Notule 38

Huile sur toile 2018 Collection privée

Un enfant qui rêve d’évasion ne peut la rêver qu’avec ce qu’il trouve tout autour de lui et en lui. Si dérisoires soient ses outils, et finalement si convenus. Le bâton que l’on épluche et taille, quelque flaque d’eau après la pluie, le goût acide de l’oseille, et le chapardage de quelques cerises, de pommes et de radis.

Quel choc alors de franchir le seuil d’une autre maison, d’une autre famille ! C’est comme arriver sur une autre planète, un autre monde, un univers inédit.

Ici les gens parlent une autre langue et dont pourtant l’accent est familier. Un écho ténu de quelque chose qui, dans l’enfance de l’enfance, est reconnu aussitôt et on s’en nourrit avidement.

Pas d’autre élément de comparaison que l’ingestion de nourriture.

cet emportement de la bouche vers la chair ,

se jeter sur de la viande pour la mordre,

la déchirer à pleines dents, presque sans la mastiquer,

mais l’avaler tout rond, goulument.

Comparer les deux maisons, les deux familles, ces deux univers tellement distincts, se rendre compte de cette différence comme d’un gouffre. Sentir dans la poitrine le cœur qui bat et des sueurs froides en parallèles ferroviaires.

Puis constater chez l’autre l’élégance du geste tenant la fourchette, cette précision du geste qui conduit sans faille la nourriture à la bouche, l’absence d’ empressement, le mouvement régulier des mâchoires qui mâchent, malaxent les aliments. Suivre la bouchée qui dépasse la glotte ou la luette puis disparait en faisant trembler un cartilage, une pomme d’Adam.

Et soudain sans comprendre d’où elle vient, se retrouver aux prises avec une envie de meurtre.

Ce besoin de comparer, d’évaluer comme d’avaler, c’est une corde que l’enfant tresse pour s’évader une fois l’issue découverte. Pour s’évader ou pour se pendre.

C’est ne pas accepter ce qui est, tel que cela est. Caresses et brimades, mots d’amour et d’insultes entremêlés.

Voilà comment participer à l’infini. En s’y heurtant continuellement comme pour ne pas cesser de l’éprouver , rester en contact, en s’absentant pour la plus belle part comme la pire.

Post-scriptum

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Comme

Comme la mer qui cavale vers le mont Saint-Michel comme si elle allait lui faire sa fête, l'engloutir tout entier en deux coups les gros. L'air du temps me rattrape et je me mettrais bien à courir comme un dératé dans l'espoir de trouver une hauteur. En vain. C'est comme Waterloo morne plaine dans le coin. Encore pire depuis qu'il fait beau. Le soleil ne rend pas le monde plus beau il nous aveugle c'est tout. Pire je courre mais je fais du sur-place. La poisse comme le sable, la poisse comme les sables mouvants. Et la mer monte bon sang comme elle monte vite et je m'enfonce lentement. Comme un ange passe en tutu qui joue de la trompette mais mal. La fausse note m'excite me fait dresser les poils. Ta gueule l'ange je dis et ça m'extrait d'un coup des sables. Me v'la qui lévite. Comme par enchantement. L'ange se marre. Genre t'inquiète j'ai toujours raison, le con. Que t'aies la foi ou pas n'a aucune espèce d'importance. Comment on en est arrivé là ? Aucune idée j'ai juste dit comme au début et puis ensuite j'ai laissé filé pour arriver à la fin.|couper{180}

Comme

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technique mixte 70x70 cm

mai 2023 technique mixte 70x70 cm mai 2023|couper{180}

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La ramener

Il la ramenait sans arrêt. Pour un oui, un non. Sans qu’on ne lui demande quoi que ce soit. Pour passer le temps je l’imaginais aux toilettes pendant qu’il la ramenait. Son gros cul posé sur la lunette. Ou encore accroupi la tête rouge en train de pousser dans des turques. Il pouvait la ramener tant qu’il voulait. Je pouvais même le regarder dans le blanc des yeux sans ciller cependant . Il y avait même en chœur tout un raffut de sons foireux qui appuyait les images mentales. Quand il avait terminé, il disait — alors t’en pense quoi ? C’est un sale con n’est-ce pas, ou encore une belle salope tu trouve tu pas ? J’en pensais rien bien sûr, je le laissais avec sa question en suspens. Puis je me dépêchais de prétexter une course urgente avant que ça ne lui reprenne, qu’il la ramène encore sur un autre sujet. En gros toujours le même. Lui aux prises avec les dangers infinis du monde extérieur peuplé d’idiots, d’idiotes écervelées. Je me tirais au même moment où il commençait à entrouvrir la bouche de nouveau le laissant là planté comme un poisson en train d'étouffer C'était un miroir qui devait au moins faire sept mètre de long et qui faisait face au bar. Un jour qu'il la ramenait j'ai chopé un tabouret et je l'ai envoyé valdinguer dans le miroir. Il ne l'a plus ramené, c'était fini.|couper{180}

La ramener