Notule 66
Christian Dotremont et Asger Jorn “ un visage suffit à nier le miroir”
Tenir la sauvagerie en laisse. Comme une vieille chienne ou une petite salope, la laisser. L’observer, un tantinet voyeur, quand elle hume renifle ou lèche. Voir le sens à l’œuvre sans mouffetter.
Puis emprunter je ne sais quel conduit ou drain, se le planter de sang froid dans une veine. Sentir le fluide remonter jusqu’à l’aorte. Écouter les dégâts que tout ça produit, spasmes et tremblements. Mais tenir toujours.
Se créer un vaisseau à la dure.
Tenter de donner du talon ensuite pour faire décoller tout ça dans une légèreté de plume.
Sans y penser. Lâcher du lest.
L’effroi provoqué par cette sauvagerie, vivace, tentant.
Le voir diminuer avec l’altitude. Créer encore. A partir des vastes champs de terre grasse on parvient à scruter de petits mouchoirs de poche.
Essuyer ensuite ses larmes de crocodile.
—Vous n’avez pas le droit de dire chienne et salope, biffez !
Rigolade !
—C’est justement pour ça que je le prends il faut appeler une chatte une chatte , ne stoppez pas la chute ! pas plus que les efforts d’ascension merde !
Ils sont tous repartis sauf elle. C’est pas demain la veille que nous romprons ce lien.
Il en va tout autant de l’hiver que de l’été, les intersaisons ont des contours plus flous. Je les relègue à l’arrière plan pour le besoin du tableau.
La sauvagerie en laisse. Il y en aura pour tout le monde, poussez pas.
Et puis ici on ne pratique pas non plus la folie des soldes. Pas besoin de vous ruer ni vers l’entrée ni la sortie.
Ici les sentiments, l’émotion ont un goût d’hostie. Je veux parler du carton bouilli.
Il n’y a rien à vendre qui ne soit pas aussitôt affiché hors de prix.
Ici y a que le cœur étranger dans son pays de vaches.
Post-scriptum
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Comme
Comme la mer qui cavale vers le mont Saint-Michel comme si elle allait lui faire sa fête, l'engloutir tout entier en deux coups les gros. L'air du temps me rattrape et je me mettrais bien à courir comme un dératé dans l'espoir de trouver une hauteur. En vain. C'est comme Waterloo morne plaine dans le coin. Encore pire depuis qu'il fait beau. Le soleil ne rend pas le monde plus beau il nous aveugle c'est tout. Pire je courre mais je fais du sur-place. La poisse comme le sable, la poisse comme les sables mouvants. Et la mer monte bon sang comme elle monte vite et je m'enfonce lentement. Comme un ange passe en tutu qui joue de la trompette mais mal. La fausse note m'excite me fait dresser les poils. Ta gueule l'ange je dis et ça m'extrait d'un coup des sables. Me v'la qui lévite. Comme par enchantement. L'ange se marre. Genre t'inquiète j'ai toujours raison, le con. Que t'aies la foi ou pas n'a aucune espèce d'importance. Comment on en est arrivé là ? Aucune idée j'ai juste dit comme au début et puis ensuite j'ai laissé filé pour arriver à la fin.|couper{180}
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technique mixte 70x70 cm
mai 2023 technique mixte 70x70 cm mai 2023|couper{180}
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La ramener
Il la ramenait sans arrêt. Pour un oui, un non. Sans qu’on ne lui demande quoi que ce soit. Pour passer le temps je l’imaginais aux toilettes pendant qu’il la ramenait. Son gros cul posé sur la lunette. Ou encore accroupi la tête rouge en train de pousser dans des turques. Il pouvait la ramener tant qu’il voulait. Je pouvais même le regarder dans le blanc des yeux sans ciller cependant . Il y avait même en chœur tout un raffut de sons foireux qui appuyait les images mentales. Quand il avait terminé, il disait — alors t’en pense quoi ? C’est un sale con n’est-ce pas, ou encore une belle salope tu trouve tu pas ? J’en pensais rien bien sûr, je le laissais avec sa question en suspens. Puis je me dépêchais de prétexter une course urgente avant que ça ne lui reprenne, qu’il la ramène encore sur un autre sujet. En gros toujours le même. Lui aux prises avec les dangers infinis du monde extérieur peuplé d’idiots, d’idiotes écervelées. Je me tirais au même moment où il commençait à entrouvrir la bouche de nouveau le laissant là planté comme un poisson en train d'étouffer C'était un miroir qui devait au moins faire sept mètre de long et qui faisait face au bar. Un jour qu'il la ramenait j'ai chopé un tabouret et je l'ai envoyé valdinguer dans le miroir. Il ne l'a plus ramené, c'était fini.|couper{180}