elle monte vite et je m'enfonce lentement. Comme un ange passe en tutu qui joue de la trompette mais mal. La fausse note m'excite me fait dresser les poils. Ta gueule l'ange je dis et ça m'extrait d'un coup des sables. Me v'la qui lévite. Comme par enchantement. L'ange se marre. Genre t'inquiète j'ai toujours raison, le con. Que t'aies la foi ou pas n'a aucune espèce d'importance. Comment on en est arrivé là ? Aucune idée j'ai juste dit comme au début et puis ensuite j'ai laissé filé pour arriver à la fin.|couper{180}

Comme

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technique mixte 70x70 cm

mai 2023 technique mixte 70x70 cm mai 2023|couper{180}

technique mixte 70x70 cm

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La ramener

Il la ramenait sans arrêt. Pour un oui, un non. Sans qu’on ne lui demande quoi que ce soit. Pour passer le temps je l’imaginais aux toilettes pendant qu’il la ramenait. Son gros cul posé sur la lunette. Ou encore accroupi la tête rouge en train de pousser dans des turques. Il pouvait la ramener tant qu’il voulait. Je pouvais même le regarder dans le blanc des yeux sans ciller cependant . Il y avait même en chœur tout un raffut de sons foireux qui appuyait les images mentales. Quand il avait terminé, il disait — alors t’en pense quoi ? C’est un sale con n’est-ce pas, ou encore une belle salope tu trouve tu pas ? J’en pensais rien bien sûr, je le laissais avec sa question en suspens. Puis je me dépêchais de prétexter une course urgente avant que ça ne lui reprenne, qu’il la ramène encore sur un autre sujet. En gros toujours le même. Lui aux prises avec les dangers infinis du monde extérieur peuplé d’idiots, d’idiotes écervelées. Je me tirais au même moment où il commençait à entrouvrir la bouche de nouveau le laissant là planté comme un poisson en train d'étouffer C'était un miroir qui devait au moins faire sept mètre de long et qui faisait face au bar. Un jour qu'il la ramenait j'ai chopé un tabouret et je l'ai envoyé valdinguer dans le miroir. Il ne l'a plus ramené, c'était fini.|couper{180}

La ramener