Notule 86

Comme il y avait ce risque évident de se retrouver gros jean comme devant, j’ai toujours éprouvé beaucoup de compassion pour les personnages les plus affreux rencontrés dans ma vie. Comme si c’était une manière de prévoir une certaine sollicitude envers un moi à venir.

A coté de ça j’étais ébloui par la netteté des décisions prises par les personnes que j’ai pu fréquenter quant à toute la cohorte de mes "pardonnés d’avance".

Ce tranchant net des affirmations, comme des couperets, et qui surgissaient de façon intempestive de tous les cotés, m’obligeait à devenir une sorte d’Harrison Ford s’enfonçant avec sa foi dans des galeries souterraines sans fin.

Je n’arrivais jamais à condamner totalement personne pas plus que moi-même. Et je crois que la plupart de mes ennuis viennent justement de cette impuissance crasse.

Sans doute que ma vie eut été différente si j’avais su dire merde en temps et en heure. Mais il m’aura fallu tellement de temps, tellement d’années d’atermoiements...

Les rares fois où l’expression a surgit de mon bec ce fut homérique. Sans aucune nuance.

Merde disais je et dans la stupéfaction générale je me foutais à poil, en montrant mon cul.

Puis j’allais souffrir comme un chien sur le bas coté des chemins, ne voulant plus rien entendre ni plus rien voir de ce monde débile.

J’ai du le faire en tout et pour tout 4 ou 5 fois. Ce n’est pas beaucoup. Mais c’est sans doute ce qui m’a été alloué, suffisant pour être ce que je suis à présent.

Je veux dire ce type débordant de compassion certes pour tous les êtres vivants, mais qui ne cherche pas à les approcher. Qui veut plus que tout au monde m’en tenir à bonne distance.

A coté de ça je ne me fréquente pas beaucoup moi non plus, le moins possible et seulement lorsque j’y suis contraint, je fais partie du lot.

Post-scriptum

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Comme

Comme la mer qui cavale vers le mont Saint-Michel comme si elle allait lui faire sa fête, l'engloutir tout entier en deux coups les gros. L'air du temps me rattrape et je me mettrais bien à courir comme un dératé dans l'espoir de trouver une hauteur. En vain. C'est comme Waterloo morne plaine dans le coin. Encore pire depuis qu'il fait beau. Le soleil ne rend pas le monde plus beau il nous aveugle c'est tout. Pire je courre mais je fais du sur-place. La poisse comme le sable, la poisse comme les sables mouvants. Et la mer monte bon sang comme elle monte vite et je m'enfonce lentement. Comme un ange passe en tutu qui joue de la trompette mais mal. La fausse note m'excite me fait dresser les poils. Ta gueule l'ange je dis et ça m'extrait d'un coup des sables. Me v'la qui lévite. Comme par enchantement. L'ange se marre. Genre t'inquiète j'ai toujours raison, le con. Que t'aies la foi ou pas n'a aucune espèce d'importance. Comment on en est arrivé là ? Aucune idée j'ai juste dit comme au début et puis ensuite j'ai laissé filé pour arriver à la fin.|couper{180}

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mai 2023 technique mixte 70x70 cm mai 2023|couper{180}

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La ramener

Il la ramenait sans arrêt. Pour un oui, un non. Sans qu’on ne lui demande quoi que ce soit. Pour passer le temps je l’imaginais aux toilettes pendant qu’il la ramenait. Son gros cul posé sur la lunette. Ou encore accroupi la tête rouge en train de pousser dans des turques. Il pouvait la ramener tant qu’il voulait. Je pouvais même le regarder dans le blanc des yeux sans ciller cependant . Il y avait même en chœur tout un raffut de sons foireux qui appuyait les images mentales. Quand il avait terminé, il disait — alors t’en pense quoi ? C’est un sale con n’est-ce pas, ou encore une belle salope tu trouve tu pas ? J’en pensais rien bien sûr, je le laissais avec sa question en suspens. Puis je me dépêchais de prétexter une course urgente avant que ça ne lui reprenne, qu’il la ramène encore sur un autre sujet. En gros toujours le même. Lui aux prises avec les dangers infinis du monde extérieur peuplé d’idiots, d’idiotes écervelées. Je me tirais au même moment où il commençait à entrouvrir la bouche de nouveau le laissant là planté comme un poisson en train d'étouffer C'était un miroir qui devait au moins faire sept mètre de long et qui faisait face au bar. Un jour qu'il la ramenait j'ai chopé un tabouret et je l'ai envoyé valdinguer dans le miroir. Il ne l'a plus ramené, c'était fini.|couper{180}

La ramener