L’éblouissement
Phryné Attibué au sculpteur Praxiteles 390 av J.C
Faire la liste de tous tes éblouissements, afin de remonter à la source, à la cause qui t’aura, par violence, malheur, désespérance, enthousiasme contraint à en franchir négligemment le seuil. Le fameux seuil sur lequel Platon conseille de s’arrêter pour se servir de cet organe sis entre nos deux oreilles. Franchir ce seuil c’est se livrer corps et âme, s’abandonner, et ce faisant n’étant plus qu’une ombre, tourner le dos à la connaissance. En Afrique, dans certains pays, Congo, Gabon, la recrudescence des “maris de nuit” qu’évoque le sociologue Joseph Tonda. Ce sont des entités, mâles ou femelles qui viennent s’accoupler avec les vivant(es). L’incarnation d’un imaginaire qui épuise, achève le vivant, l’être, tant tout ce qui serait nécessaire pour se sentir vivant manque. L’argent en tant que divinité hybride, mélange entre animisme et capitalisme. Refuge dans l’éblouissement ou fuite en avant dans celui-ci, la seule porte de sortie pour les possédé(es) étant l’église. Aucune différence en Europe. L’éblouissement est partout désormais comme interviennent aussi ces “maris de nuit” peut-être pas que la nuit dans les rêves, mais désormais en plein jour. Les images incessantes, le corps-sexe, l’altitude à laquelle s’élève la poussière soufflée de nous par la désespérance. Tout a commencé hier, cette réflexion sur l’éblouissement. Quand soudain au musée archéologique d’Andros, j’ai été pris d’une sorte d’impulsion étrange, je me suis mis à vouloir tout photographier, le moindre petit morceau de poterie, le moindre cartel explicatif, comme si par l’entremise de mon I-phone, je désirais capturer le parcours de l’éblouissement qui commençait à monter. Et qui atteint son climax face à la statue d’Hermes. Me voici devant encore figé face à la version psychopompe du Dieu. L’accompagnateur vers la mort et ses enfers. Ce qui m’aura permis de m’en extirper, l’humour. Le sexe ridicule du dieu, absolument pas à proportion du corps, comme il est souvent d’usage dans la statuaire grecque. Ensuite rêvasserie sur Praxiteles, certainement l’auteur. On en retrouve plusieurs versions de cet Hermès en différents endroits du pays. Sur quoi Praxiteles me conduit à Phryné, soi-disant la première femme nue sculptée. A son procès relaté dans les vies de Plutarque, ou ailleurs, mais peu importe. Le fait que son défenseur à court d’argument la dévêtissent devant l’assemblée des magistrats afin par sa beauté prouver sa vertu… ( et cela a parfaitement bien fonctionné) À l’éblouissement probable du sculpteur antique qui fut aussi l’un de ses nombreux et riches amants. De là à revenir dans mon propre souvenir et à subir une fois encore le même éblouissement lorsque P. laisse tomber sa robe à terre et que je la contemple exactement comme une apparition divine… Éblouissement qui se répète inlassablement à chaque fois qu’une femme se met à nue. Et toujours même manière de franchir le fameux seuil de mon côté toujours. Par cette même avidité mêlée d’impuissance contre une pure image me biffant, nous biffant. Toute la violence du désir, de saisir, de posséder, vénérer et détruire,n’est-ce pas d’une certaine façon la même chose que ces fameux maris de nuit qu’on repousse loin en Afrique. L’âge ne change rien à l’intensité de ces éblouissements, simplement un peu plus de couardise que l’on confond avec sagesse, réserve, maturité et je ne sais plus quelles conneries. Tout cela dans l’espoir de se dédouaner d’une impuissance qu’on découvre congénitale. Impuissance qui n’a pas d’autre raison d’être que de civiliser le barbare. Impuissance aussi de comprendre qu’il ne peut y avoir de civilisation sans barbarie, que l’une a besoin de l’autre pour se jauger. Impuissance aussi liée à un système économique, politique qui nous transforme en choses. Des choses qui ne vivent plus qu’au travers d’autres choses dans un éblouissement qui ne peut conduire qu’à l’ascèse la plus stricte ou à tous les massacres.
Hermes psychopomp attribué à Praxiteles musée archéologique d’andros
Post-scriptum
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Comme
Comme la mer qui cavale vers le mont Saint-Michel comme si elle allait lui faire sa fête, l'engloutir tout entier en deux coups les gros. L'air du temps me rattrape et je me mettrais bien à courir comme un dératé dans l'espoir de trouver une hauteur. En vain. C'est comme Waterloo morne plaine dans le coin. Encore pire depuis qu'il fait beau. Le soleil ne rend pas le monde plus beau il nous aveugle c'est tout. Pire je courre mais je fais du sur-place. La poisse comme le sable, la poisse comme les sables mouvants. Et la mer monte bon sang comme elle monte vite et je m'enfonce lentement. Comme un ange passe en tutu qui joue de la trompette mais mal. La fausse note m'excite me fait dresser les poils. Ta gueule l'ange je dis et ça m'extrait d'un coup des sables. Me v'la qui lévite. Comme par enchantement. L'ange se marre. Genre t'inquiète j'ai toujours raison, le con. Que t'aies la foi ou pas n'a aucune espèce d'importance. Comment on en est arrivé là ? Aucune idée j'ai juste dit comme au début et puis ensuite j'ai laissé filé pour arriver à la fin.|couper{180}
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technique mixte 70x70 cm
mai 2023 technique mixte 70x70 cm mai 2023|couper{180}
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La ramener
Il la ramenait sans arrêt. Pour un oui, un non. Sans qu’on ne lui demande quoi que ce soit. Pour passer le temps je l’imaginais aux toilettes pendant qu’il la ramenait. Son gros cul posé sur la lunette. Ou encore accroupi la tête rouge en train de pousser dans des turques. Il pouvait la ramener tant qu’il voulait. Je pouvais même le regarder dans le blanc des yeux sans ciller cependant . Il y avait même en chœur tout un raffut de sons foireux qui appuyait les images mentales. Quand il avait terminé, il disait — alors t’en pense quoi ? C’est un sale con n’est-ce pas, ou encore une belle salope tu trouve tu pas ? J’en pensais rien bien sûr, je le laissais avec sa question en suspens. Puis je me dépêchais de prétexter une course urgente avant que ça ne lui reprenne, qu’il la ramène encore sur un autre sujet. En gros toujours le même. Lui aux prises avec les dangers infinis du monde extérieur peuplé d’idiots, d’idiotes écervelées. Je me tirais au même moment où il commençait à entrouvrir la bouche de nouveau le laissant là planté comme un poisson en train d'étouffer C'était un miroir qui devait au moins faire sept mètre de long et qui faisait face au bar. Un jour qu'il la ramenait j'ai chopé un tabouret et je l'ai envoyé valdinguer dans le miroir. Il ne l'a plus ramené, c'était fini.|couper{180}